[4] “La Philosophie de la Liberté” de Rudolf Steiner

Ouf. Enfin. Ayé. J’ai fini de lire “la Philosophie de la Liberté”, lecture laborieuse s’il en fut (je ne saurai dire lequel entre celui-ci et la saga Pancol m’a le plus désolée, j’aurais dit Pancol au nombre de pages, mais l’insipidité du roman fait pencher la balance plutôt de l’autre côté).

Le bouquin est évidemment assez difficile à résumer, car pas clair du tout, bourré d’éditions de réédition à la 18ème réédition et de suppléments divers zé variés à la parole du Saint Prophète. Pas une partie de plaisir, en somme.

Vous trouverez ici le PDF m’ayant servi de support de lecture. Et ici, une analyse (et ici encore une autre) probablement plus clémente (ahem) de cette œuvre qui porte comme sous-titre : “Résultats d’une observation de l’âme d’après une méthode scientifique”

Cet article va être LONG. Effroyablement long. Aussi je vous propose un chapitrage qui vous permettra de faire comme à la maison quand vous faites pause 15 fois sur un DVD pour aller vous rechercher des chips ou du coca entre deux scènes chiantes.

Explication de texte

Première partie : la science de la liberté
1 – L’action humaine consciente / Le besoin organique de connaissance
2 – La pensée instrument de la conception du monde
3 – Le monde comme perception
4 – La connaissance du monde
5 – L’individualité humaine
6 – Y-a-t-il des limites à la connaissances ?

Seconde partie : la Réalité de la Liberté
1 – Les facteurs de la vie
2 – l’idée de la liberté
3 – La Philosophie de la Liberté et le Monisme
4 – la finalité dans l’univers et dans l’homme (détermination de l’homme)
5 – L’imagination morale (Darwinisme et moralité)
6 – La valeur de la vie (pessimisme et optimisme)
7 – L’individualité et l’espèce
8 – Derniers problèmes
Suppléments
Conclusion

Avant-propos : Rudolf Steiner n’aime pas trop trop les autres philosophes.

Un peu comme le Ygwie Malsmteen de la philo, Steiner poutre POUTRE. Et ça envoie du lourd.

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L’homme, alors qu’il pense ou qu’il agit, peut-il être considéré comme un être spirituel libre ? Subit-il au contraire les lois inflexibles de la nécessité naturelle ?
[…]Il faudrait être bien dénué de réflexion pour ne pas se rendre compte que cette question philosophique est le pivot même de toutes nos conceptions morales, religieuses, scientifiques, bref, de toute notre existence. Et, parmi les symptômes les plus attristants de la mentalité contemporaine, il faut signaler le ton superficiel avec lequel David Frédéric Strauss, dans un ouvrage où il prétend fonder sur les données de la science moderne une « foi nouvelle », écrit ce qui suit : (Dav. Fréd. Strauss, Der alte und neue Glaube) « Nous n’avons pas à envisager ici la question de la liberté de la volonté humaine. La prétendue liberté de choisir indifféremment entre des actions a toujours été considérée comme illusoire par toutes les philosophies dignes de ce nom. Mais la valeur morale des actions et des intentions humaines ne dépend aucunement de ce problème ». Si j’ai cité ce passage, ce n’est pas que j’attribue une importance spéciale au livre dont il est tiré, mais c’est que j’y trouve résumée en peu de mots l’opinion courante jusqu’à laquelle la plupart de nos contemporains savent s’élever en ce qui concerne ce problème capital. (p.8)

Et BIM David Frédéric Strauss !

[C]’est contre le dogme du libre-arbitre (entendu comme une faculté de choisir) que se dirigent, de nos jours encore, presque toutes les attaques des déterministes. Écoutons par exemple Herbert Spencer, dont les opinions se répandent actuellement de plus en plus : « Que chacun de nous puisse, à son choix, désirer ou ne pas désirer, comme il est en somme sous-entendu par le dogme de la libre volonté, c’est une chose que réfute aussi bien mon analyse de la conscience humaine, que les résultats de notre précédent chapitre (Herbert Spencer, Les Principes de la Psychologie). Ce point de départ est, en général, adopté par tous ceux qui
combattent l’idée de liberté. Toutes leurs théories se trouvent d’ailleurs énoncées en germe chez Spinoza. Les déterministes n’ont guère fait que répéter inlassablement le très simple raisonnement de leur précurseur, mais en l’enveloppant de théories si compliquées qu’on n’aperçoit plus bien la simplicité de l’erreur initiale[…] (p.8/9)

Han, dans vos mouilles les déterminiiiiistes !!!

Cette théorie est si précise et si simplement exposée qu’elle permet de toucher du doigt l’erreur fondamentale sur laquelle elle repose. Spinoza nous dit de même qu’une pierre, après avoir reçu un choc, accomplit nécessairement un certain mouvement, de même l’homme agit toujours sous la poussée d’un mobile qui le détermine. Mais parce qu’il prend conscience de son action, il s’en croit la libre cause, il ne voit pas la cause véritable, le mobile déterminant auquel sa volonté obéit. Tout ceci contient une faute de raisonnement facile à découvrir : Spinoza, comme tous ses successeurs, omet de dire que l’homme prend conscience non seulement de son action, mais aussi, souvent, des mobiles qui l’ont amenée. (p.9)

Éd. von Hartmann, dans sa « Phénoménologie de la conscience morale », écrit que le vouloir humain dépend de deux principaux facteurs : les motifs et le caractère. Tant que l’on croit tous les hommes semblables, ou qu’on leur attribue des différences de caractère insignifiantes, leur vouloir paraît déterminé du dehors, par les contingences extérieures. Mais, en réalité, l’homme placé devant une idée ou une représentation n’en fait un motif d’action que si cette idée, cette représentation, s’accordent avec son caractère et suscitent un désir en lui… cet homme alors croit que la détermination vient des profondeurs de son être, il s’imagine être libre des contingences extérieures. « Mais, dit Éd. von Hartmann, même lorsque nous transformons une idée ou représentation en un motif, nous ne saurions le faire arbitrairement, mais par la nécessité de notre idiosyncrasie ; par conséquent nous ne sommes absolument pas libres. » Ici encore, comme on le voit, l’auteur néglige de distinguer les mobiles d’action que l’on accepte après un lucide examen de ceux que l’on subit sans en avoir une claire connaissance. (p.10)

Mais assez de ces exemples. Ils démontrent qu’un grand nombre de penseurs attaquent la conception de la liberté sans même savoir ce qu’on entend par ce mot. (p.11)

Merci Rudolf. C’est vrai que ça devenait un peu redondant tout ça, heureusement, je suis sûre que le contenu de ton livre (On peut se tutoyer hein ?) va m’en mettre plein les mirettes. J’ai hâte.

