Quand notre esprit nous joue des tours…

Nous avons pu voir précédemment (ou pas si vous venez de nous rejoindre), que les médiums et voyants utilisent régulièrement l’effet Barnum pour feindre la Connaissance. Néanmoins, la lecture froide ne suffit pas à expliquer tous les tours de passe-passe que beaucoup d’ufologues et autres explicateurs de mystères en tout genre réussissent à réaliser sur nous autres badauds innocents.

Le sujet est vaste, mais voici 5 de ces tours de magie gratis que notre esprit réussit à réaliser !

1. La Paréidolie

Une paréidolie (aussi écrit pareidolie, du grec ancien para-, « à côté de  », et eidôlon, diminutif d’eidos, « apparence, forme ») consiste à associer un stimulus visuel informe à un élément identifiable, souvent une forme humaine ou animale. En gros, c’est le truc qui fait qu’on voit des grizzlis mangeurs de cacahuètes dans les nuages, ou Jésus dans des macaronis au fromage. Petite, on rationnait strictement (et à raison) mes apports quotidiens en télévision, mon ennui durant les longs après-midi après mes devoirs me faisait non seulement inventer un million d’histoires rocambolesques, mais également paréidoliser à peu près tout ce qui tombait sous mon regard. Un motif sur le bois devenait un castor, une répétition sur le faux plafond un bonhomme de neige (je le vois toujours chez ma kiné – coucou ! – , lui, ils doivent pas avoir des masses de motifs différents chez les faux-plafonnistes.), ou mieux, le Père Noël et tous ses rennes. Je dois être une névropathe des fêtes de fin d’années, tiens.
Je m’étais toujours sentie un peu bizarre de voir toutes ces formes et toutes ces taches prendre vie pour rester enfermés dans leur matière première, je trouvais aussi ça un peu triste. Jusqu’à récemment, au moment où j’ai découvert que mon originalité n’en était pas vraiment une. Je me suis aussi sentie un peu triste à ce moment-là, de bugguer comme tout le monde finalement (sauf que le héron dans le café au lait reste une énigme.)

L’exemple qui me vient immédiatement à l’esprit en parlant de paréidolie est « face of mars » qui m’a terrifiée une bonne partie de mon enfance (vous souvenez-vous de l’émission « Mystères » diffusée il y a deux siècles, soit entre 1992 et 1994 ?)

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En moins terrifiant on a ces quelques exemples :

Notre cerveau fait ici de « faux positifs » en reconnaissant des formes familières dans du complètement aléatoire. Nous apprenons à faire de la paréidolie dès que nos premiers sens s’éveillent : on reconnaît vaguement papa/maman et c’est rassurant. C’est rassurant donc on entretient cette capacité.

Cela dit, il pourrait aussi ne s’agit que de notre programmation, étant donné que le phénomène a pu être reproduit in silico :

In an awesome little creative trick, New York University researcher Greg Borenstein applied open-source software FaceTracker to a Flickr pool of examples called Hello Little Fella. In some instances, FaceTracker found a face just where you or I would:

 

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Like a human, the computer has found a false-positive. That humans and computers share some instances of pareidolia seems to underscore the human-like nature of those computers, brought about by their human-led training. In that sense, a computers’ errors make the computers seem somehow more human.

(http://www.theatlantic.com/technology/archive/2012/08/pareidolia-a-bizarre-bug-of-the-human-mind-emerges-in-computers/260760/)

Bon, je retourne à mes courgettes, des fois que Jean Paul II m’apparaisse en gratin. On sait jamais.

2. Le conformisme

Ce tour-là est un peu moins sympa que les autres, mais n’en reste pas moins une illusion bien utile pour certains.

Le conformisme, selon le psychosociologue Roger Mucchielli (1919-1981), est l’attitude sociale qui consiste à se soumettre aux opinions, règles, normesmodèles qui représentent la mentalité collective ou le système des valeurs du groupe auquel on a adhéré, et à les faire siens.

Ce processus très largement étudié en psychologie sociale correspond à un changement d’opinion, de comportement ou même de perception des individus, que l’on observe dans des situations de pression sociale ou d’influence sociale.

Ce processus est autrement dit celui de l’influence des opinions, comportements, perceptions, d’une majorité sur une minorité. Et ceci au niveau de toutes les formes de communautés.

(Merci Wikipedia !)

Si vos voisins sont 99% à penser que Lady Di leur se cache quelque part dans le papier peint du hall de l’immeuble, vous aurez tendance à aller vérifier. Pour finir par vous convaincre, même malgré vous, que si, si, elle doit bien être là, entre la tache d’humidité et les boîtes aux lettres !

On peut citer l’expérience de Asch comme exemple de conformisme : un individu est isolé dans un groupe de personnes complices. Une question est posée, tous les complices répondent faux, mais apportent la même réponse. Les 3/4 des sujets testés se sont laissés influencer, et parfois sur des réponses visiblement et absolument incohérentes ! Oui mais si tous les autres répondent la même chose, c’est nous qui devons avoir tort. Forcément.

