Bingo féministe : décryptage

Parce que parfois, passer par les moments désagréables nous permet d’aller plus loin…

Je me suis pliée au Bingo féministe. Le Bingo féministe, c’est un peu comme le Bingo classique, on attend que notre numéro sorte et on coche la case. Après on enjoie. Si le mot « Bingo » vous fait penser à « Bingo Cola » et à ses différentes déclinaisons, je vous aime.

La seule différence c’est qu’ici on ne gagne pas d’argent, mais des ennemis.

Ce type de document est très révélateur des différents types de pseudo-arguments anti-féministes les plus courants.

bingo-color

Vous avez vu les choulies couleurs ? Non, rien, c’est juste que je suis une femme, j’ai donc un talent inné pour la décoration intérieure (sisi, hey, ma bannière elle claque quand même, ho, dites-donc vous).

On peut distinguer plusieurs grandes tendances dans ces discours anti-féministes :

1. La misogynie pure et dure

« Je préfère les femmes féminines. »
« Les féministes sont juste mal baisées, laides, hystériques, folles… »
« