SJW en carton

[Cet article contient essentiellement des ressources en anglais, si une personne plus douée que moi se sent de traduire certains passages, j’éditerai le texte <3 ]

Pour les non-anglophones et selon Wikipedia, un-e Social Justice Warrior (qui sera abrégé en SJW ensuite parce que c’est super long à écrire avec les capitales et tout) c’est ça :

Social justice warrior (couramment abrégé SJW, et que l’on peut traduire littéralement par guerrier de la justice sociale) est un terme péjoratif désignant un individu défendant d’une manière parfois violente et réactionnelle des causes sociales jugées progressistes (comme le féminisme, la lutte pour les droits civiques, le multiculturalisme, etc.), et dont l’attitude constituerait un biais de validation personnelle et une recherche d’augmentation de sa réputation personnelle plutôt qu’une véritable défense des causes en question.

Wikipedia propose en lien annexe la page qui explicite la notion de « Droit-de-l’hommisme ».

Quant à moi, je retrouve ce mot utilisé dans son sens péjoratif au sein de la communauté féminisme.

D’où vient cette expression ?

Wikipedia nous indique que le mot est utilisé sur Twitter à partir de 2011, avant de prendre un sens péjoratif durant le Gamergate. Comme Wikipedia n’est à mon sens pas des plus fiables concernant le féminisme (notamment à cause du ban de certaines contributrices sur ces questions), je vais pousser un peu plus loin la recherche jusqu’à trouver la première occurrence du terme.

Comment rechercher un terme sur une plage de dates

Je suis assez surprise de voir que ce terme est plutôt ancien :

The phrase originated in the late 20th century as a neutral or positive term for people engaged in social justice activism. In 2011, when the term first appeared on Twitter, it changed from a primarily positive term to an overwhelmingly negative one. During the Gamergate controversy, the negative connotation gained increased use, and was particularly aimed at those espousing views adhering to social liberalism, cultural inclusiveness, or feminism, as well as views deemed to be politically correct.

The term has entered popular culture, including a parody role-playing video game, Social Justice Warriors, released in 2014.

Origin

Dating back to 1824, the term « social justice » refers to justice on a societal level. Abby Ohlheiser wrote in The Washington Post that « social-justice warrior » or variations thereof had been used as a laudatory phrase in the past, and provided an example dating to 1991. She quoted Katherine Martin, the head of U.S. dictionaries at Oxford University Press, who said, « All of the examples I’ve seen until quite recently are lionizing the person. » According to The Washington Post, use of the phrase in a positive manner continued from the 1990s through the 2000s. At the time of the article’s publication in October 2015, Martin said « lexicographers there haven’t done a full search for its earliest citation » of the term.

 

La définition de SJW dans Urban Dictionnary (avril 2011)

L’article du Washington Post mentionné ci-dessus (octobre 2015)

En résumé pour les personnes qui ne lisent pas l’anglais, le terme date des années 90 et avait à l’époque un sens positif. Repris sur Twitter et durant le Gamergate il a pris un sens péjoratif. La notion de « justice sociale », elle, est beaucoup plus ancienne et remonterait au XIXème siècle.

 

Est-ce que le mot « Social Justice Warrior » est une insulte ?

Techniquement, le fait de se battre pour la justice sociale est plutôt une bonne chose. Ce sont les abrutis finis du Gamergate qui ont commencé à utiliser cette expression pour dénigrer les féministes. Alors que, littéralement, l’appellation est correcte : on se bat pour plus de justice et d’égalité.

Pendant un moment, l’expression a été reprise par certain-e-s militant-e-s féministes avec fierté, moi y compris. C’est une manière de se réapproprier ce mot, de le vider de son sens négatif.

Pourtant, je commence à voir de plus en plus de personnes de mon bord utiliser ce mot, de nouveau de manière négative. Je ne saurais expliquer ça précisément mais ça me chagrine. Si le sens donné par les mascus se rapproche plutôt de l’idée de personnes complètement hystériques assoiffées de sang, celui donné dans nos rangs est à mon sens plus pervers. Ainsi, un-e SJW est un-e militant-e relou, qui va sans arrêt chercher l’oppression, y compris dans les blagues les plus basiques. Un peu comme si on parlait de radicalisation pour lea définir. Comme s’il y avait une gradation dans le militantisme, une ligne blanche à ne pas franchir pour ne pas être « trop » féministe.

On se rapproche dangereusement de la silenciation ou du tone policing, qu’on connaît bien quand on expose des idées féministes ou anti-racistes.

En même temps je dois avouer que oui, des fois certaines réactions me font lever les yeux au ciel. Je sais que les blagues misandres sont oppressives à un certain niveau (pour les personnes trans notamment) mais c’est une parade que j’utilise régulièrement dans un cadre non-militant (lorsque mon chef me fait une blague sexiste par exemple, je retourne le truc ça le fait nettement moins rire). Est-ce oppressif ? Sans doute. Est-ce oppressif dans le contexte de la blague ? Non. Quand je ne prends pas de précautions oratoires (« toutes les personnes cis » ou « j’exclus telle personne de mon raisonnement ») lors d’une discussion avec mes proches militant-e-s, je sais qu’ielles savent ce que je veux dire.  Le contexte est important, et oui, quand je vois dans des groupes militants des personnes qui relèvent la moindre virgule ça m’agace. Même si elles ont fondamentalement raison.

Bref. Vous m’avez comprise je pense.

Pour autant, ces réactions sont-elles invalides ? Pas forcément. Je pense qu’on chemine tous-tes, on se déconstruit brique par brique. Une fois qu’on a ôté le filtre à sexisme, qu’on réalise que les oppressions sont réellement partout, on traverse une phase où on relève tout, tout le temps. C’est une étape dans le cheminement, une étape qu’on a tous-tes connue. La réalisation est souvent violente, c’est sain de vouloir crier la violence à la face du monde.

Je ne suis pas sûre que nous traiter de SJW entre nous soit productif. Au contraire, j’aimerais bien qu’on se réapproprie réellement cette appellation, qu’on se rappelle que de se battre pour la justice sociale, c’est fondamentalement bien.

Articles sur le sujet :

« La face obscure des Social Justice Warrior » sur Slate

Le social justice warrior est-il ce militant bien-pensant et agressif qu’on l’accuse d’être ? sur Mashable

 

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1 Commentaire

  • Je crois que de manière générale, on gagnerait à pointer des attitudes, des arguments, bref des choix précis faits dans un contexte donnés, plutôt que de qualifier les personnes elle-même en les imposant une étiquette de façon un peu définitive. Ce n’est pas la même chose de décréter que quelqu’un « est » un.e SJW, et de lui signaler (gentiment si possible) que cet argument là dans ce contexte là nous chiffonne pour telle ou telle raison…

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