Vis ma vie : la chirurgie bariatrique

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Je me rends compte que finalement, je peux comprendre ce type de réflexion. Durant des années, j’ai pensé  que la chirurgie bariatrique était une mutilation, et une solution de facilité pour les gros. Moi, j’allais maigrir avec de la volonté, de la vraie !

Pfff tu parles, après 124 458 régimes, l’effet yoyo, tout ça, force est de constater que ma légendaire volonté de feu m’avait fait défaut.

Après une cinquantaine de kilos gagnés avec ma volonté et mes régimes, j’ai décidé de me faire opérer. Ce qui fut fait, le 19 avril 2010, après un an de démarches. La décision a été très difficile à prendre. Après des années (la majorité de ma vie) à être obsédée par mon poids, j’avais accumulé un GROS tas de souffrance qu’un « simple régime c’est quand même pas si compliqué » (encore une fois, cf. les autres articles sur le sujet)(auto-promo éhontée) ne pouvait pas faire disparaître. L’opération n’a pas résolu mon problème d’estime de moi ni de confiance, mais m’a permis de repartir sur de nouvelles bases, et a été une seconde chance.

J’ai mis du temps à comprendre que non, ce n’était pas « tricher », que ce n’était pas une « solution de facilité », pas plus que « de la mutilation ».

J’ai aussi eu la chance d’avoir été suivie et opérée par le Pr Jean-Marc Catheline, à l’hôpital Delafontaine (93). J’en profite pour glisser un mot sur le Pr Catheline, qui a été le premier à pratiquer la sleeve gastrectomie (l’opération que j’ai subie) en France, et l’enseigne aujourd’hui un peu partout dans le monde. Jean-Marc, si vous me lisez, encore et encore MERCI ! Vous avez été patient, didactique, à l’écoute, rassurant et compétent comme peu de praticiens que j’ai rencontrés. J’ai été entre vos mains pendant 4h, et en toute et absolue confiance.
Non je n’exagère pas. Non seulement le Pr Catheline est compétent, mieux encore, il exerce en Seine Saint Denis, en hôpital public et dans des conditions pas toujours faciles, parce que (je cite) « c’est ici que mes patients ont besoin de moi ». Le 93 est en effet la région la plus touchée par l’obésité en France…

Bien entendu, bien évidemment, bien sûr, il y a d’autres praticiens en France qui sont très compétents, mais je ne pouvais pas écrire cet article sans parler du Pr Catheline.

La chirurgie bariatrique, c’est quoi ?

La chirurgie bariatrique est un type de chirurgie consistant à restreindre l’absorption des aliments, diminuant, de fait, l’apport calorique journalier afin de lutter contre l’obésité.

Il s’agit d’une technique lourde, réservée aux cas d’obésité majeure, dite « morbide », caractérisée par un indice de masse corporelle supérieur à 40 kg·m-2, dans lesquels différentes tentatives de régime amaigrissant ont échoué.

Le protocole comporte normalement un suivi pluridisciplinaire (avant et après l’acte chirurgical), notamment une consultation psychiatrique dont le but est de repérer les éventuelles contre-indications que sont, en particulier, les troubles du comportement alimentaire : boulimie ou autre.

(Wikipedia)

Il existe plusieurs techniques, et des dizaines de sites de référence que vous pourrez trouver facilement via Google. J’aime moyennement faire du copier/coller et vous encourage donc à aller les visiter (n’hésitez pas à multiplier vos références). Bien entendu, si vous avez un site en particulier à recommander, je l’ajouterai. Je résumerai donc.

L’anneau gastrique

La plus connue. Quand je dis que j’ai subi une intervention chirurgicale de ce type, on me répond dans 85% des cas « ah, un anneau ? »

L’anneau gastrique a pour but de réduire la capacité de l’estomac : estomac plus petit, on mange moins, logique. L’opération est, il me semble, de moins en moins pratiquée car elle présente plusieurs inconvénients :

  • Un corps étranger dans le bide
  • Obligation d’aller chez un chirurgien spécialiste pour régler la taille de l’anneau (en injectant de l’air dans le boîtier qui y est associé), avec parfois l’obligation de plusieurs allers-retours en peu de temps chez le praticien, qui opère sous radio.
  • Obligation de se faire réopérer pour se le faire retirer au bout d’un moment
  • Perte de poids « moyenne » (une trentaine de kg au plus selon les copines patientes et certains chiffres)
  • Vomissements, si on ne se fait pas au rythme très particulier des repas qui est complètement et radicalement changé : manger en petites quantités, oui, mais mâcher longuement, éviter les épices, certains médicaments ne passent pas non plus. J’ai connu plusieurs patientes qui vomissaient toujours après deux ans, et une qui devait toujours manger debout.