Il va de soi qu’une action n’est jamais libre tant que son auteur en ignore les causes. Mais que se passe-t-il lorsque ces causes sont au contraire connues ? Et ceci nous amène à nous demander : quelle est l’origine et la nature de la Pensée ? Tant que nous n’aurons pas bien compris ce qu’est l’activité pensante de l’âme, nous ignorerons ce que signifie « connaître » ou « savoir quelque chose », fût-ce une action. Au contraire, lorsque nous aurons établi ce qu’est la Pensée, le rôle qu’elle joue dans l’action humaine apparaîtra clairement. Hegel a dit : « C’est seulement avec la Pensée que l’âme, (dont les animaux sont doués comme les hommes), s’élève au rang d’esprit ». Rien de plus juste, et c’est également la Pensée qui donne à l’action humaine son caractère propre. (p.12)

QUELQU’UN ! Donnez un bon point à ce brave Hegel je vous prie.

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Explication de texte

Le but du livre est donc de nous éclairer quand à la nature de la Pensée et du monde “perceptible”, mais aussi d’ouvrir la voie au reste de son œuvre en nous proposant une approche au monde suprasensible.

Pour cela, l’observateur devra se libérer de ses sens et penser en pur esprit. Steiner n’admet pas de limite à la pensée telle qu’elle nous est posée par le monde “réel”. Celui qui ne sait franchir cette limite de la pensée ne sait éprouver la Vérité Réelle.

Mon approche de l’anthroposophie s’est faite à l’envers : des applications (biodynamie, médecine, éducation), je vais vers l’idée initiale. On me dira que je suis biaisée dans mon jugement et c’est complètement juste.

Peut-être que si à 18 ans j’avais commencé par la Philosophie de la Liberté, je serais moi-aussi Anthroposophe ? Peu probable. J’ai lu grande quantité de livres traitant d’ésotérisme, de philosophie de vie, et “pensée alternative”, j’ai même cru très longtemps aux auras, aux chakras, j’ai fait de la méditation transcendentale, je me suis soignée avec des gemmes, de l’homéopathie, des plantes, j’étais dedans jusqu’au cou, et pourtant, je me retrouve à écrire des articles critiques sur tout ça.

J’ai probablement la naïveté de croire que mon libre-arbitre me permet de prendre conscience de mes erreurs, et que ma liberté m’est trop précieuse pour accepter de suivre n’importe quel enseignement au prétexte qu’il est séduisant et apporte des explications “simples” et originales sur des problématiques délicates. Ça ne me suffit pas.

Allez les gens, let’s PWN !

Première partie : la science de la liberté

1 – L’action humaine consciente / Le besoin organique de connaissance

Nous édifions [donc] une cloison entre le monde et nous, et ceci dès que notre conscience s’éveille. Néanmoins, nous ne perdons jamais le sentiment d’appartenir malgré tout à ce monde, de lui être liés, de demeurer non pas extérieurs à lui, mais englobés en lui.

Nous sommes ici dans la dichotomie (dans le sens de dualité) observateur/monde, pensée/observation, esprit/matière qui servira de fil conducteur tout au long du livre. Petit rappel donc sur les deux courants : Monisme vs Dualisme. Vous trouverez un schéma un peu plus bas.

  • Le monisme est le système de pensée selon lequel le monde n’est composé que d’une seule substance. Cette substance peut être la matière, selon les matérialistes, ou l’esprit, selon les spiritualistes.
  • Le dualisme expose quand à lui l’idée de deux principes ou entités en chaque domaine, l’exemple le plus courant étant l’opposition corps/esprit.

Steiner nous dit :

Toutes ces doctrines semblent perdre de vue que l’opposition dont il s’agit se produit tout d’abord dans notre conscience. C’est nous-mêmes qui nous détachons du sein originel de la nature, c’est nous qui opposons notre moi au monde. Gœthe a exprimé cette pensée d’une manière qui peut sembler peu scientifique, mais qui est de la plus pure beauté, dans un essai intitulé La Nature : « Nous vivons en elle et lui sommes étrangers. Elle nous parle sans cesse et ne nous révèle pas son secret. » Mais Gœthe connaît aussi l’envers de cette pensée : « Les hommes sont tous en elle et elle est en tous. »
S’il est vrai que nous nous sommes exilés de la nature, il est non moins certain que nous nous sentons encore en elle, et que nous savons lui appartenir. N’est-ce pas sa propre activité créatrice qui vit en nous ?

Ah, la Nature. Le Joker intergalactique qui permet de faire passer tout et n’importe quoi.

Goethe est l’inspiration de toute la philosophie de Steiner, penchons-nous donc quelques instants sur la “Naturophilosophie” ou Philosophie de la Nature.

Cette philosophie propose une approche des questions scientifiques dans les années 1780/1830, dans le courant de l’idéalisme et du romantisme allemand. La Philosophie de la Nature tente d’appréhender la nature dans sa totalité. Nature en tant que principe créateur, essence de l’humain, principe directeur de nos actes. La Nature est Tout, Tout est la Nature, en somme.

L’avantage de l’approche de Goethe, c’est qu’elle s’affranchit de la rigueur de la philosophie “classique” en posant l’universalité et la versatilité naturelle à la base de la connaissance. On peut difficilement contredire une pensée fluctuante et intuitive. D’autre part, la fonction de poète et dramaturge de Goethe lui permet d’exposer ses idées de manière plus fluide que les philosophes, à travers ses différentes œuvres “accessibles à tous”.

A l’austérité de la philosophie classique au demeurant très abstraite, la philosophie de la nature oppose une forme concrète et spontanée de l’étude de la pensée et du monde.

