[2] La pensée Anthroposophique

Je vais essayer dans cet article de vous résumer les principales caractéristiques de la pensée anthroposophique. Le sujet est vaste et l’écriture de cet article m’a pris énormément de temps, entre la lecture (fastidieuse) de différents écrits de Rudolf Steiner (principalement « Philosophie de la Liberté », le MUST READ selon les adeptes, mais aussi plusieurs autres textes dont l’énumération serait trop longue.), et la consultation de plusieurs sites partisans de cette pensée (qui sont restés au web 0.5 et qui m’auront coûté un œil).

Cet article ne se veut pas une critique de la pensée anthroposophique, qui fera l’objet d’un prochain article, mais une simple présentation que j’espère objective de ce courant de pensée.

Ça sera difficile, mais je vais donc tenter d’écrire sérieusement. Pour une fois.

(edit : vous n’imaginez pas à quel point ça a été difficile de rester à peu près neutre sur ce coup-là)

Rudolf Steiner

Quelques mots d’abord sur le maître à penser de l’anthroposophie, Rudolf Steiner, auteur des écrits fondateurs de l’anthroposophie. Il est utile de noter que ces écrits sont, encore aujourd’hui, la base de l’enseignement anthroposophe, que cela soit dans les cercles de pensée ou dans les écoles Waldorf-Steiner. Ses œuvres n’ont jamais été remises en question ou retouchées. La plupart des écrits produits par Rudolf Steiner sont des conférences, ce dernier préférant la transmission orale de son savoir. Ce n’est qu’après de multiples demandes que ses conférences furent sténographiées et publiées.

Rudolf Steiner est littéralement le seul maître à bord quand il s’agit d’anthroposophie. Certains auteurs ont pu graviter autour de lui, d’autres écrits ont été produits, mais il s’agit essentiellement d’explications de texte ou d’analyse de sa pensée. Tous les textes fondateurs sont de Steiner.

First_Goetheanum

Rudolf Steiner naît à Kraljevec (Croatie) en 1861, de parents autrichiens. Il étudie la philosophie, et commence à s’intéresser à l’oeuvre de Goethe. Il publie “Philosophie de la Liberté” en 1894. Il devient membre de la Société Téosophique en 1902, qu’il quittera en 1912.

Début 1913, il fonde la Société Anthroposophique, et débute la construction du “Goethéanum” qui sera victime d’un incendie criminel dans la nuit du 31 décembre 1922. Le second Goethéanum sera achevé en 1925. Le 30 mars 1925, Rudolf Steiner rend son dernier soupir à l’âge de 64 ans,

L’individualisme éthique

Nous ne voulons plus simplement croire; nous voulons savoir. La foi exige que nous admettions des vérités que nous ne comprenons pas entièrement. Or, ce que nous ne connaissons pas à fond est ennemi de notre être individuel qui veut tout expérimenter au plus profond de lui-même. Pour qu’un savoir nous satisfasse, il ne doit jamais se soumettre à une norme extérieure, mais jaillir de la vie intérieure de la personnalité.

(Philosophie de la liberté, Rudolf Steiner)

Wikipedia explique ça mieux que moi :

Rudolf Steiner postule que ce qu’il appelle l’observation et le penser seraient les deux piliers de toute connaissance. Il propose, par une intensification conjointe aller-retour de ces deux activités de faire l’expérience de l’essence du penser, qu’il appelle le penser pur. De ce dernier, l’homme doit pouvoir tirer en toute autonomie le motif de ses actions et agir alors librement. C’est ce que Rudolf Steiner a appelé « l’individualisme éthique». L’anthroposophie se fonde sur l’affirmation d’un dépassement possible de la vision matérialiste de la nature et du monde en y ajoutant les niveaux suprasensibles de l’existence : processus vitaux, âme et esprit.

En se basant sur les résultats de l’investigation spirituelle, l’anthroposophie propose dans tous les domaines de l’existence, des applications pratiques qui se veulent en harmonie avec la nature profonde de l’homme : éducation, médecine, thérapies artistiques, pharmacie, agriculture, économie, vie sociale, arts, etc.