Il me semble (et je peux me tromper) que cette opération est de moins en moins pratiquée.

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Le By-pass

Assez connu également. Il s’agit d’une dérivation de l’estomac directement dans l’intestin grêle qui entraîne une malabsorption des aliments. Non seulement le bol alimentaire est réduit, mais les aliments sont aussi moins bien absorbés = on maigrit.

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La perte de poids est conséquente, c’est l’opération la plus « rentable » en ce sens, à noter que comme l’anneau, elle est réversible. En revanche quelques inconvénients là aussi :

  • La malabsorption des nutriments entraîne des carences : on doit prendre des suppléments en vitamines à vie
  • Dumping syndrome : fréquent avec le by-pass, c’est une conséquence de l’absorption de sucre en trop grande quantité. Le pancréas fait « youpi du sucre, je vais fabriquer un max d’insuline », sauf que comme le sucre est lui aussi mal absorbé, le taux d’insuline grimpe très rapidement, et GROSSE crise d’hypoglycémie avec évanouissement, tout ça tout ça.
  • Ça reste une modification lourde sur le circuit digestif.

Le switch duodénal

Plus complexe, et apparemment peu pratiquée, je ne suis pas assez informée sur le sujet pour parler avantages/inconvénients.

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La Sleeve

La sleeve est plus radicale dans le sens où on ne s’embête pas à garder un bout d’estomac relié à quoi que ce soit, paf, on vire.

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C’est pour moi le seul inconvénient : c’est pas réversible, même si l’estomac reprend peu à peu de la place. Après 4 ans, je mange un peu plus qu’avant, mais je fais toujours pitié aux serveurs des restos où je vais (et en plus je leur demande toujours un doggy bag).

Autre inconvénient : je fais partie de 2% de sleevés qui font aussi du dumping. Moins avec les années, mais au début ça a été fulgurant. Sucre = paf ! pastèque. Bah ça surprend au début.

La sleeve est également pratiquée sur les super-obèses avant un by-pass, pour entraîner une perte de poids significative avant une opération plus radicale.

Comment ça se passe, concrètement ?

Pour se faire opérer, il faut avoir un IMC supérieur à 40 kg/m².

Dans un premier temps, il faut prendre la décision. Que ce soit après un raz-le bol après un énième régime, un témoignage dans la presse, ou suite à une longue réflexion, la prise de décision reste l’étape la plus complexe et personnelle.

Ensuite, on prend rendez-vous chez son médecin généraliste, après avoir choisi son chirurgien. Le généraliste a un rôle important dans le sens où il connaît le terrain et le dossier du patient, c’est en général le premier à poser les questions et à expliquer le déroulement de l’opération dans les grandes lignes.

Puis on se rend chez le chirurgien, souvent à l’hôpital. Je me souviens de mon premier rendez-vous d’une manière très vivante. Pour une fois, j’étais entourée de personnes comme moi ! La plupart du temps les discussions sont aisée, j’ai beaucoup appris de mes copines d’opération : qui était là, pourquoi, comment ? Il existe d’ailleurs des communautés en ligne consacrées à ces chirurgies, un incontournable pour toutes les questions qu’on oublie de poser au chirurgien au cours du rendez-vous…et une super aide pour tout le côté pratique : que prendre dans ma valise ? Comment varier de la purée et de la soupe les premiers mois ? Comment s’est passé l’opération des autres ?

Cette communauté m’a été d’une grande aide, avant et après l’opération, je ne les remercierai jamais assez pour ça.

Normalement (malheureusement ce n’est pas le cas partout, et c’est une des vérifications importantes à faire avant de choisir son établissement et son chirurgien), le dispositif est très encadré : plusieurs consultations et examens sont indispensables avant l’opération. Nutritionniste, psychologue, pneumologue, cardiologue, gastro-entérologue, endocrinologue… Quand aux examens, j’ai eu droit à :

  • Laboratoire du sommeil pour vérifier la présence d’apnée du sommeil (souvent associée à l’obésité et important pour la réa)
  • Test d’effort
  • Bilan respiratoire avec le pneumologue + gaz du sang
  • Bilan sanguin complet
  • Fibroscopie
  • Echographie hépato-biliaire

Le parcours entier m’a pris une année, mais mon chirurgien a entre-temps changé d’établissement, ce qui a allongé mon temps de parcours. Je n’ai pas de chiffre exact mais en général les amies qui se sont fait opérer ont attendu 6 mois. Cette attente est primordiale : elle permet de prendre conscience de l’acte, de ses conséquences, et d’affirmer sa décision. Une amie qui s’est fait poser un anneau a été opérée après trois semaines de délai et l’a beaucoup regretté : même si l’opération a été super rapide, elle n’a pas eu le temps de se préparer psychologiquement.