Le problème c’est que les sciences naturelles ont peu à peu supplanté la philosophie de la nature en apportant des connaissances tangibles en lieu et places de spéculations philosophiques, ce qui rend plus compréhensible la posture défensive de Steiner face aux sciences, à une époque où on comprend de mieux en mieux le monde et où on commence à pouvoir poser des lois physiques sur la Nature, désacralisant en quelque sorte cet archétype.

On comprend mieux ainsi tout l’attachement de Steiner à Goethe, et on ne s’étonnera donc pas de voir transparaître en permanence l’image du Maître qui lui insuffla les concepts d’intuition, de nature, de liberté…

L’observation et la pensée sont les deux points de départ de toute l’activité spirituelle de l’homme, au moins dans les limites où celui-ci prend conscience d’elle. Le bon sens commun repose sur ces deux piliers de notre esprit aussi bien que les recherches scientifiques les plus complexes. Les philosophes ont pris leur point de départ dans certaines antithèses telles que l’idée et la réalité, le sujet et l’objet, l’apparence et la chose en soi, le moi et le non-moi, l’idée et la volonté, le concept et la matière, la force et la matière, le conscient et l’inconscient. Nous allons montrer que l’opposition de l’observation et de la pensée est infiniment plus importante du point de vue de l’homme, et qu’elle doit primer toutes les autres.

En 1925, les neurosciences ne pouvaient encore expliquer les phénomènes physiques précédant la pensée, mais on sait et on comprend de plus en plus les interactions entre la physiologie et la “pensée”. De fait, c’est un pan entier de l’argumentation anthroposophique (mais aussi de la philosophie dans son ensemble) qui tombe peu à peu.

Je suis certain que plus d’un lecteur, m’ayant suivi jusqu’ici, aura trouvé mes développements en désaccord avec le point de vue scientifique actuel. Je lui répondrai que, jusqu’à présent, je n’ai pas eu à me préoccuper de ce point de vue. J’ai dû purement et simplement décrire ce que chacun de nous peut éprouver dans sa propre conscience.

Ah bon, OK, j’ai rien dit, j’avais oublié que la science c’est de la merde.

Cela dit, je ne sais toujours pas d’où vient la pensée, sinon.

2 – La pensée instrument de la conception du monde

L’observation et la pensée sont les deux points de départ de toute l’activité spirituelle de l’homme, au moins dans les limites où celui-ci prend conscience d’elle. Le bon sens commun repose sur ces deux piliers de notre esprit aussi bien que les recherches scientifiques les plus complexes. Les philosophes ont pris leur point de départ dans certaines antithèses telles que l’idée et la réalité, le sujet et l’objet, l’apparence et la chose en soi, le moi et le non-moi, l’idée et la volonté, le concept et la matière, la force et la matière, le conscient et l’inconscient. Nous allons montrer que l’opposition de l’observation et de la pensée est infiniment plus importante du point de vue de l’homme, et qu’elle doit primer toutes les autres.

Si l’on reprend depuis le cogito ergo sum de Descartes, on se rend compte que la pensée précède en effet la conceptualisation même du monde ou de nous-mêmes.

Il faut même ajouter que, dans le temps, l’observation précède la pensée. En effet, c’est seulement par l’observation que nous pouvons apprendre à connaître la pensée.

Est-ce que l’observation précède la pensée ? Si je vois un objet, son image va parcourir un (rapide) trajet jusqu’à mon cerveau, qui analysera l’image. La vue de l’objet précède à sa conceptualisation. Dans le même temps, la pensée précède tout, et va peut-être même guider mon regard vers l’objet. L’observation de la pensée est-elle une pensée ou une observation ? Mais où veut-il en venir ?

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Enfin moi j’dis ça, j’en sais rien, mais je crois me souvenir qu’une des branches favorites de Steiner est justement la méditation. Mais on n’oserait introduire des idées juste pour nourrir des concepts ultérieurs apparaissant comme coulant de source. Rho.

Il en va de même pour notre pensée. Il faut qu’elle soit là, avant que nous puissions commencer à l’observer.

Gné ? Mais enfin tu viens de dire le contr…mais…Passons. Oui oui, passons, allez, on va pas en faire des caisses, zou. Vous allez voir, c’est comme ça pendant tout le bouquin.

Il est donc incontestable que la pensée est une apparition d’un genre unique : là, le devenir universel nous appartient, il dépend de nous, et, sans nous, rien ne surviendrait. C’est cela qui nous importe tellement, car le caractère énigmatique des choses extérieures provient de ce que nous ne participons pas à leur venue au monde nous les trouvons toutes données. Par contre, nous savons parfaitement comment la pensée vient au monde et comment elle se fait. C’est donc en elle qu’on trouvera le point de départ vraiment primitif pour la considération du reste de l’univers.

On sait donc maintenant (par magie ou intuition) d’où vient la pensée. La pensée, donc, est l’outil de conceptualisation du monde, tout était dans le titre du chapitre, techniquement j’ai avancé de 22 pages dans cet ouvrage, j’ai donc dû apprendre des choses à un moment. Probablement.

Pour finir le chapitre, dernier pied de nez à la philosophie (si vous entendez un bruit, c’est Descartes qui se retourne dans sa tombe) :

Jusqu’ici, j’ai parlé de la pensée sans faire allusion à la conscience humaine qui en est le porteur. La plupart des philosophes contemporains m’objecteront ceci : « Avant qu’il y ait pensée, il faut qu’il y ait conscience. Vous devez donc prendre votre point de départ dans la conscience. »
Voici ce que je leur répondrai : « Pour m’expliquer le rapport qui existe entre la conscience et la pensée, il faut que je pense ce rapport. Je pose donc la pensée avant tout ». […] le philosophe n’est pas chargé de créer le monde, il doit seulement le comprendre. Il lui faut rechercher, par conséquent, non point les principes de la création, mais ceux de la compréhension. Il serait étrange qu’on reprochât au philosophe de se préoccuper avant tout de la justesse de ses principes, plutôt que d’aborder immédiatement les objets qu’il veut comprendre.

Yngwie, reviens, j’ai besoin de toi.

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Merci.

Reprenons. Nous avons appris que la pensée précède l’observation qui précède la pensée. On sait donc comment la pensée est “sécrétée” et qu’elle est la base de notre conceptualisation du monde. Si, si, on le sait, chut maintenant.

