Il y a deux ans, je vous navrais avec la fiche de lecture de « Et après » de Guillaume Musso. Je n’ai pas eu l’occasion de lire de la littérature de qualité de ce niveau entre temps (même si un certain nombre de livres très moyens me sont tombés dessus), mais je m’étais tout de même promis de vous faire profiter d’au moins UN Marc Levy.
J’ai donc terminé son premier chef-d’oeuvre « Et si c’était vrai ». Le livre ne fait que 129 pages, espérons que vos souffrances soient brèves elles aussi.
Le résumé :
Que penser d’une femme qui choisit le placard de votre salle de bains pour y passer ses journées ? qui s’étonne que vous puissiez la voir ? qui disparaît et reparaît à sa guise et qui prétend être plongée dans un coma profond à l’autre bout de la ville ? Faut-il lui faire consulter un psychiatre ? en consulter un soi-même ? ou, tout au contraire, se laisser emporter par une extravagante aventure ? Et si c’était vrai ? S’il était vrai qu’Arthur soit le seul homme qui puisse partager le secret de Lauren, contempler celle que personne ne voit, parler à celle que personne n’entend ?
Tout d’abord, je suis déception, je suis tristesse, je suis désespoir. Marc Levy est un vilain copieur. OUI MADAME ! Parce que les histoires de gens qui voient des gens morts, la magie de Noël et les pérégrinations démentes dans une ville d’Amérique du Nord, hein, maintenant je vois bien où il les a eues, ces idées. Vache. La pente sera dure à remonter, Marc.
Les deux romans :
- Se passent de l’autre côté de l’Atlantique
- Ont un héros charmant et financièrement bien à l’aise, merci.
- Le héros charismatique est surpris dans sa routine quotidienne par un élément perturbateur impliquant des gens morts
- L’obligeant à prendre plusieurs jours de congés au grand dam de son overbooking permanent
- Et aussi à passer un check-up complet dans la meilleure clinique du coin dans la journée, en menaçant le directeur/personnel de leur pourrir la vie car ils sont influents, oui madame (là je me dis que vu le système de soins aux US, les mecs sont donc bel et bien blindés de thunes. Ou que c’est écrit par un français.)
- Sans oublier les flashback avec maman
- La maison à la campagne/au bord de la mer
Très franchement, en terme d’archétype de héros de bouquins, je pensais que Mary Higgins Clark avait la palme maiiiiiiiis…bon, si, elle a toujours la palme, c’est Mary Higgins Clark quand même. Guillaume et Marc sont tout de même seconds ex-aequo pour le moment, sous réserve que je m’inflige encore quelques romans pour les départager. Ai-je bien envie ? Hein ? La réponse arprès la lecture de « Et si c’était vrai » est donc « non, pitié, plutôt crever d’une overdose de crème de marrons ». Ce bouquin m’a juste rendue diabétique, et c’est pas un truc sympa à faire aux gens, ça.
Première partie
Nous sommes en 1996, tout commence avec Lauren. Après une description minutieuse et probablement extrêmement utile pour la suite de l’histoire de son appartement situé à San Francisco, on apprend que Lauren est une magnifique jeune femme médecin, qui, après une nuit aux urgences particulièrement éprouvante suivie d’une sieste réparatrice, se lève gentiment, prend un petit déjeuner gargantuesque (je ne sais pas pourquoi, mais c’est un truc qui revient souvent, ça, le cliché de la belle femme svelte qui s’empiffre des plâtrées énormes de tout et n’importe quoi et qui évidemment ne prend pas un seul gramme) avec son chien Kiki, et se prépare à partir en week-end. Après plusieurs sous-entendus évocateurs, nous découvrons que notre protagoniste féminine est non seulement intelligente, mais belle comme un cœur, et se trimbale souvent à poil dans son appartement.
Elle monte à bord de son antiquité sur roues, et :
- Bisou dans le trottoir, dérapage, accident, purien.