Si une dame tombe dans la rue, la foule aura naturellement tendance à la contourner, jusqu’à ce qu’un mouton noir se décide à aller la secourir. Et si, on a tous assisté à une scène de ce genre sans comprendre pourquoi « personne ne faisait rien ». Mais en fait, personne ne fait rien parce que personne ne fait rien. On pourrait d’ailleurs étendre cette réflexion à la manière dont notre système parvient à garder le contrôle de sa population malgré des aberrations de plus en plus flagrantes.

L’expérience de Milgram est l’extension de cette thèse : si l’autorité nous demande de…alors le ferons-nous ? Bah oui.

En conclusion :

Conformisme

3. Le renforcement positif

Celui-ci m’effraye particulièrement. Couplé avec le conformisme, c’est lui qui permet entres autres aux publicitaires de nous vendre tout et n’importe quoi. Et si ça ne marche pas du premier coup, tant pis, on nous passe et repasse et repasse le message, jusqu’à ce que ça rentre ! Apple en est un superbe exemple avec ses cultissimes publicités, et les fameux écouteurs blancs. Et tant pis si on nous vend du matos propriétaire à trois fois plus cher, si c’est le jeu (je m’arrête là, je commence à baver sur mon clavier comme un chaman rageux qui vient de se faire pourrir par un démoniste à Azshara. Oups.).

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C’est pour ça que moi qui détestais les Converse les trouve aujourd’hui un peu moins moches (difficile aveu…). Chien de Pavlov, sors de ce corps !!!

Ça s’appelle le « Conditionnement opérant« , c’est valable pour la pub mais pas que, et c’est…bluffant.

Par exemple, si comme moi vous vous trouvez une gueule de méduse sur vos photos de vacances alors qu’un peu moins devant le miroir…c’est aussi dû à cet effet. Nous sommes habitués à nous voir à l’envers, tous les jours. L’image captée par l’objectif est cependant celle, réelle et dans le bon sens, de nos traits. Nos amis ne trouvent rien de choquant à nous voir en portrait, alors que nous sommes au moins surpris de cette apparence bizarre, inaccoutumée…asymétrique.
Mais admettons que vous vous regardiez tous les jours en photo ? Je me suis pliée à l’exercice avec mes photos de mariage, les photos où vous faites le même sourire sur chaque photo, et où on sent un peu la fatigue au bout de 3h de prises de vue dans l’air un brin crispé du modèle. Monsieur Patate avait l’air super de bout en bout, naturel, souriant, youpi, moi j’avais une tronche de raie, c’était épouvantable. Mais au bout de 600 photos triées puis imprimées en plusieurs exemplaires pour la famille, 75 cartes de remerciement, l’album Picasa et l’album Facebook, ma gueule de raie ne me semblait plus si terrible, je me trouvais même un peu pas mal sur certaines. Je ne me suis pas revue en photo un petit moment, et maintenant ma gueule de raie du début est revenue ! La seule photo que je tolère à peu près est celle de mon CV. Et encore.

[ERRATUM ! Cet effet « je m’aime pas en photo » est celui de la simple exposition comme j’ai réalisé 2h après avoir posté l’article ! Pardon ! *fouettage*]

Si le sujet du matraquage publicitaire vous intéresse, voici quelques liens :
Le conditionnement publicitaire : il fait quoi pour vous aujourd’hui ?
Une étude sur le sujet du conditionnement et de la publicité, par ici.
La Publicité, le conditionnement au quotidien

Je sais pas pour vous, mais je me sens toute petite et déprimée d’un coup. Allez, un peu de Nutella © ou du chocolat Milka © pour nous consoler ?

4. Faux souvenirs

On reste dans le très joyeux avec le thème des faux souvenirs, ou souvenirs induits. Cette notion est apparue tout d’abord aux States, après que des patients suivant des psychothérapies affirment se souvenir d’évènements passés traumatisants, expliquant donc commodément leurs troubles, mais cependant complètement faux. Ce phénomène est assez récent, dû à la prédominance de la recherche du « mieux-être » chez chacun d’entre nous, et la médiatisation à outrance d’affaires de plus en plus sordides qui finissent par devenir une sorte de justification d’un mal-être.

Notre identité se construisant essentiellement sur nos souvenirs, cette construction précaire me semble somme toute logique, en tout cas aboutie. Ouf. Je sais pourquoi je vais mal.

L’expression, d’origine américaine, False Memory Syndrome, a été créée par le mathématicien Peter Freyd après qu’il eut été accusé d’abus sexuel par sa fille. Certaines psychothérapies prétendent faire ressurgir à la mémoire des patients des « souvenirs oubliés » de traumatismesinfantiles, généralement d’ordre sexuel. Dans cette optique, le thérapeute émettrait des hypothèses, éventuellement corrélées par les statistiques (fréquences de maltraitances de tous ordres dans telle ou telle pathologie) et inviterait son patient à « se souvenir » voire à « inventer » de pareils vécus sans que l’un et l’autre ne s’en rendent forcément compte. Selon la MIVILUDES, le phénomène serait fréquent3. Selon le psychologue américain Robert Baker4, sur les 1 700 000 cas déclarés d’abus sexuels en 1985 aux États-Unis, 65 % seraient sans fondement.