3 – Le monde comme perception

La pensée donne naissance à des concepts et à des idées.
Qu’est-ce qu’un concept ? On ne peut en donner la définition. On peut seulement faire remarquer à l’homme qu’il a des concepts. Lorsque quelqu’un voit un arbre, sa pensée réagit sur son observation ; à l’objet s’adjoint une sorte de pendant idéel, et l’homme considère que cet objet et son pendant idéel s’appartiennent l’un à l’autre.[…]Le concept ne saurait être tiré de l’observation. Ceci ressort, dès l’abord, du fait que l’homme en voie de croissance ne se forme que peu à peu les concepts correspondant aux objets qui l’entourent. Les concepts s’ajoutent à l’observation.

(Idéel : qui se rapporte à l’idée ou qui n’existe que dans l’idée.)

La pensée donne naissance à des concepts et à des idées. La conscience relie la pensée et l’observation. La pensée est au-delà du sujet et de l’objet, n’est ni subjective ni objective, est source de l’existence du sujet pensant et de son positionnement face à l’objet pensé (pour résumer).

La question qui se pose maintenant est celle-ci : l’autre élément, que nous avons simplement nommé jusqu’ici l’objet de l’observation, et qui doit se rencontrer avec la pensée dans le champ de la conscience humaine, comment pénètre-t-il dans cette conscience ?

On introduit maintenant la notion de “perception” du monde.

Comme certains termes demeurent entachés d’incertitude, je crois utile de m’entendre ici avec le lecteur sur le sens dans lequel je vais prendre, dans ce qui suit, le mot : « perception ». J’entends par là les objets immédiats dont je parlais plus haut, dans la mesure où le sujet conscient en prend connaissance par une observation. Ainsi, je ne désigne point sous cette appellation le processus de l’observation, mais son objet.

Ah non mais non… si c’est pour expliquer en donnant encore moins de sens à ce qui en a déjà peu, c’est pas la peine hein, non mais. La perception en tant qu’idée d’un objet, pourquoi pas. Allez, on va dire que c’est la faute à la traduction en français, voilà.

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La perception du monde s’établit donc en fonction du sujet observant, elle est donc subjective. George Berkeley s’oppose en ceci à Descartes en fondant sa philosophie (moniste) de l’immatérialisme (ou idéalisme). Au cogito ergo sum s’oppose un doute sur l’existence même du monde matériel.

Descartes, dans son dualisme cartésien, doute de tout, sauf de sa propre pensée. L’illusion est une pensée, il y a donc quelque chose qui pense, il y a donc une chose pensante. Berkeley va plus loin en réduisant le monde uniquement aux états de conscience, présupposant un Dieu créateur portant les “objets” en esprit. Les objets, les idées n’existent pas, ou alors c’est présupposer l’existence de Dieu.

Tant que l’on se borne à considérer, en général, le fait que nos perceptions dépendent de l’organisation subjective, il n’y a rien à opposer à la théorie de Berckeley. Mais la chose se présenterait tout autrement si nous étions en mesure de déterminer quel est, dans l’apparition d’une perception, le rôle de notre activité perceptrice. Nous saurions alors ce qui, pendant que nous percevons, se passe dans la perception et nous pourrions aussi déterminer ce qui devait être en elle auparavant.

(On notera que les traducteurs ont orthographié “Berckeley”. +1 pour l’argument de la mauvaise trad.)

Oui, mais nous nous percevons. Le “moi” reste un élément immuable dans mon observation. J’observe un arbre, il y a l’arbre et moi. Si je me détourne de l’arbre, son image, sa représentation subsiste. Cette représentation ne peut qu’être établie en admettant la présence de “moi”. Je différencie alors le “moi” (le monde intérieur) de l’arbre (le monde extérieur). Donc Berkeley a tort, puisqu’il nie l’existence du monde extérieur. Voilà.

Après un bref détour dans la caverne de Platon, au tour de Kant et sa théorie de la connaissance.

Cette théorie croit énoncer une vérité évidente, absolument certaine, et qui se passe de toute preuve.

Heu c’est pas un tout petit peu l’hôpital qui se fout de la charité, là ? Hein Yngwie ? Yngwie est d’accord avec moi.

“Nous n’avons aucun savoir direct , sauf de nos représentations” nous montre Édouard Von Hartmann, prolongeant ainsi la théorie de la connaissance de Kant. Pour ce dernier, le sujet est le centre de la connaissance. La réalité se conforme donc à nos représentations. Kant expose également la notion de limite à la connaissance (entendement). Il sépare d’une part la science en tant que découlant de la raison pure, et le dogme ou la croyance (par exemple l’idée de l’existence de Dieu et inversement, l’idée de sa non-existence).

Si nous éprouvons des sensations, tactiles par exemple, nous touchons bel et bien un objet et non sa représentation. En même temps, nous ne ressentons pas l’objet en lui-même, mais notre corps réagit à ce contact, et la perception est ressentie à l’intérieur de nous, nous renvoyant donc à une représentation. “Ce que le sujet perçoit, ce ne sont jamais que des modifications de ses propres états psychiques, et rien d’autre” (Hartmann).

Il serait difficile de trouver un second monument de la pensée humaine qui ait été construit avec autant de pénétration que celui-ci, et qui, cependant, s’écroule plus facilement à l’examen.

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Thèse kantienne : l’objet est perçu. Par exemple la couleur rouge n’existerait pas si nous n’avions pas d’œil. Elle existe par l’action réciproque de l’œil sur l’objet et de l’objet sur l’œil. Mais la couleur rouge n’est elle-même qu’une perception et n’existe pas dans l’œil. Elle est transposée sur l’objet par notre “âme”.

Steiner : “Si je n’avais pas d’œil, le corps serait pour moi une chose incolore. Je n’ai donc pas le droit de dire que la couleur appartient au corps. Où donc se trouve-t-elle ? Je la cherche dans l’œil : en vain. Dans le nerf : en vain. Dans le cerveau : en vain. Dans l’âme, je la trouve bien, mais isolée du corps coloré. Pour trouver le corps coloré, il me faut revenir à mon point de départ. J’ai refermé le circuit.”

Moi : si je n’ai pas d’œil, la couleur n’existe simplement pas, représentation ou non. Admettons que je sois seule dans l’univers, que je me trouve en un lieu inconnu, en face d’une porte fermée. Je ne sais pas ce qui se trouve de l’autre côté, et, sans ouvrir cette porte, je ne le saurai jamais. La pièce qui se trouve derrière la porte réside donc en dehors de mon champ de perception, et par conséquent…n’existe pas. Si je suis aveugle, la notion ou la représentation de rouge, ou même de couleur, n’ont aucun sens ! Je n’ai donc pas à chercher cette notion de couleur qui n’existe pas.

La démonstration “logique” n’a pas de sens. La suite de la démonstration part de ce postulat (où se trouve la couleur si je ne la vois pas) pour nous démontrer que la couleur doit quand même bien se trouver quelque part bon sang. Il poursuit en exposant le fait qu’entre l’objet coloré et notre représentation, la route est “discontinue”. Hélas, on sait aujourd’hui assez précisément de quelle manière l’œil perçoit la couleur et quelles zones du cerveau interprètent ce signal. Les mécanismes mêmes de la pensée sont de mieux en mieux compris, et ont de plus en plus à voir avec de vulgaires processus chimiques. Urk.

Voici une courte pause en vidéo au sujet de la perception de la couleur, histoire de divertir les anglophones d’entre vous.

Jusqu’ici, j’ai vraiment du mal à comprendre où Steiner veut en venir. Un début de réponse m’est apportée par ce texte(page 2) :

Dans ses œuvres préthéosophiques Steiner, réfutant délibérément le criticisme de Kant, qui limite l’expérience objective, s’efforce de justifier par la théorie de la connaissance cette expérience mystique solitaire. Il part au contraire du principe que par-delà les limites de la connaissance définies par Kant, tout ce qui est nécessaire à « l’explication du monde » est accessible à la pensée humaine, car il est convaincu que la pensée est, sous la forme des idées, l’essence du monde. La connaissance de soi permet de « pénétrer progressivement les fondements de l’univers »

On est ici au cœur du problème. Afin de pouvoir donner une explication plausible à ses visions mystiques, il faut pouvoir démontrer que le système “rationnel” part de préconçus erronés. Que tous les philosophes ont tort. Que lui a raison. Quitte pour cela à noyer son lecteur sous une masse confuse de raisonnements chaotiques et imbuvables.

Oui, parce que ça fait donc maintenant 34 pages que je lis “machin à tort parce que [insérer éventuellement argument fallacieux ici] donc [insérer tranche de pensée circulaire là]”. Je n’ai rien contre de la contre-argumentation, mais baser toute une philosophie CONTRE le reste du monde pensant ça a tendance à me donner furieusement envie d’aller lire d’autres trucs bien plus intéressants.

Malheureusement pour moi, c’est pas fini, mais histoire de vous faire gagner du temps, je vous passerai désormais les étapes de pseudo contre-argumentation.

4 – La connaissance du monde

Partant de là, on peut donc bien postuler tout ce qu’on veut, plus rien n’a d’importance, finalement.

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Donc, la science est au mieux une vaste plaisanterie, au pire la somme d’observations de personnes aux capacités sensorielles dignes d’une otarie bourrée à la bière.

Celui qui ne voit pas les choses elles-mêmes, mais seulement leur reflet, se trouve dans l’obligation de se renseigner sur ces choses par des déductions qu’il tire de leur reflet. Tel est le point de vue de la science moderne ; elle n’emploie la perception qu’à titre de moyen suprême pour acquérir des notions sur les phénomènes réels de la matière, qui sont situés, croit-elle, derrière cette perception.

La pensée est la base de toute connaissance du monde, et grâce à Grobisou, notre connaissance n’a ainsi plus aucune limite.

La pensée est également universelle, chaque humain rejoignant ainsi la valse lente de la vie universelle du cosmos. Et comme le cosmos c’est vachement chouette, l’intuition nous est offerte afin de percevoir l’univers dans sa plus pure réalité.

En gros, suffit d’être juste bien entraîné (grâce aux méditations anthroposophiques) et nous aussi nous pourrons bientôt contempler le monde et embrasser l’univers avec notre pensée toute neuve telle un disque dur ayant subi un formatage bas-niveau. Douce perspective.

5 – L’individualité humaine

Les représentations (cf. plus haut) ne sont que des intuitions rapportées à une certaine perception, des concepts qui furent une fois liés à une perception, et auxquelles demeurent attachés les souvenirs de cette perception.

Par la pensée, l’homme participe au devenir cosmique; par le sentiment, il se retire dans l’intimité de son propre être et moi je vais aller me pendre prochainement dans l’intimité de la souffrance psychique engendrée par ces lectures.

6 – Y-a-t-il des limites à la connaissances ?

Haaaaaaaaaaaaaa ! Bah voilà !

Donc non, vu que la Pensée Cosmique nous accompagne dans cette Nouvelle Ère de l’Intuition Philosophique Toute Puissante.

Lorsque nous nous posons des questions auxquelles la réponse est impossible, c’est que quelque chose manque à la clarté et à la logique de nos questions, car ce n’est pas le monde qui les pose, c’est nous-même.

Sinon, le Dualisme c’est de la merde, ça n’apporte aucune réponse, et puis d’abord l’auteur nous l’a brillamment démontré plus haut avec une analyse sans faille. En réalité, le “moi” nous permet d’accéder à toute la connaissance universelle, et le monisme c’est d’la balle, z’allez voir.

Au delà du violet, il existe dans le spectre des forces qui ne provoquent aucune perception de l’œil, mais une action chimique ; de même il existe, au delà de la couleur rouge, des radiations qui n’ont qu’une action thermique. Lorsqu’on réfléchit à des phénomènes de cette sorte, on en vient à se dire : L’étendue de notre monde perceptible est déterminée par l’étendue de nos sens, et nous aurions devant nous un tout autre univers s’il nous advenait des sens supplémentaires ou si les nôtres changeaient de nature.

Nous avons trouvé l’explication à la cosmogonie délirante de notre bon Rudolf…et fin de la première partie.

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Seconde partie : la Réalité de la Liberté

1 – Les facteurs de la vie

(Et oui j’ai cherché des jeux de mots pourris avec La Poste mais rien ne m’est venu à l’esprit.)