Vient ensuite le moment de l’opération. Selon le praticien, on vous demandera ou non de suivre un régime « yaourt » durant 7 à 10 jours pour diminuer au maximum la taille du foie. Je n’ai pas eu à le faire.

L’hospitalisation dure entre 5 et 7 jours, tout dépend du service. Je vais vous parler de mon expérience.

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Le jour de l’opération est passé très très vite, vu qu’on est tout le temps dans les vapes. J’ai été opérée à 8h, l’opération a duré 3 ou 4h, j’ai passé un temps indéfini dans les limbes de la réa après un réveil assez difficile puis on m’a mis sous morphine avec un tuyau dans le nez qui allait jusque dans l’estomac pour drainer le sang. Y’a plus sympa comme réveil…
Remontée dans ma chambre vers 14h, mon chéri m’attendait. C’était assez impressionnant pour lui, car j’étais bardée de tuyaux et j’avais assez mal au dos. Les premières 24, on doit rester allongé à 30° en position semi-assise, pour permettre aux organes de se remettre correctement en place sans tirer sur l’estomac. Mon calvaire a commencé à ce moment-là, car je souffre de spondylarthrite. Sans mon traitement habituel pendant trois jours, mon dos n’était qu’un champ de ruine car impossible de bouger ou de se mettre sur le côté. La première nuit a été très difficile, j’ai utilisé la pompe à morphine assidûment : 85 mg la première nuit, avant qu’on me la retire…mais on m’a retiré le drain dans le nez au même moment, ça a compensé mon inconfort !

Le lendemain, on m’a permis de m’asseoir, puis de me lever. Joie ! Puis nausées. Mais joie de dérouiller mes articulations, et de pouvoir aller aux WC seule. Le fait de marcher est indispensable pour éliminer « par voie naturelle » les gaz injectés lors de l’intervention effectuée en endoscopie. Mon amie Sandra dans la même chambre que moi n’a pas pu marcher autant (en même temps, j’avais tellement mal au dos que je devais me lever toutes les deux heures au max, jour et nuit), et a eu du mal à évacuer tout ça.

Ah oui, parce qu’une fois à l’hosto, la pudeur n’existe plus ! Curieusement, ça m’a beaucoup aidée sur la vision de mon corps : on est en blouse d’hôpital, à moitié à poil, tout le monde nous demande si on a bien été aux toilettes, si on a des soucis gastriques, et autres joyeusetés assez délicates abordée sans aucune gêne par les infirmières qui sont rôdées à tout ça.

Le 4ème jour j’ai passé un test au bleu de méthylène pour voir si mon estomac ne « fuyait » pas. Bah le bleu de méthylène quand on a pas mangé depuis 4 jours c’est pas facile (oui, on est à jeun 5 jours en tout, sans eau, juste la perfusion. Ça semble difficile à première vue mais on a tellement pas faim que ça passe.). On m’a rapporté qu’une des patientes avait mangé tout de suite après l’opération, et avait dû se faire réopérer car une des agrafes avait lâché….

Puis, joie, premier verre d’eau, jamais de l’eau ne m’avait parue aussi bonne !!!

Et le 5ème jour, alimentation mixée, suivie d’une attention particulière de la part des infirmières pour vérifier que tout se passe bien…

Après deux jours de plus, je rentre ENFIN à la maison ! Le trajet du retour est curieux, je suis toute perdue. Ma maison et mon miaou m’ont manqués, mon amoureux, lui, est venu me voir tous les jours.

10 jours après le retour à la maison, on me retire les agrafes. Tout va bien ! J’ai des vitamines à prendre pendant 6 mois pour suppléer aux carences que je vais obligatoirement avoir. Je broie mes médicaments avant de les prendre, et certains ne passent plus du tout, me provoquant des nausées affreuses.

Les trois mois suivants ont été assez monotones : soupe, purée, purée, soupe, puis aliments coupés très petit en mâchant BIEN. J’ai perdu 25kg en trois mois…pas étonnant, avec moins de 400 kcal par jour ! J’ai tenu un carnet alimentaire durant près d’un an à la suite de l’opération, pour être sûre de suffisamment manger. Car c’est le plus étonnant : le manque d’appétit. Plus faim ! Du tout !

