Je suis une rabat-joie

En me (re)découvrant féministe, on ne m’avait pas dit que ça viendrait avec le package. Onmamenti onmaspoliée !

Avec l’éveil de la conscience féministe vient un tout autre regard sur le monde. Et quand on est dans la pensée intersectionnelle, c’est plus prononcé encore. On découvre soudain que les stigmatisations sont omniprésentes.

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La Métamorphose

Dans la vie quotidienne, cette manière de penser peut rapidement vous obnubiler. C’est l’effet Matrix. Peu à peu, on se découvre que le sexisme est partout. Partout. Tellement intégré qu’il en devient presque normal. Dans la presse, à la télévision, dans la publicité, dans la bouche de nos parents, de notre amoureuse/amoureux, de nos amis les plus chers. Dans nos propres mots.

En même temps, cette vision du monde nous permet de porter un regard critique sur notre monde et notre mode de pensée. On travaille en permanence, on reste vigilant-e-s.

Cette vigilance est à double tranchant. Parfois épuisante, parfois réconfortante. Dans tous les cas, on finit par reconnaître que quasiment tout est problématique.

Pour ma part, je le vis bien. Ça ne bouffe pas ma vie, même si ça a gâché par mal de films, chansons,  livres, jeux vidéos et animés que j’aime. Je continue de lire, de regarder des films avec un grand plaisir. Je continue de jouer. La prise de conscience peut amener à un changement, il est bon de le rappeler.

Le domaine que ça a le plus ruiné a été ma vie professionnelle. Je viens de quitter un environnement professionnel dans lequel j’ai passé de trèèèès mauvais moments, et où j’ai découvert que j’étais une vraie rabat-joie.

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La rabat-joie

Je ne sais pas me taire. Et je ne sais pas ne pas réagir lorsque j’entends des propos problématiques.

Parce que je pense sincèrement que c’est en se taisant qu’on valide ces propos. Manifester sa désapprobation ne changera peut-être pas le point de vue raciste de Marie-Sotte, mais la marquera. Peut-être même, pourquoi pas, la fera réfléchir, on sait jamais.

La dernière en date a été un combo

“Je préfèrerais crever que d’être violée.
– Tu m’étonnes, quand tu as été violée t’as plus qu’à te flinguer, ta vie est foutue”.

Je fais rapidement le tour du bureau. Nous sommes 12 femmes. 1 jeune femme sur 10 de moins de 20 ans déclare avoir été agressée sexuellement au cours de sa vie. Je suis celle-là, il y en a peut-être une seconde dans le bureau. Ces propos me donnent envie de vomir, de pleurer, j’interviens.

“Vous savez, moi, ça m’est arrivé, je ne me suis pas flinguée”

———– BRAVO ———–
VOUS GAGNEZ 1 POINT RABAT-JOIE

J’entends une remarque sur les gros. Je ne peux pas ne pas réagir.

“Rha les gros ils puent, c’est dégueulasse
– Tu m’inclus, dans le lot des grosses ou pas ?”

———– BRAVO ———–
VOUS GAGNEZ 1 POINT RABAT-JOIE

“Non mais y’a des gens, ces gens-là, ils pondent littéralement les gosses, c’est pour les allocs
– Pardon mais c’est raciste ce que tu sous-entends, là.”

———– BRAVO ———–
VOUS GAGNEZ 1 POINT RABAT-JOIE

Et voilà, plus personne ne (me) parle.

Mais je ne regrette pas, c’est mon devoir de réagir, je ne peux plus reculer maintenant et me permettre d’avoir un militantisme à géométrie variable, oublier la souffrance des autres et ma propre souffrance quand ça m’arrange. Cette attitude revient au même que celle adoptée par l’homme blanc cis-hétéro qui débat just for fun et qui retourne ensuite à sa vie privilégiée. Laisser passer un propos raciste, c’est le valider par son silence complice.

Je suis une rabat-joie. C’est un fait, et je le vis bien.

On ne peut plus parler de rien, alors ? Mais si, heureusement…mettez-vous juste à la place de la personne ou de la frange de population que vous évoquez. Est-ce que je suis juste ? Est-ce que je peux me mettre dans la peau de l’autre sans me sentir mal à l’aise ? On peut, on doit parler du viol. Mais moi, si j’avais été violée ? Est-ce que je vivrais bien ce type de propos ?