La philosophie du sentiment, ou “mystique” c’est nul, la philosophie de la volonté, ou “théisme” c’est pourri aussi, parce que rien ne peut expliquer ce qu’on ne connaît pas. En gros.

Par contre, l’expérience intuitive c’est le Bien et ça met tout le monde d’accord.

2 – l’idée de la liberté

Dans l’observation de la pensée, les deux termes dont l’apparition était jusqu’alors forcément séparée (concept et perception) se trouvent réunis en un seul. Tant que l’on méconnaît cette vérité, on pourra imaginer que les concepts sont les reflets inconsistants des perceptions, et les perceptions sembleront être la seule réalité. C’est alors qu’on se met à construire des univers métaphysiques calqués sur le monde de ses propres perceptions : monde des atomes, de la volonté, de l’esprit… chacun les voit à sa manière. Mais dès que l’on a saisi ce que la pensée offre de tout différent, on comprend que la perception est la moitié seulement de la réalité, et que l’autre moitié (la pénétration de la perception par la pensée, processus vécu par l’homme) lui est indispensable pour constituer une réalité totale.

Oui oui oui

L’homme qui observe la pensée vit directement, à l’instant où il l’observe, au sein d’une essence spirituelle qui subsiste par elle-même, l’intuition consiste à vivre consciemment dans un monde purement spirituel. C’est seulement par un acte intuitif que l’essence de la pensée peut être saisie.

La somme de nos représentations est conditionnée par la somme de concepts qui, le long de la vie, se sont adjoints aux perceptions, c’est-à-dire sont devenus des représentations. Elle dépend donc de la faculté d’intuition, qui est plus ou moins grande, et du champ d’observation.
Les sentiments déterminent nettement les « aptitudes caractéristiques ». Selon qu’une représentation cause de la joie ou de la peine, elle peut devenir ou non motif du vouloir.

Je…mais…heu…

Le stade supérieur de la vie individuelle, c’est la pensée purement conceptuelle, sans rapport avec aucun contenu de perception. Nous déterminons alors le contenu d’un concept par une intuition pure, nous le tirons entièrement de la sphère idéelle. Un tel concept est, à l’origine, sans rapport avec aucune perception. Lorsque nous agissons sous l’influence d’une intuition, notre mobile est la pensée pure.

Les principes moraux peuvent être énoncés sous des formes abstraites sans que l’individu se préoccupe de connaître leur origine… Un mode particulier de cette morale, c’est le cas où le commandement n’est plus donné par une autorité extérieure, mais intérieure (autonomie morale). Nous entendons alors une voix intérieure à laquelle nous devons obéir. Cette voix est appelée conscience. Il y a un progrès moral dès l’instant où l’homme, non content d’obéir simplement à un commandement extérieur ou intérieur, s’efforce de comprendre les causes pour lesquelles telle ou telle maxime d’action doit lui devenir un motif. Par ce progrès, il s’élève de la morale d’autorité, à une morale basée sur la compréhension. Les actions d’un homme dépendent du contact qui s’établit entre sa faculté d’intuition d’une part, et les situations de sa vie de l’autre.

Cette somme d’intuitions, dans la mesure où elle est mise en acte, constitue la moralité réelle de l’individu. La laisser vivre et se réaliser, c’est là le mobile moral suprême, et c’est, en même temps, le motif moral suprême pour quiconque a reconnu que tous les autres principes de moralité sont fondés, en dernière analyse, sur lui.

Je vous présente donc l’individualisme éthique, et suis en train de sombrer peu à peu dans la folie.

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Joie bonheur, cotillons, liberté, youpi youpi.

3 – La Philosophie de la Liberté et le Monisme

Ah, un chapitre plus intéressant où je vais pouvoir un peu vous causer du monisme à l’aide d’un joli schéma.

Vous l’aurez compris, le dualisme c’est naze, le monisme c’est bien mais dans certaines limites bien définies, faut pas déconner.

dualismemonisme
monisme

4 – la finalité dans l’univers et dans l’homme (détermination de l’homme)

Le monisme rejette la conception finaliste de tous les domaines à l’exception de la seule action humaine. Il cherche des lois naturelles, mais non point des fins naturelles.

Dans ce chapitre, Steiner critique le principe de finalité.

Le finalisme affirme que tout a une cause finale. Dans le cadre de l’évolution, par exemple, on affirme que chaque modification sert un but bien précis (la girafe a un long cou pour pouvoir se nourrir). On explique ici le moyen par la fin. C’est un des arguments en faveur de l’existence de Dieu comme créateur intelligent. Sinon, tout serait rien que du hasard et c’est pas possib’. Je me permets un intermède perso sur ce point, car la réflexion est intéressante. Il est facile de voir en l’évolution une “volonté” supérieure ou une intelligence collective qui œuvrerait de concert pour tous nous améliorer. Mais le terme de sélection naturelle est souvent vu à tort comme du finalisme (ici un article des Cahiers Antispécistes sur le sujet). Les individus moins aptes à se faire bouffer ont survécu, ont proliféré et augmenté en nombre. Les individus s’adaptant à l’environnement sont donc, logiquement, plus propices à la reproduction. Et c’est tout.

Le finalisme est en ceci opposé au matérialisme, et plus spécifiquement au mécanisme : “Ce n’est pas la fonction qui crée l’organe mais l’organe qui crée la fonction.” (Lucrèce). Une cause précède ici à l’effet.

Dans tout ceci, Rudolf Steiner et moi ne sommes donc par fondamentalement en désaccord dans la remise en cause finaliste. C’est assez rare pour être noté, je vous rassure, ça ne va pas durer longtemps.

Si nous rejetons la conception finaliste, même du monde spirituel extérieur à l’homme, c’est qu’il se manifeste dans ce monde spirituel quelque chose de supérieur à la finalité que réalise le genre humain. Et quand nous estimons erronée l’idée d’une détermination finale du genre humain, conçue sur le modèle des buts que l’homme se propose, nous voulons dire que l’individu seul peut se donner à lui-même des fins ; mais que l’activité globale de l’humanité, comme résultante de toutes ces fins individuelles, constitue une chose supérieure à ces fins.