- Marcel et John Bob (les internes de garde improvisés ambulanciers. Les budgets sont serrés.) tentent de réanimer Lauren
- Générique d’Urgences
- « Elle est morte, John Bob, elle ne reviendra pas ! Cesse de t’acharner ainsi sur son corps inerte et déjà froid ! Cesse de te tourmenter ainsi, John Bob, ça suffit, tu n’es pas responsable ! »
- Les policiers apportent Lauren aux urgences dans leur…heu…voiture ? (Gneu ? Les policiers ont ça en charge ? Mais les mecs avaient pas une ambulance y’a deux secondes ? Ils ont pas une morgue à l’hosto ?)
- Durant le transport, après un freinage un peu cavalier, Lauren tombe du brancard (heu…Des sangles peut-être ? Non ?) et en la remettant à sa place, oh mein gott elle respire.
- Hop, demi-tour, on l’amène aux urgences de l’hôpital où elle travaille (ah bah ça ça tombe bien alors) tout en se disant que les ambulanciers sont des cons.
- Arrivés sur place, les ambulanciers se font pourrir par les policiers (alors que la mort a bien été déclarée après 10 mn d’acharnement en vain, sous le nez des policiers et après le laïus sanglotant de Marcel.)
- John Bob se fait ensuite re-pourrir par le chef de service de Lauren, le Dr Fernstein, parce qu’il faut pas s’acharner comme ça sur une personne c’est mal, Il aurait dû la laisser crever, ménant on doit s’occuper d’elle et tout, putain t’es pénible quand même à essayer de sauver des gens comme ça, merde. Je m’emporte, pardon.
Fernstein l’interrompit sèchement.
– Écoutez-moi bien, Stern, ce que j’ai dit à cet officier était ce qu’il y avait de plus simple à lui expliquer pour qu’il ne fasse pas un rapport sur vous et brise votre carrière. Votre comportement est inadmissible pour quelqu’un de votre expérience. Il faut savoir admettre la mort quand elle s’impose à nous. Nous ne sommes pas des dieux et nous ne portons pas la responsabilité du destin. Cette jeune femme était décédée à votre arrivée, et votre entêtement aurait pu vous coûter cher.
– Mais comment expliquez-vous qu’elle se soit remise à respirer ?
– Je ne l’explique pas et je n’ai pas à le faire.
– Nous ne savons pas tout. Elle est morte, docteur Stern. Que cela vous déplaise est une chose, mais elle est partie. Je me fous que ses poumons remuent et que son coeur s’agite tout seul, son électro-encéphalogramme est plat. Sa mort cérébrale est irréversible. Nous allons attendre que le reste suive et nous la descendrons à la morgue. Point final.
– Mais vous ne pouvez pas faire une chose pareille, pas devant tant d’évidences !
J’ai relu le passage quatre fois, et j’ai toujours pas pigé le truc. En plus il me semble que Lauren respirait encore à leur arrivée, ils ont prolongé le massage cardiaque 10mn, soit finalement très peu de temps par rapport à ce qui se pratique habituellement à l’hôpital (cf. ici + éclairage avisé de mon cousin qui fait médecine, j’ai mes sources, je suis quelqu’un de sérieux, même avec les mauvais romans, nomého.). Et puis pourquoi, alors qu’ils sont équipés d’une ambulance (sans ambulanciers), laissent-ils la défunte aux flics du coin, flics qui…vont probablement l’amener aussi à la morgue du même hôpital.
Tout ceci n’a aucun sens.
Alors qu’elle est cérébralement morte, le Dr Fernstein se décide quand même à la soigner de ses blessures, au risque de briser sa carrière à lui aussi. Vous vous rendez pas compte, vous, hein, je le sais, mais soigner des gens quand on est médecin ça peut peut-être ruiner des vies, on sait pas (enfin moi je ne sais pas, je ne suis pas médecin).
Lauren n’a donc qu’une fracture du fémur et des côtes pas glop après un vol plané qui lui aurait valu 4,8/5 en patinage sur macadam pour finir sur un bisou dans la vitrine d’un magasin. Oh, attention hein, elle a une commotion cérébrale et on doit lui faire une ponction occipitale aussi, mais sinon, bon, en fait, ça va.
Question : Lorsqu’un hôpital accueille quelqu’un en état de mort cérébrale, est-il d’usage de ne pas le soigner ? Qui a constaté sa mort cérébrale ? C’est pas un tout petit peu plus compliqué que ça normalement ?