En somme, au lieu d’accepter tout d’un bloc les théories scientifiques, les philosophes classiques ou les dogmes religieux, c’est à l’individu de se forger sa propre compréhension du monde. Les applications sont effectivement multiples dès lors qu’on ne s’arrête pas aux conceptions “rigides” telles qu’elles nous sont présentées.

L’être humain développe ainsi une manière de pensée individuelle, qui l’amènera à explorer d’autres domaines insoupçonnés, lui permettant peu à peu d’entrer dans une spiritualité pure, tout en “améliorant son caractère”.

Ce ne seront certainement pas ceux qui ne veulent qu’entendre raconter les faits des sphères supérieures qui feront apprécier dans le monde notre mouvement scientifico-spirituel dans ses parties les plus profondes, mais ce seront ceux qui auront la patience de pénétrer dans une technique de la pensée qui crée une base réelle, presque un squelette, au travail dans le monde supérieur

(Philosophie et Anthroposophie, Rudolf Steiner)

L’humain et la spiritualité

640pxSteiner_Berlin_1900_big_thumbDéshabitués que nous sommes à la perception des énergies suprasensibles, anesthésiés par un monde et une culture où dominent les sciences, nous avons perdus notre “sixième sens”.

Grâce à des exercices et pratiques spirituelles, nous pouvons peu à peu redécouvrir cette perception et réactiver nos chakras. Le but ultime de l’humain est de devenir uniquement et purement spirituel.

L’Humain est donc en réalité plus que matériel, existant sur plusieurs plans.

Le corps physique est notre enveloppe charnelle; le corps éthérique constitue nos forces et notre énergie vitale; le corps astral est similaire à l’aura; le “Moi” agit dans notre âme et notre conscient; l’âme en elle-même; et enfin les corps supérieurs qui permettront un développement spirituel encore supérieur.

Le corps éthérique ou dynamique est commun à l’homme, aux animaux et aux plantes. C’est lui qui opère dans les matières et les forces du corps physique les phénomènes de la croissance, de la reproduction, de la circulation de la sève, etc. C’est lui qui construit et modèle le corps physique, dont il est à la fois l’habitant et l’architecte. Et l’on peut donc appeler le corps physique l’image ou l’expression de ce corps dynamique. Formes et dimensions de ces deux corps sont, chez l’homme, à peu près analogues, mais non pas absolument pareilles. […] Le troisième principe de la nature humaine est le corps astral ou animique. C’est lui qui enregistre la douleur et la joie, qui manifeste l’instinct, les désirs, les passions, etc. Tous ces attributs manqueront à un être composé uniquement d’un corps physique et d’un corps éthérique. On peut résumer ces propriétés sous le nom de sensations.

(L’éducation de l’enfant – Rudolf Steiner)

Le monde est lui aussi divisé en plusieurs plan : physique, astral, spirituel d’une part, et “supra-spirituels” d’autre part. On se rapproche ainsi du bouddhisme.

De plus, l’humain s’améliore (notion de karma), ou, au contraire, paye ses erreurs, au gré de ses réincarnations successives.

L’approche anthroposophique reconnaît également le “principe christique” : la venue du Christ sur terre aurait été un grand bouleversement pour l’humanité, enclenchant ainsi une progression spirituelle des humains afin de les mener vers une compréhension accrue des mondes supérieurs (clairvoyance pensante). Le Christ en lui-même est une entité spirituelle supérieure qui s’est incarnée en Jésus de Nazareth.

Le moins que l’on puisse demander à l’élève est la bonne volonté d’admettre l’incarnation physique, en Jésus de Nazareth, de cette Individualité suprême, chef des Esprits du feu à l’époque solaire. […] Il s’agit de voir, en Lui, l’Homme-Dieu, de nature unique : seule, cette condition fondamentale donnera à l’élève une disposition de l’esprit capable d’éveiller les forces cachées de l’âme. Il faut pouvoir croire aux premières paroles de l’Évangile de St-Jean : «Au commencement était le Logos et le Logos était Dieu» jusqu’au verset : «Et le Logos a été fait chair et il a habité parmi nous.» Le même Esprit qui fut le Souverain des Esprits du Feu, qui a exercé son action créatrice sur l’évolution de notre planète, que, pour cette raison, nous appelons aussi Esprit de la terre, a donc réellement vécu parmi nous dans un corps de chair; il est, en vérité, descendu dans un corps matériel. Si l’on ne peut admettre ces vérités, il vaudrait mieux s’orienter vers une autre voie.

