Vivent les fainéant-e-s !

Dans un monde en surproduction, où on aurait pourtant la capacité de nourrir tout le monde, où on consomme des smartphones comme on consomme des vêtements à la mode, on continue à crever de faim.

« On », vous savez bien de qui il s’agit. Les pauvres. Les pauvres qui sont pauvres soit parce qu’iels ne sont pas né-e-s au bon endroit (pas de bol !) soit parce qu’iels n’ont pas de bol dans la vie (pas de bol !) ou, pire, parce qu’iels n’en rament pas une.

Le gros avantage de la méritocratie c’est que ça explique facilement plein de choses. On est dans un système où les forts gagnent, où les faibles meurent, mais, hé, l’égalité des chances ! Une femme qui fait des enfants au détriment de sa carrière n’avait qu’à se protéger, on est dans un pays où la contraception est accessible (mais où les cours d’éducation sexuelles sont réduits à trois fois rien, où les moyens de contraception sont limités, la responsabilité de celle-ci reposant uniquement sur les femmes). Puis les élèves n’ont qu’à se former aux métiers qui recrutent ! C’est fini, les vocations, faut être rentable. REN-TA-BI-LI-TÉ !

Rentabilité

La formule est simple : plus on produit de la valeur, plus notre propre valeur augmente.

La nuance est cependant majeure : la valeur c’est ce qui permet de faire de la thune. Et ce qui permet de faire de la thune c’est un service, un produit de consommation, une « valeur ajoutée ». Jusqu’ici, pourquoi pas, hein.

Mais qu’est-ce qu’on fait des valeurs qui ne se monnaient pas ?

Même si le système réussit à produire de la valeur sur le non-monnayable (Merci La Poste qui prend 20 balles par mois pour aller voir ta mamie), la valeur reconnue par lui ne peut être que financière. Le capitalisme ne sait pas gérer la joie, l’amour, l’optimisme, la solidarité tant que ces émotions ou ces gestes ne s’inscrivent pas dans un contexte productiviste.

Cela signifie-t-il qu’une solidarité qui ne fait pas gagner d’argent est inutile ?
(Dois-je vraiment répondre à cette question ?)

L’art est difficilement rentable pour 95% des artistes, pourtant passer une journée sans musique, sans graphisme, sans art, me donnerait envie de pleurer. Pire, l’idée de ne « consommer » que des produits culturels rentables me donne envie de me pendre avec le cordon de ma souris Bluetooth.

Je suis entourée de personnes qui travaillent pour un salaire confortable ou pour un salaire de merde, les plus heureux n’étant pas obligatoirement les premiers. Et j’ai aussi autour de moi des personnes d’une grande valeur qui ne produisent rien de tangible. Cet article que j’écris en ce moment même ne va pas me rapporter un centime, il va même m’en coûter. Dois-je arrêter de payer mon hébergement ?

Il est temps de reconsidérer la valeur.

La valeur, ça peut être cette amie qui dessine merveilleusement bien, cet ami qui écrit chaque jour un petit billet intéressant, cette personne qui se démène pour loger des réfugié-e-s mineur-e-s isolé-e-s. Ces personnes qui apportent une valeur incalculable à la vie.

Alors vivent les RSAistes,
Vivent les chômeur-ses,
Vivent les précaires,
Vivent les handicapé-e-s,
Vivent les parent-e-s au foyer,
Vivent les fainéant-e-s !

Si je paye des impôts, c’est pour vous. Je suis heureuse d’être un peu moins riche pour vous permettre de continuer à exister. Vous êtes important-e-s, ne laissez jamais personne vous dire le contraire.

Et même si vous ne « produisez » rien, vous avez de la valeur.

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2 Commentaires

  • Merci meuf ! ça fait trop plaisir.
    Je n’avais plus vu d’éloge sur l’oisiveté depuis Dominique Rongvaux (sur YT pour celles et ceux qui n’aurait jamais vu).
    Quand on voit ce que donne le mythe improvisé de la Start-Up Nation, la bêtise que véhicule le dogme du travail, la nocivité des carriéristes et leur incompétence face aux vrai.es passionné.es, on ne peut qu’être d’accord.
    Arrêtez d’automatiser, nous retournerons travailler, ensemble, et dans la bonne humeur.

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