Le décès à coeur battant doit être constaté par une procédure complexe au possible (constat concordant par deux médecins n’appartenant ni au service où la personne est hospitalisée, ni à une équipe de prélèvement d’organes, ni à une équipe de transplanteurs) impliquant des examens (EEG, angiographie cérébrale ou scanner injecté…). Si le don d’organes est refusé ou impossible, il n’y a aucune raison de déclarer la personne morte avec un coeur battant. Il suffit d’attendre 48-72h et le coeur s’arrête tout seul : la mort cérébrale est un état transitoire qui n’est possible que par l’existence de la réanimation (mort cérébrale = absence de ventilation spontanée = mort en quelques minutes sans respirateur). La mort cérébrale finit forcément par aboutir à la mort classique car plus rien n’est régulé (instabilité de la tension, du pouls, disparition de la régulation thermique, etc.). Une mort cérébrale confirmée par des examens est synonyme d’arrêt du coeur dans les jours qui suivent.
(source)
Il est important de faire la différence entre mort cérébrale et états susceptibles de l’imiter (intoxication alcoolique sévère, surdosage en sédatifs, hypothermie, hypoglycémie), les comas profonds, et l’état végétatif chronique. Certains patients dans le coma pourront en sortir sous condition d’un traitement approprié, et certains autres souffrant de lésions neurologiques irréversibles pourront tout de même maintenir une respiration spontanée, ce qui est possible lorsque les centres respiratoires restent intacts. (Wikipedia)
Le Dr demande donc à ce qu’on la débranche du respirateur artificiel. Mais Lauren continue de respirer.
Lauren est donc plutôt dans un coma dépassé, et pas en état de mort cérébrale. Hypothèse confirmée par le bon Dr Fernstein un peu plus loin. Je sais, je sais, je pinaille. Mais en gros tout le laïus sur les carrières et les destins brisés par des velléités de pratiquer la médecine, c’était du flan.
Deuxième partie
On enchaîne avec le second protagoniste de l’histoire, Arthur, un architecte super classieux qui vient d’emménager dans l’appartement de Lauren. Là où madame prenait une douche dans la première partie, lui se décide pour un bain, après avoir déballé une partie de ses cartons. Il entend quelqu’un siffloter un air connu qui passe à ce moment-là à la radio.
Horreur ! Une femme est cachée dans la penderie de sa salle de bains ! Le lecteur comprend donc rapidement qu’il s’agit de Lauren.
Elle semblait totalement surprise qu’il la regarde. Il lui fit remarquer qu’il n’était ni aveugle ni sourd et formula à nouveau sa demande : que faisait-elle là ? Pour toute réponse elle lui dit qu’elle trouvait cela formidable. Arthur ne voyait rien de « formidable » à cette situation et sur un ton plus agacé que précédemment reposa une troisième fois sa question : que faisait-elle dans sa salle de bains à cette heure avancée de la nuit ? « Je crois que vous ne vous rendez pas compte, reprit-elle, touchez mon bras ! »
Lauren est un fantôme !
S’en suit une (très laborieuse) scène entre quiproquo et aberration. Probablement sensée susciter des mouvements réflexes de la musculature respiratoire et le larynx, accompagnés d’une mimique provoquée par la contraction de muscles faciaux, entraînant notamment l’ouverture de la bouche, et accompagnés d’une vocalisation inarticulée plus ou moins bruyante. Suscitant donc plutôt de mon côté une expiration prolongée qu’on laisse échapper sous l’influence d’un sentiment de tristesse, d’une émotion, d’une souffrance. Soupir n°16, en résumé.
Lauren explique péniblement qu’elle est une sorte de fantôme, que son corps est dans le coma mais qu’elle parvient à se déplacer librement en pensant à certains endroits pour s’y téléporter. Elle ne se voit pas dans les miroirs par contre, et Arthur est le seul à pouvoir contempler son ravissant visage (oh ben ça alors…).
Plusieurs problèmes se posent à moi, là, tout de suite :
- Elle peut se téléporter librement. Cool. Pourquoi justement dans la penderie de son appartement ?
- Il lui arrive de se rater, autrement dit de se matérialiser à un autre endroit que prévu. A-t-elle déjà fait un échec critique sur son jet de téléportation, auquel cas s’est-elle déjà retrouvée coincée dans un mur ?