(Rudolf Steiner, Théosophie du Rose-Croix)

La reconnaissance et l’acceptation du Christ est un pré requis indispensable pour celui qui veut s’élever spirituellement. Les autres resteront emprisonnés dans le matériel pour l’éternité, n’évoluant jamais.

Les entités adverses

GroupeenboisRudolf Steiner puise également dans l’imagerie chrétienne et perse dans ses œuvres, avec notamment Lucifer et Ahriman/Satan, les deux entités “contraires” qui s’opposent à l’évolution humaine. Lucifer se place au plan astral, Ahriman au plan éthérique.

Sorat, lui, est l’Antéchrist pur.

Ces entités démoniaques encouragent donc une forme de lutte, dans un désir d’amélioration continue de notre spiritualité.

Et après ?

Steiner pense possible une réincarnation du Christ, même si il est probable qu’un usurpateur (ahrimanien) cherche à prendre sa place.

On notera que ce principe de réincarnation christique est également présent dans la téosophie, l’association qui accueillit Rudolf Steiner jusqu’en 1912. Jiddu Krishnamurti aurait été cette réincarnation pour les téosophes.

La mort, la réincarnation

Si durant notre sommeil notre corps astral se détache de notre corps physique (notion de “voyage astral”), la mort casse le lien ténu entre ces différents plans.

Le mort part alors à la rencontre de ses proches, revit ses nuits de sommeil et assiste impuissant au déroulé de ses actions. Il s’élève ensuite dans l’espace, et quitte ses différents corps (cf. plus haut) pour ne conserver que son individualité propre, en attendant donc sa nouvelle incarnation. Le délai entre deux incarnations est variable mais d’une moyenne d’un millénaire par individu.

La réincarnation s’effectue au cours de la troisième semaine de grossesse de la mère, l’enveloppe “entière” étant construite par l’enfant durant ses premières années de développement pour être totalement achevée vers l’âge de 20 ou 21 ans. Cette évolution s’effectue par cycles de 7 ans, ce qui explique en partie les dispositifs scolaires particuliers préconisés par Rudolf Steiner dans les écoles Waldorf-Steiner.

La femme et l’homme

Il est également intéressant de voir que la pensée anthroposophe se rapproche en partie de la pensée jungienne sur ce point. Steiner tenait en haute estime les psychanalystes, malgré certaines réserves. (“Je peux vous assurer que ces psychanalystes sont des connaisseurs et des investigateurs vraiment très supérieurs aux psychiatres universitaires habituels, ils sont très supérieurs à la psychiatrie, à la psychologie des universités, et d’un certain point de vue, ils ont le droit de dédaigner l’épouvantable soi-disant science” Conférence de Dornach, 10 novembre 1917)

Dans l’image de l’homme selon l’anthroposophie, il n’existerait pas deux sortes d’humains mais une seule: tout être humain serait en réalité masculin-féminin. Plutôt que de parler d’homme et de femme, il faudrait donc parler de nature masculine et de nature féminine. La femme possèderait un corps physique de nature féminine mais son corps éthérique serait de nature masculine. L’homme par contre possèderait un corps physique de nature masculine et son corps éthérique serait de nature féminine. Ce qui est extérieur chez l’un vivrait intérieurement chez l’autre, et inversement, ce qui expliquerait notamment l’attraction entre les sexes. Quant à l’âme et au moi, ils ne seraient pas sexués. (Wikipedia)

L’évolution

Prenant tout à fait à rebours le Darwinisme, l’anthroposophie considère que chaque espèce a régressé depuis un archétype uniforme de départ. Seul l’humain est resté proche de cet archétype, qui est fondamentalement immatériel.