Et, par extension…on ne peut plus rire de rien, du coup ? Mais si, heureusement…mais on doit checker nos privilèges avant tout. Je vois régulièrement passer des blagues flagguées “humour noir” qui cachent en réalité des propos odieux. Rire sur les trans c’est NAZE, rire sur les homosexuels c’est PUANT, rire sur les personnes de couleur c’est DEGUEULASSE, rire sur les gros c’est INSUPPORTABLE. Et c’est tout. Pourquoi stigmatiser pour faire rire ? L’humour est une arme, et je vous en ai déjà parlé précédemment.

J’ai pensé à vous, et vous offre donc ces points à dispenser à l’envi :

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J’ai aucun humour (ter)

Sexisme, racisme, validisme, grossophobie, homophobie, putophobie…et ouais, on a tous déjà dit à quelqu’un d’aller se faire enculer un jour (enfin moi, et heu…souvent), on dit tous “putain de bordel de merde” (enfin moi), ou “l’aut’con hé” sans nous rendre compte que les mots sont importants.

Par le langage courant, et notamment ces injures, on valide et propage un discours stigmatisant. Souvent, sans s’en rendre compte tant nous utilisons ces mots au quotidien Enfin, ceux qui jurent beaucoup. Ahem.).

Voici un petit lexique non exhaustif des termes problématiques les plus courants, et leurs alternatives réalistes. Oui, corneguidouille est omis ici.

  • Enculétapette, bougre : bon, vous avez saisi le rapport subtil à une certaine pratique sexuelle. “Qui subit, ou a subi, une sodomie, un coït anal.” Ici, on associe une pratique (homo)sexuelle à une dégradation du corps, une salissure. La sodomie c’est sale, une personne qui se fait enculer devient un objet de moqueries. Le problème ici c’est que ça implique surtout la communauté gay.
    Alternative : enflure, crevard, enfoiré, fumier, gredin, goujat, pourriture, raclure, scélérat…
  • Putain ,pute, fils de pute… : Même principe, mais appliqué aux prostituées. Être une putain, c’est être dégradé, sali. On ôte toute dignité aux travailleuses du sexe.
    Alternative : pourquoi utiliser spécifiquement des termes insultants pour les femmes, hein, d’abord ?
  • Bordel, foutoir, boxon : cf. plus haut. Un beau bordel, un sacré bordel, c’est dégrader les lieux de prostitution. J’ai beaucoup de mal à ne pas utiliser celui-là.
    Alternative : capharnaüm, bric-à-brac, pagaille – bon sang, fichtre, zut, rhaaaa…utilisé en interjection
  • Con”, conne, connasse, connard : Le con désigne le sexe féminin. “Personne stupide, désagréable ou mauvaise à force de bêtise.” Le principe reste identique. On notera que “tête de nœud” ou “couillon” est également utilisé (bisou les masculinistes, qui ne me lisent probablement pas), mais en proportion nettement moindre.
    Alternative : abruti-e, andouille, crétin-e (un peu validiste étymologiquement parlant), blaireau (mais c’est pas sympa pour les blaireaux), branque, imbécile…
  • Salope”, pétasse, pouffiasse, garce, cagole, etc. : aussi appelée femme de mauvaise vie.
    Attention : salope et salaud n’ont pas la même origine ! Le terme de salaud dénigre l’état de saleté d’une personne. La forme féminisée a été ensuite remplacée par salope.
    Alternative : cf. putain.
  • Racaille”, canaille : désigne les gens du peuple. Les pauvres quoi. Classiste. Les pauvres sont moches, ils puent, ils ont des mœurs douteuses, et on les nettoie au Karcher.
    Alternative : crapule, fripouille…

Pour plus d’idées, rendez-vous sur l’atelier d’insultes valables sur Facebook. La plupart des injures du capitaine Haddock sont valables, autrement, les insultes anciennes sont assez fnu.

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Sur, ce, mes petits bisons, je vous laisse, j’ai des anthroposophes à aller embêter.

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