- Elle doit se concentrer pour se déplacer, et fonctionne donc par téléportation. Mais à d’autres moments, elle marche tout à fait normalement. GNEU ?
- Elle voyage par l’esprit, et donc doit avoir déjà vu l’endroit où elle ira gambader joyeusement. C’est marrant, mais je sens que le coup de la maison au bord de la mer va poser problème. Ou pas.
- Elle ne peut pas se voir dans un miroir mais peut changer de tenue à volonté, youpi, le rêve de toutes les femmes. Pourquoi ne pas en profiter pour changer complètement de forme ?
- Elle ne peut pas non plus saisir des objets. Pourquoi ne traverse-t-elle pas le sol ? Comment peut-elle s’asseoir ? (ça m’a toujours intrigué ce truc, dans les histoires de fantômes)
- Lauren a espionné tous les faits et gestes d’Arthur depuis son emménagement chez elle. Pourquoi ne la voit-il que maintenant ?
Mais non, non, il ne la croit toujours pas, et pense que son associé Paul lui fait une blague en lui envoyant une folle. D’ailleurs on va l’appeler, là, tout de suite, ça suffit les conneries ! Il appelle donc Paul et essaye de lui passer Lauren. Evidemment, Paul ne l’entend pas. Lauren le convainc alors de se rendre à l’hôpital pour constater qu’elle est bel bien dans le coma. Ou qu’il s’agit vraiment une blague et qu’elle a une sœur jumelle.
Je vous passe plusieurs pages, mais pour faire court, Arthur passe pour un malade mental à parler tout seul à son amie imaginaire qui l’a accompagné au bureau, hihihi, quiproquos, éclate totale, et pour finir Paul (qui a manifestement oublié qu’il avait reçu la nuit même un appel téléphonique délirant de la part de son pote, et lui demande comment s’est passée sa soirée) le traîne faire le fameux check-up complet pour être sûr qu’il n’a pas une maladie expliquant ce comportement ma foi fort étrange. Etant Paul j’aurais probablement préféré l’emmener se faire examiner chez un psychiatre mais bon, tout va bien, Arthur est en parfaite santé (physique), merci pour lui. Cela étant dit, il prend quand même sa journée.
Passage fabuleux sur les amours d’Arthur :
Paul partit sur une grande tirade, Carol-Ann n’était pas faite pour lui, il pensait qu’elle l’avait fait beaucoup souffrir pour rien et qu’elle n’en valait pas la peine. Après tout, cette femme était une infirme du bonheur. Il en appela à son honnêteté, elle ne méritait pas l’état dans lequel il avait vécu après leur séparation. Depuis Karine, il n’avait jamais été détruit comme ça. Et Karine, il comprenait alors que franchement, Carol-Ann… Arthur lui fit remarquer qu’à l’époque de la fameuse Karine, ils avaient dix-neuf ans, et que de surcroît il n’avait jamais flirté avec elle. Vingt ans que Paul lui en reparlait, simplement parce qu’il l’avait vue en premier ! Paul nia l’avoir même évoquée. « Au moins deux à trois fois par an !» rétorqua Arthur. «Pouf! elle ressort d’une boîte à souvenirs. Je n’arrive même pas à me rappeler son visage ! » Paul se mit à gesticuler, soudainement excédé.
– Mais pourquoi n’as-tu jamais voulu me dire la vérité à son sujet ? Avoue-le, bon sang, que tu es sorti avec elle, puisque cela fait vingt ans comme tu le dis, il y a prescription maintenant !
Comment introduire un autre personnage de manière plus hors de propos ? Pourquoi est-ce si important ? Est-ce que le fantôme du passé va ressurgir ?
Et bien non. Ce passage complètement incohérent (incohérent car on apprend que Paul et Arthur se sont rencontrés après que ce dernier ait décroché ses nombreux diplômes, et qu’ils ont moins de 40 ans tous les deux) est de surcroît complètement inutile au reste de l’intrigue. Mais on va dire que la morue resserre les liens.
Sur ce, Arthur va au restaurant, commande un Cabernet Sauvignon (au moins ce n’est pas un vin californien), et Lauren réapparaît (oui elle était partie bouder, probablement dans la penderie de la salle de bains) en lui faisant du pied. Autre scène schizophrénique dans le restaurant, Arthur parle tout seul, quel comportement étrange dites donc (comique de répétition mon ami), Lauren lui conseille de faire semblant de téléphoner pour avoir l’air moins ridicule.