Les thérapies concernées sont par exemple appelées TMR, thérapies de la mémoire refoulée ou retrouvée, TSR, thérapies des souvenirs refoulés, RMT, Repressed Memory Therapy, ART, Age Regression Therapy, DEPT, Deep Emotional Processing Therapy.

Dans tous les cas, les objectifs sont les mêmes : retrouver par la thérapie, à l’âge adulte, des souvenirs traumatisants, en particulier d’abus sexuels « refoulés » (au sens freudien) survenus dans l’enfance. Dans certains cas, la façon dont la thérapie est conduite pourrait générer de faux souvenirs qui sembleraient pourtant très réels à la personne concernée.

(Wikipedia)

L’histoire ne dit pas en revanche si de telles réminiscences, vraies ou fausses, ont aidé au travail de reconstruction des victimes…

Autre question que je me pose est celle de savoir pour quelle raison nous devons absolument rechercher dans notre enfance des traces d’abus pour justifier une souffrance ? J’ai dans mon entourage des personnes qui me disent régulièrement « je ne comprends pas, j’ai tout pour être bien, pourtant je ne le suis pas, je me sens coupable, si ça se trouve…? ». Malheureusement, des fois abus sexuel il y a effectivement. Mais dans les différents discours que j’entends, le comportement abusif ou le dysfonctionnement dans la famille explique ce mal-être, sans être obligé de se chercher des sévices compliqués et surtout, refoulés. J’ai vraiment cette impression que le psychodrame est à la mode, cet égocentrisme volontaire qui nous pousse à creuser toujours plus profond dans nos cauchemars pour expliquer nos doutes, sommes toutes légitimes, quand à la Vie. Je dis ça mais évidemment, j’aime bien mes petits drames à moi aussi, vous pensez bien, irrécupérable que je suis ! Allez, je cesse ma moralisation à deux sous, cherchons plutôt un autre sujet à survoler.

A lire :
Des chercheurs créent de faux souvenirs de guerre chez des soldats
Le site psyfm sur le sujet des faux souvenirs

5. Je le savais depuis le début !

Je termine cet article en vous parlant des cygnes noirs. En 1698, une équipe d’explorateurs partis en Australie découvrent l’impensable : une espèce de cygne noir ! Il était pourtant admis et validé que les cygnes ne pouvaient pas être noirs, que les cygnes étaient forcément tous blancs. Promis. Sauf que non, hallucinations mises à part, le cygne était bien noir. A postériori, pourquoi penser que tous les cygnes devaient forcément être blancs ? Affirmation ridicule ! Mais oui ! On le savait depuis le début !

Un cygne noir est un évènement imprévu qui surprend tout le monde, qui a d’énormes conséquences. Après qu’un cygne noir soit survenu, on le décrit pourtant comme s’il fut prévisible (on le rationalise après coup) :

– imprévisible ou improbable (du point de vue de l’observateur) mais survient quand même
– a des conséquences majeures
– est par la suite décrit rétrospectivement et expliqué comme s’il avait été prévisible

Ces trois points décrivent par exemple l’attaque du WTC le 11 septembre 2001. Imprévue, celle-ci eut de grandes conséquences sur la situation géopolitique (et pas seulement sur elle!) et de nombreuses voies se sont élevées après cette date, expliquant rétrospectivement pourquoi et comment des évènements antérieurs auraient dû faire envisager la possibilité de l’attaque. Ces trois points décrivent également, selon l’auteur, la naissance d’internet (on se rend compte chaque jour de son impact, mais aurions-nous pu l’imaginer à sa sortie?), de l’attentat de Sarajevo et globalement de la Première Guerre Mondiale, de la crise des subprimes de 2007, de l’arrivée sur le marché de l’ordinateur personnel…

(Source)

Le phénomène décrit ici est celui du « Biais Retrospectif » : un jugement sera facilement biaisé si la personne sait déjà quelle est la conclusion. Ça semble simple, mais ce petit tour de passe-passe peut avoir une portée assez importante, entres autres au niveau médical lorsqu’un diagnostic est posé. « Mais comment vous ne l’avez pas vu plus tôt ! Tous les signes étaient pourtant là ! » Sauf qu’une fois qu’on a le dessin fini, il est plus facile d’en relier les traits…

Guernica. C’était Guernica, j’en suis sûre !

On en trouve, des subterfuges pour se croire plus intelligents, non ? Et c’est assez pervers car de ce jugement biaisé, à la base plutôt innocent, peuvent ensuite découler tout un ensemble de théories (notamment dans le domaine financier) permettant à n’importe qui de faire n’importe quoi. Et quand tout se casse la gueule, c’est simple « on le savait depuis le début !! »

A lire :
La théorie du Cygne noir
Biais cognitifs insolites : le biais restropectif et la théorie du cygne noir

Bon c’est pas tout ça mais cet article manque de photos de chats. Bisou et bonne nuit les jeunes !

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