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La médecine anthroposophique

Imprégnée de la pensée steinerienne, la médecine anthroposophique est avant tout holistique, considérant donc l’humain dans sa globalité. Les maladies sont donc la manifestation de nos dysfonctionnements spirituels, et peuvent être causés par notre karma. La maladie “purge” alors les dettes de l’incarnation précédente. Il est donc nécessaire de prendre en compte la possibilité de bloquer la guérison karmique par les médicaments.

La vaccination est également déconseillée, car elle peut interférer avec notre destinée karmique.

En revanche, les médecins anthroposophes diplômés de médecine peuvent prescrire des médicaments s’il le faut, on n’observe donc à priori pas de rejet systématique de la médecine conventionnelle, mais une simple “adaptation” au sujet.

Si l’utilisation de l’allopathie est possible, on constate également beaucoup de prescriptions homéopathiques ou phytothérapiques, comme les fleurs de Bach.

L’éducation anthroposophique

Destinée à accueillir les enfants des ouvriers de l’usine de cigarettes Waldorf-Astoria, la première école Steiner-Waldorf ouvre ses portes en 1919 à Stuttgart.

L’éducation nouvelle était alors en plein essor, et de très nombreuses écoles “alternatives” furent inaugurées.

Il existe aujourd’hui pas loin de 1000 écoles Steiner-Waldorf dans le monde.

Comme vu plus haut, les premières années de vie de l’enfant permettent à son incarnation de se finaliser. Il est donc primordial de l’aider le plus possible à se réaliser concrètement dans son enveloppe actuelle.

Steiner considère que jusqu’à sept ans, le corps éthérique se constitue et s’autonomise progressivement. L’enfant est alors dans une phase d’imitation, où il est important de développer sa sensorialité. Il entre ensuite jusqu’à la puberté dans une phase où il doit être nourri par un enseignement fortement imagé qui accompagne l’édification du corps astral. Le pôle du sentiment y est particulièrement soigné grâce à la production artistique, dans un climat de confiance. À partir de quatorze ans, il accède à la pensée abstraite avec la naissance progressive de l’individualité consciente et pensante qui lui permettra d’atteindre la maturité intellectuelle et un jugement libre. Le rôle de l’enseignant est d’équilibrer ces processus d’édification en agissant sur les forces spirituelles notamment par le choix et la durée des matières enseignées, chacune stimulant plus ou moins l’aspect « spirituel/cosmique » ou « matériel/terrestre ». Par exemple, un enfant chez qui l’organisation cosmique prédomine, repérable par la beauté plastique de son visage, devrait faire de l’histoire et de la géographie alors qu’un enfant terrestre devrait être « spiritualisé » avec de l’eurythmie. La notion de tempérament, considérée comme l’expression de modes de relation entre le psycho-spirituel et le physico-corporel, est utilisée aussi comme une clé importante pour orienter de façon plus individuelles les pratiques éducatives. On essaie de s’adresser aux enfants en fonction de leurs tempéraments (mélancolique, flegmatique, sanguin, colérique) ; on peut les placer dans la classe par tempéraments semblables ou leur faire jouer des rôles différents dans certaines activités. Un mauvais équilibre des forces spirituelles pourrait engendrer un criminel ou au contraire un rêveur. Le principe du karma joue aussi un rôle important dans l’éducation de l’enfant. (Wikipedia)

Les classes sont donc organisée de manière à optimiser le développement de l’enfant. Le premier cycle (jusqu’à 7 ans) est partagé entre les jeux et les activités d’éveil. On parle de Jardin d’enfants. Le second cycle (7-14 ans) marque l’introduction de la lecture, du calcul, des activités plus “scolaires” en somme. Le dernier cycle favorise la conceptualisation abstraite, et la fin des études est marquée par la réalisation individuelle d’un “chef-d’oeuvre” de la part de chaque enfant.

Dès le premier cycle, les enfants découvrent deux langues étrangères (souvent l’anglais et l’allemand).

La mythologie tient une place importante dans l’éducation, ainsi que les activités artistiques et manuelles. On notera que l’eurythmie est également enseignée comme une discipline à part entière.

Ces écoles se veulent non confessionnelles, mais on y étudie aussi les religions, et plusieurs célébrations marquent le cours de l’année (Noël, Pâques, Saint Michel, Saint Jean).

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