Arthur décide alors d’aider Lauren. Et pas DU TOUT parce qu’elle vient de lui faire méchamment du pied sous la table. Bande de vicieux.
De retour chez lui, Arthur s’installa derrière sa table de travail. Il alluma son ordinateur et se connecta sur Internet. Les « autoroutes informatiques » lui permettaient d’accéder instantanément à des centaines de bases de données sur le sujet qui le concernait. Il avait formulé une requête sur son logiciel de recherche, en tapant simplement le mot « Coma » dans la case dédiée, et le « Web » lui avait proposé plusieurs adresses de sites contenant des publications, témoignages, exposés, et conversations sur ce sujet. Lauren vint se poser à l’angle du bureau.
Lorsque Lauren lui demande pourquoi il fait ça pour elle, il lui répond : « Par devoir vis-à-vis de quelqu’un qui en très peu de temps m’a appris bien des choses, et une tout particulièrement, le goût du bonheur. Tu sais, dit-il, tous les rêves ont un prix ! ».
Ah bah vi, logique.
Logique.
Je ne vois pas le rapport mais ça doit probablement en avoir un, mes pauvres neurones qui continuent à griller petit à petit sont sûrement la cause de cette incompréhension.
Boooon. Reprenons.
Comme prévu ils tombent peu à peu amoureux, malgré les protestations de Lauren : « Tu ne dois pas t’attacher à moi, je n’ai rien à t’offrir, rien à partager, rien à donner, je ne peux même pas te préparer un café, Arthur !». Ah. Le café, c’est un critère, oui. D’ailleurs j’ai failli quitter mon cher et tendre à cause de ça, c’est un problème de couple bien connu (et je ne vous parle pas des amis qui ruinent mon thé le jour de mon mariage, ça vous ferait peur). Mais comme ils ne vont (et ne peuvent ?) pas faire du catch sous la couette tout de suite, ils parlent d’amour avec pudeur, délicatesse et licornes magiques qui vomit des arcs en ciel, le lecteur attendri découvre qu’Arthur a perdu sa maman mais ne veut pas en parler et a atteint un niveau de maître en platitudes romantico-psychologiques. Florilège :
Identifier le bonheur lorsqu’il est à ses pieds, avoir le courage et la détermination de se baisser pour le prendre dans ses bras… et le garder. C’est l’intelligence du coeur. L’intelligence sans celle du coeur ce n’est que de la logique et ça n’est pas grand-chose.
Personne n’est propriétaire du bonheur, on a parfois la chance d’avoir un bail, et d’en être locataire. Il faut être très régulier sur le paiement de ses loyers, on se fait exproprier très vite.
Il lui parla des fruits que l’on n’a pas cueillis, ceux qu’on laisse pourrir à même le sol. « Du nectar de bonheur qui ne sera jamais consommé, par négligence, par habitude, par certitude et présomption. »
Pour Arthur, il n’y avait rien de plus complet qu’un couple qui traverse le temps, qui accepte que la tendresse envahisse la passion, mais comment vivre cela lorsque l’on a le goût de l’absolu ? Pour lui il n’y avait pas d’erreur à accepter de conserver une part d’enfance en soi, une part de rêve.
Lauren n’est pas en reste attention :
« Je me dis que pour prétendre partager une tranche de vie à deux, il faut cesser de croire et de faire croire qu’on entre dans une histoire qui compte si l’on n’est pas vraiment prêt à donner. On ne touche pas au bonheur du bout des doigts. Ou tu es un donneur ou tu es un receveur. Moi je donne avant de recevoir mais j’ai fait une croix définitive sur les égoïstes, les compliqués et ceux qui sont trop radins du coeur pour se donner les moyens de leurs envies et de leurs espoirs. »
Je dirais que ça mérite au moins une image de violongay (Ne me remerciez pas, c’est tout naturel. Oh, et si vous ne le connaissez pas, n’allez pas chercher ses vidéos sur Youtube. Non, vraiment.) :
Après quelques pages, Arthur parle enfin de sa défunte maman, mon index glycémique grimpe en flèche avec tout ce miel, et nous atteignons des sommets de mièvrerie…Au passage, Lauren qui ne pouvait pas toucher ni prendre d’objet se met à lui faire des bisoux. Mui mui mui.