BIM. On démonte l’idée de finalité pour nous remettre sur les rails de la “cause supérieure” qui a pourtant été vivement critiquée un peu plus haut. Mais bon, on n’en n’est pas à une contradiction près, mais au moins on en est à plus de la moitié du bouquin depuis longtemps, et je ne vous cache pas que c’est avec une grande joie que je compte 33 pages restantes à me fader.

Vous m’avez suivie jusqu’ici, je vous offre donc un interlude bucolique *keur keur*

Bucolique

Allez ça suffit maintenant, on respire un grand coup, on y retourne !

5 – L’imagination morale (Darwinisme et moralité)

Ah ah ? Darwin. Je me demandais à quel moment on parlerait de Darwin étant donné que tout le chapitre précédent fleurait bon la sélection naturelle.

On commence par flatter le lecteur qui se veut forcément être un esprit libre qui agit donc en pleine conscience et effectue des choix sans contrainte, par l’imagination morale. La Nature est encore une fois à l’œuvre, nous délivrant par l’intuition ses consignes et ses règles via les Lois de la Nature.

Les chrétiens, ces mangeurs d’enfants, répondent quand à eux à des injonctions essentiellement négatives (ex. : les 10 commandements) et ne répondent qu’à la punition. Mais je m’égare.

Les partisans de cette doctrine [évolutionniste] se représentent qu’il y eut, une fois, sur la terre, une époque où un observateur aurait pu voir les reptiles naître des amniotes, à condition de disposer d’un temps d’observation suffisant pour assister à cette métamorphose. De même, ces théoriciens imaginent qu’un observateur placé assez longtemps dans l’éther aurait pu voir le système solaire sortir peu à peu de la nébuleuse de Kant-Laplace. […]aucun des théoriciens évolutionnistes n’aura l’idée d’affirmer que le concept de reptile, avec toutes ses propriétés, peut-être tiré du concept d’amniote par quelqu’un qui n’a jamais vu de reptile. Pas plus que le concept de système solaire ne saurait être tiré du concept de la nébuleuse de Kant-Laplace, en admettant que ce dernier concept ait été formé seulement à la perception directe de cette nébuleuse.

L’individualisme éthique, que l’on vient d’établir en conclusion de ce qui précède, pourrait aussi bien se déduire de la théorie évolutionniste. Le résultat serait le même, on l’obtiendrait seulement d’une autre manière

Heu…ouiiiiiii…si tu veux, Ruru, si tu veux.

L’apparition d’idées morales entièrement nouvelles, dues à l’imagination morale, ne devrait pas plus surprendre l’évolutionniste que ne le surprend la succession d’une espèce animale à une autre espèce animale.

Okay. Je vois. En résumé, la liberté va te permettre d’affirmer tout et n’importe quoi tranquillou. Je me disais aussi que je ne voyais pas trop le rapport.

Dans ces considérations sur la volonté humaine[…]Il est particulièrement important de signaler que c’est l’expérience intérieure qui permet de certifier qu’une volonté est libre. Cette expérience consiste en une réalisation de l’intuition idéelle par la volonté.[…]Lorsque une telle intuition existe dans la conscience humaine, elle n’y est aucunement engendrée par les phénomènes de l’organisme. Au contraire, l’activité organique s’est pour ainsi dire retirée, afin de faire place à l’activité idéelle. […]On ne saurait constater cette liberté de la volonté, tant qu’on est incapable d’observer comment l’élément intuitif paralyse et repousse les actions nécessaires de l’organisme humain, et comment l’activité spirituelle de la volonté entièrement inspirée par la pensée peut prendre leur place. C’est là la condition de la liberté.

Donc si on ne colle pas à la Doctrine, on n’est pas libres, sachez-le. Je dois être l’individu le moins libre du monde connu.

6 – La valeur de la vie (pessimisme et optimisme)

la vie est-elle joie bonheur licornes ou agonie sans fin ?

Ni l’un ni l’autre, la Nature nous dicte notre propre contentement.

7 – L’individualité et l’espèce

Comment peut-on prétendre à la liberté en vivant avec les autres ?

Voici un des passages les plus intéressants à mes yeux :

Si la situation sociale de la femme est si indigne, c’est qu’elle est déterminée, sous bien des rapports, non pas, comme il devrait être, par les qualités individuelles des femmes en particulier, mais par les idées générales que l’on se fait des besoins et des devoirs naturels de la femme. Tandis que les occupations d’un homme sont orientées d’après ses capacités et ses goûts personnels, on voudrait que celles d’une femme dépendissent uniquement du fait qu’elle est femme. La femme doit être esclave de l’espèce, de la collectivité féminine. Tant que les hommes discuteront pour savoir si « la nature » de la femme la prédispose à certaines fonctions, la question féministe en restera au stade le plus primitif. Qu’on laisse aux femmes le soin de juger de ce que « leur nature » leur permet de faire et de vouloir. S’il est vrai qu’elles ne sont bonnes qu’à la fonction qu’on leur a jusqu’à présent assignée, elles n’arriveront certes pas à en atteindre d’autres. On craint un ébranlement de l’ordre social actuel, au cas où les femmes cesseraient d’être traitées comme membres de l’espèce, pour devenir des individus. Mais un ordre social au sein duquel la moitié de l’humanité mène une existence indigne d’elle-même, a précisément grand besoin d être amélioré.

Je suis à la fois surprise et étonnée. En même temps, partant de l’idée de Liberté absolue, ce n’est pas fondamentalement choquant. A vrai dire je n’ai aucune idée de la manière dont Steiner se comportait réellement face au sexisme, mais bon sang, un passage à eu près valable, ça méritait d’être cité !

Bon, sinon, cette liberté nous permet de nous affranchir, voire de transcender les normes sociales.

Allez, une licorne pour la route.

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8 – Derniers problèmes

On peut résumer cette dernière partie par “Ayez confiance, le monisme c’est la vie”.