L’estomac synthétise de la ghréline, une hormone qui provoque la sensation de faim. Moins de paroi stomacale, moins de ghréline ! Pendant deux ans j’ai vécu une sensation jusqu’ici inédite : je n’ai pas faim. Et quand je mange 1/4 d’assiette à dessert, je suis pleine. Quatre ans après, je mange plus, mais toujours assez peu par rapport à un individu normal. Il faut que je mange très, très lentement, sinon ça ne passe pas et je peux faire un malaise. Et comme je le disais plus haut, au restaurant je ne peux manger qu’1/2 plat et 1/2 entrée, par exemple…

Le challenge est donc d’apporter tous les nutriments nécessaires avec ces toutes petites quantités. On réapprend à cuisiner, à faire attention à la qualité des aliments…pour moi ça a été toute une hygiène de vie à réapprendre. Depuis l’opération, certains aliments ou plats ne passent toujours pas, comme les desserts trop sucrés ou le cassoulet. Certains aliments ne me font plus du tout envie, comme la charcuterie ou les fromages trop gras.

4 ans après, j’ai perdu 54 kg, et j’en ai repris 10 suite à l’arrêt de la pilule. Le bilan est donc de 44 kg perdus, et une stabilisation finie. Je ne suis pas maigre, ni mince, je suis toujours en surpoids, mais ma vie a complètement changé.

J’ai dû subir deux autres opérations suite à cette perte de poids rapide : une opération de réduction mammaire (800g en moins sur chaque sein !) et une lipectomie abdominale, toujours dans le parcours de soins. Mais c’est une autre histoire, tout ça.

Tu le referais ou pas ?

Oui, sans hésitation. Pour moi ça a véritablement été une seconde chance, ma vie a été transformée. J’aurais aimé pouvoir avoir un meilleur suivi post-opératoire mais la transition d’établissement hospitalier et le temps de trajet jusqu’à l’hôpital m’ont empêchée de me faire suivre correctement. Ceci étant dit, mon médecin généraliste m’a prise en charge pour faire les bilans nécessaires au suivi.

Mais si j’avais vraiment pu choisir, j’aurais préféré ne jamais avoir fait de régime, pour ne pas en arriver à cette obésité qui m’a tant pourri la vie. Pour moi c’est le fond du problème, mais nous en avons parlé et en parlerons ailleurs…

Tu le conseillerait ou pas ?

Là ce n’est pas aussi simple. Je pense que chaque personne concernée par l’opération doit réfléchir en son âme et conscience avant de prendre sa décision.

L’intervention et le parcours de soins sont compliqués. L’opération est lourde, et entraîne un changement radical dans le mode de vie. Si on décide de se faire opérer, il faut être prêt à tout ça, et à vivre le restant de ses jours avec certaines contraintes, du moins pour les chirurgies non (ou difficilement) réversibles.

Il faut également prendre en compte le risque opératoire. Il est toujours possible que quelque chose se passe mal, aucune opération n’est sans risque. Il existe sur le net des témoignages de personnes pour qui ça s’est extrêmement mal passé. Je ne peux que vous conseiller de prendre connaissance du maximum de témoignages, qu’ils soient positifs ou pas. Chacun-e a vécu son opération différemment, si vous décidez de vous faire opérer, faites-le en toute connaissance de cause.

Je n’ai donc jamais conseillé quiconque de subir ce type de chirurgie. En revanche, je partage mon vécu, comme ici aujourd’hui. Il m’est arrivée plusieurs fois de raconter mon parcours à une amie intéressée, sans rien cacher des désagrément, pour qu’elle puisse se faire une idée de la chose (oui, « curieusement » seules des femmes sont venues me demander des infos, malheureusement le domaine du surpoids et extrêmement inégalitaire en terme d’injonction sociale…).

Pour conclure, cet article n’est en aucun cas une apologie de la chirurgie bariatrique, qui est tout sauf une solution de facilité. J’ai choisi de le faire, mais personne ne devrait se voir contraindre à ça. Il s’agit d’un choix personnel et intime.

La chirurgie bariatrique ne soigne pas les TCA (Troubles du Comportement Alimentaire) et l’image du corps que l’on peut avoir. Moi ? Je n’ai plus de TCA, mais l’image que j’ai de mon corps est toujours problématique, même avec 44 kg en moins…

5 Commentaires

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