Le scénario avance enfin un peu alors que Lauren découvre que sa mère s’est résolue à l’euthanasier, tandis que je prie pour que là s’achève son calvaire, et le mien par la même occasion. Mais non, Arthur décide d’enlever le corps de Lauren de l’hôpital, et de la ramener chez eux. Oui oui. Il aurait pu, par exemple, aller voir la mère de Lauren, lui expliquer le truc, avec, si besoin, le fantôme en back-up pour aider à la convaincre (genre « ma première cicatrise au pied » ou « mon chien Spirou » ou « les massages de tonton Hubert »), mais visiblement c’est plus simple d’aller voler le corps d’une comateuse à l’aide d’une fausse ambulance et de faux documents de transfert tout en risquant un petit peu de se faire gauler et d’échouer en prison.
Ah, pardon, je suis mauvaise langue, ils se décident pour le plan B, mais sans Lauren en backup évidemment, ce serait trop simple sinon. Donc ça rate lamentablement, bien sûr, on n’insiste pas, retour à l’organisation du plan A avec l’aide de Paul.
Et soudainement :
La voiture disparut après le carrefour et Paul, s’adressant à Dieu, leva les bras au ciel en hurlant : « Pourquoi moi ? » Il contempla les étoiles en silence pendant quelques instants, et comme aucune réponse ne semblait lui revenir, il haussa les épaules et marmonna : « Oui, je sais ! Pourquoi pas ! »
Muiiiiii ? Ok. Passons.
Du sirop, des bons sentiments, exécution du plan B. Durant le trajet Arthur explique à Paul ce qui se passe, ce dernier le prend encore pour un barge mais finit par plus ou moins se résigner (comme quoi en répétant les choses très fort et longtemps des fois ça passe.), magie de l’amitié. Il ne posera plus vraiment de question mais ses remarques amusantes (ho ho ho) émailleront le reste de la scène. Je me demande vraiment si tout va bien se passer durant l’enlèvement, quel suspense.
Evidemment, les choses se compliquent, Arthur est obligé d’endosser le rôle d’un vrai médecin et de faire mumuse avec un tas d’appareils tranchants sur un vrai gens, aidé par Lauren. Voilà voilà, sinon, ça va, ils repartent tranquillou de l’hôpital. Ah, nouveau souci, la télécommande du parking qui leur aurait permis de sortir discrètement le corps de l’ambulance et de ramener cette dernière à papa n’a plus de pile. Paul attend dans l’ambulance tandis qu’Arthur cherche des piles désespérément. Lauren finit par lui conseiller de prendre celles de la télécommande (good job Casper), un policier vient faire peur à Paul, mais sans lui demander les papiers du véhicule, par contre le file sur le retour juste pour voir si le pieu mensonge que ce dernier lui a servi était vrai. Ouf on l’a échappée belle (je veux mourir, pitié). Transfert de Lauren dans la voiture d’Arthur, et en route vers…
FLASHBACK ! Enfance d’Arthur, bisoux et Nutella, sa rencontre avec Paul, sa môman, la mer, les oiseaux, la mort de môman, de bien belles leçons de vie et de bons sentiments, j’ai mal au foie.
Nous nous rendons donc vers la maison de famille d’Arthur, au bord de la mer. Sa maman avait tout prévu et laissé une lettre « à ouvrir au cas où » (je ne sais pas comment les gens font pour n’ouvrir ce genre de lettre qu’au bon moment, j’en serais incapable) avec des bisoux et plein amour dedans.
Tout ceci est tellement mielleux que je dois vous remettre une couche de violongay et de son beau mulet pour conjurer tout ça, c’est trop dur.
Ils passèrent une bonne partie de la journée à découvrir, et redécouvrir le grand parc qui bordait la maison. Arthur montra les arbres, les griffures qu’il avait laissées dans certaines écorces. Au détour d’un pin parasol, il lui indiqua l’endroit où il s’était cassé la clavicule.
– Comment as-tu fait ?
– J’étais mûr, je suis tombé de l’arbre !