Cette « Philosophie de la liberté » établit les bases philosophiques de mes ouvrages postérieurs. Car j’y ai essayé de montrer que l’expérience de la pensée, lorsqu elle est correctement comprise, est déjà une expérience du monde spirituel. C’est pourquoi il m’apparaît que quiconque admet sérieusement le point de vue exposé dans cette Philosophie de la liberté ne saurait avoir de repos qu’il n’ait accédé au monde perceptible de l’esprit. Certes, on ne saurait tirer des considérations de cet ouvrage, par des déductions logiques, les résultats exposés dans mes livres suivants. Mais la pensée intuitive dont il est question ici, lorsqu’on l’a intérieurement comprise et vécue, mène tout naturellement à progresser plus loin dans la connaissance vivante du monde perceptible de l’esprit.

Suppléments

Ici, on trouve réponse à certaines critiques qui ont pu être faites à l’ouvrage en question.

Les objections qui m’ont été faites par certains philosophes[…]m’ont incité à ajouter à cette nouvelle édition le bref complément que voici. […]dans la considération philosophique du monde, il surgit quelquefois des problèmes qui résultent plutôt du parti-pris des penseurs que du cours normal de la pensée humaine elle-même. Tout le reste de cet ouvrage me paraît concerner strictement la tâche que tout homme se propose dès qu’il aspire à comprendre clairement l’être humain, et ses relations avec le monde. Ce qui va suivre, par contre, est plutôt un problème dont certains philosophes exigent qu’on le traite lorsqu’on étudie les questions qui font l’objet de ce livre, parce que ces philosophes se sont créé, par leur mentalité spéciale, certaines difficultés qui n’existent pas pour l’homme ordinaire. Lorsqu’on se permet de passer entièrement sous silence les problèmes de ce genre, certaines personnes s’empressent de vous accuser de dilettantisme, etc.. Et l’on reproche à l’auteur de n’avoir pas discuté telle ou telle théorie, dont le livre ne mentionne pas l’existence.

Voilà, moi, ça me suffit comme supplément, non ?

Les penseurs devraient chercher la voie de l’observation intérieure normale et impartiale, au lieu de masquer la réalité derrière l’édifice artificiel de leurs théories.

Et là ?

Nous ne voulons pas non plus de ce savoir glacial qui a été fixé une fois pour toutes dans des formules d’école, et conservé dans des codes que l’on a déclarés valables pour tous les temps à venir. Chacun de nous se trouve autorisé à prendre comme point de départ ses expériences les plus directes, ses intuitions immédiates, et à s’élever, de là, à la connaissance de tout l’univers. Nous aspirons à un savoir certain, mais que chacun de nous obtiendrait par le mode qui lui est propre.

Bon, ça suffit, maintenant, j’en ai marre.

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Conclusion

Étant donné qu’après les deux lectures de ce livre, je ne sais même plus comment je m’appelle, on va faire bref.

Déjà, merci de m’avoir lue jusqu’ici, j’avais prévenu que cet article allait être long. Sa rédaction m’aura pris pas loin d’une semaine “après-boulot”, soit une vingtaine d’heures en comptant mes lectures fastidieuses.

J’ai en revanche beaucoup apprécié de me replonger dans mes cours de philo de terminale L.

Je peux comprendre que La Philosophie de la Liberté soit considéré comme l’Œuvre Ultime de Rudolf Steiner, car elle pose les fondations de ce qui sera l’Anthroposophie. Cette lecture, aussi fastidieuse fut-elle, m’a permis de découvrir ce qui peut autant fasciner les anthroposophes chez Steiner. On peut facilement se laisser bercer par cette idée de Liberté et de total libre-arbitre, mais il ne faudrait pas oublier la manière dont l’anthroposophie fonctionne dans le concret. On demande aux membres une adhésion inaliénable aux principes, une participation sans failles aux cours et lectures, une implication dans tout le système anthroposophe. Grégoire Perra l’a bien décrit dans ses articles que je vous encourage très vivement à consulter sur ses deux blogs : son blog perso et son blog consacré plus spécifiquement aux écoles Steiner-Waldorf. Le mouvement anthroposophe a tout d’une secte, son endoctrinement éducatif et sa médecine sont particulièrement contestables.

Sur ce, je vous fais des bisoux et je vous dis à la prochaine, les lapins.

2 Commentaires

  • Whahou, deux lectures ???
    Si ça peut te rassurer, j’ai pris énormément de temps pour rédiger l’article en partie car ça m’a fait replonger dans mes cours de philo. J’avais pas envie de raconter de conneries, et ça m’a valu deux bonnes migraines 😀
    Si les philosophes se sont construits les uns par rapport aux autres, je n’ai jamais croisé autant d’opposition véhémente à TOUS les autres. La plupart du temps, le travail philosophique s’est construit soit en prolongement d’une pensée préexistante, soit en opposition.
    Steiner veut en réalité justifier les visions mystiques qu’il a eues plus jeune. En fait il agit réellement comme un gourou de secte autoproclamé, fondant toute sa pensée sur ces visions mystiques, auto-entretenant ses propres théories. Ce fonctionnement en circuit fermé n’est en général pas excellent ni pour le cerveau, ni pour la fiabilité de son propos.
    Par exemple, il a « vu » des gnomes sur la Lune. Afin d’expliquer cette vision, il pense donc à construire une vision de l’objet céleste, puis du système solaire dans son ensemble, puis de la physique, etc. TOUT est auto-justifié.

    Concernant mon acceptation de la science. Je suis passée par pas mal de conceptions mystiques, par à peu près toutes les médecines « alternatives ».
    En ce moment, je fais de la biochimie. C’est ultra-chiant, mais ça me permet aussi de comprendre beaucoup de choses. A mon sens, tout n’est pas ENCORE explicable par la science. Je pense que c’est aussi une de nos principales divergences par rapport notamment à la zététique 🙂
    Par exemple, quand je cuisine, j’aime savoir pourquoi ma pâte lève, quels sont les processus à l’oeuvre dans une cuisson à la vapeur, pourquoi cuire à 180°C et pas à 190°C.
    Après, je suis ouverte à pas mal de choses, j’adore me tromper et tout recommencer.

    Il y a pas mal de choses dans ton com, et il nous faudrait des heures de discussion pour tout aborder (et pour, au final, nous rendre compte que oui, nous avons des divergences fondamentales et que non, c’est pas grave <3 ).

    Je suis assez peu radicale dans ce que je peux écrire, penser, dire. Si je le suis, c’est parce que je suis très énervée, et j’ai un tempérament naturellement calme.

    (Hey ne va pas te pendre ! ho !)

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