Non parce que des citations comme ça faut encaisser hein. Et c’est pas fini.
Arthur ouvre la valise noire qui contenait tous les souvenir de sa maman, après avoir lu la lettre pleine d’amour et de poneys roses dedans qui y était agrafée. Je ne vous impose pas de nouveau de violongay mais c’est pas l’envie qui m’en manque.
Puis bon, après hop,
Elle se dressa face à lui et déboutonna sa chemise.
– Mais comment fais-tu, tu ne pouvais…
– Ne pose pas de questions, je ne sais pas.
Elle fit tomber la chemise le long de ses épaules, passant ses mains sur son dos. Lui se sentit désemparé, comment déshabillait-on un fantôme ? Elle sourit, ferma les yeux et fut instantanément nue.
– Il suffisait que je pense à un modèle de robe pour l’avoir sur moi immédiatement, si tu savais comme j’en ai profité…
Sous le porche de la maison, elle s’enroula autour de lui, et l’embrassa.
L’âme de Lauren fut pénétrée par son corps d’homme, et entra à son tour dans le corps d’Arthur, le temps d’une étreinte, comme dans la magie d’une éclipse… La valise était ouverte.
Fondu au noir, intérieur jour, l’hôpital. George le policier mangeur de beignets (je déconne pas) enquête sur l’enlèvement de Lauren. Mais ouhlà pas trop de précipitation non plus hein, déjà il emmène la responsable du dispatching boire un café au Diner du coin. Evidemment ils se connaissent depuis 30 ans, et s’entendent comme larrons en foire, qu’est-ce qu’on se marre.
– Pas toi, toi tu es un affreux canard même pas foutu de voler, tu marches comme un canard. Allez, va bosser et laisse-moi.
– Tu es très belle, Nathalia.
– Mais oui, et toi tu es aussi beau que tu es bien luné.
– Allez, mets le gilet de ta grand-mère, je t’emmène boire un café en bas.
– Et le dispatching, qui le fait ?
– Attends, ne bouge pas, je vais te montrer.
Il se retourna et marcha d’un pas pressé vers le jeune stagiaire qui classait des dossiers à l’autre bout de la pièce. Il le saisit par le bras et lui fit traverser la grande salle jusqu’au bureau à l’entrée.
– Voilà, mon grand, tu te visses sur cette chaise à roulettes avec accoudoirs, parce que madame a eu une promotion : deux accoudoirs en tissu. T’as le droit de tourner dessus
mais pas plus de deux tours complets dans le même sens, tu décroches le téléphone quand ça fait un bruit, tu dis : « Bonjour, commissariat principal, la Criminelle, j’écoute », tu écoutes, tu notes tout sur ces papiers, et tu ne vas pas pisser avant qu’on revienne. Et si quelqu’un te demande où est Nathalia, tu dis qu’elle a subitement eu ses trucs de bonne femme et qu’elle est partie en courant à la pharmacie. Ça te paraît dans tes moyens ?
– Pour ne pas aller prendre ce café avec vous, je pourrais même nettoyer les toilettes, inspecteur !
Après on se demande pourquoi le monde va mal. Je pense que le mot le plus approprié serait « consternant ». Nathalia (qui est aussi pénible que dans GoldenEye sur 64) participe évidemment à l’enquête et commente avec intelligence tout ce que dit George. Complicité, dragouille à deux balles, tout ça tout ça. Bref, ils remontent la piste du contrôle des papiers (qui n’a donc pas eu lieu) sur l’ambulance. Oh bah dis donc trois jours plus tard, ils remontent jusqu’à Arthur.
– Bingo, avait-il dit au jeune élève inspecteur, tu me donnes tout sur ce type pour ce soir, son âge, s’il est pédé, s’il se came, où il travaille, s’il a un chien, un chat, un perroquet, où il est en ce moment, ses études, s’il a fait l’armée, toutes ses manies. Tu appelles l’armée, le FBI, je m’en fous, mais je veux tout savoir.
– Moi, je suis pédé, inspecteur ! avait rétorqué le stagiaire avec une certaine fierté, mais ça ne m’empêchera pas de faire le travail que vous me demandez.
C’est beau la tolérance.
Du côté des tourtereaux fantômatiques défiant toute loi de la physique spectrale, ou du moins de la logique pure et simple, tout va bien, bisou. Lauren est quand même très très déçue de ne toujours pas savoir faire de café pour son amoureux et se change toutes les deux minutes. C’est dur la vie de femme.
Après plusieurs jours à les observer tout en profitant de ses petites vacances payées par le contribuable, George vient causer un peu avec Arthur, dire bonjour, prendre un café, tout ça, et se casse. Il revient plus tard, dévoile son identité secrète de super flic, et Arthur lui paye le dîner aux chandelles dans la vieille maison. Quand George lui pose la main sur la sienne, je me dis que ça va devenir intéressant, mais non. Petit à petit, le policier s’attendrit même s’il ne comprend pas le motif et en toute logique…ramène Lauren à l’hôpital et enterre le dossier loin loin loin. Normal. Et personne ne se posera AUCUNE question du style : comment l’a-t-il retrouvée ? Où ? Qui l’avait enlevée ? Tout ça ?
Il rentrent à la maison, attendent l’inéluctable tout en partageant des moments magiques et pleins de glucose, et un jour Lauren disparaît. Pouf pouf. Pulà. Persuadé qu’elle est morte, Arthur passe dix jours dans un enfer absolu, se transforme en clochard et hurle à la lune.
Mais non, évidemment, elle n’est pas morte, elle s’est réveillée. Il vient la voir tous les jours, attend qu’elle parle enfin.
Arthur entra dans la chambre et s’assit tout près d’elle. Elle dormait, il passa sa main dans ses cheveux et lui caressa doucement le front.
– Le son de ta voix m’a tellement manqué, lui dit-il.
Elle ouvrit les yeux, prit sa main dans la sienne, le fixa d’un regard incertain et lui demanda :
– Mais qui êtes-vous ? Pourquoi êtes-vous là tous les jours ?
Arthur comprit immédiatement. Son coeur se pinça, il sourit avec beaucoup de tendresse et d’amour et lui répondit :
– Ce que je vais vous dire n’est pas facile à entendre, impossible à admettre, mais si vous voulez bien écouter notre histoire, si vous voulez bien me faire confiance, alors peut-être que vous finirez par me croire et c’est très important car vous êtes, sans le savoir, la seule personne au monde avec qui je puisse partager ce secret.FIN
J’ai rarement autant aimé le mot « FIN ».
Si on s’inflige des punitions telles que la lecture d’un mauvais livre c’est aussi pour apprécier chaque seconde du temps qui passe dans ce monde si beau et étrange, dans des moments aussi simples qu’un coucher de soleil multicolore sur un bord de mer, ou le rire d’un enfant qui mange une gaufre chaude que sa mère bienveillante lui a préparée.
Oh merde je suis contaminée !
échec critique sur son jet de téléportation, je m’en remets pas… Essuie une larme de rire…
Ah… Ca fait du bien de lire des trucs pareils, après le néant culcul la praline de 50 shades, purée…
Les jeux de rôles m’ont pourri le cerveau, c’est tout. C’est triste. Mais c’est tout.
Non non non… Tu n’as pas le droit d’affirmer une chose pareille… Les jeux de rôle ont contribuéé à t’améliorer le cerveau, pas à le pourrir… D’ailleurs, si tout ces écrivains à la manque en faisaient un peu, du jeu de rôle, la littérature française deviendrait ENFIN un peu interessante… Je me souviens avoir lu 99 fr, et m’être toute la première moitié du livre : c’est génial ! Et puis toute la seconde moitié : mais qu’est-ce que c’est nul, tellement c’est invraissemblable !!!
C’est le gros pb aussi du cinéma français, les scenarii sont bon jusqu’à la moitié, mais les scénaristes ne savent visiblement pas finir une histoire…
« Au détour d’un pin parasol » O_O – oh putain, tu m’as fait mon après-midi là 😀 Je ne m’en remets pas !! Mais qui dit des choses pareilles ? Je vais m’en faire un challenge tiens, je promets de le re-sortir un jour sur mon blog !!
Merci pour cette analyse qui m’a beaucoup fait rire, je crois que je serais juste incapable de relire ce bouquin, qui m’avait déjà paru d’une mièvrerie totalement écoeurante quand j’avais 15 ans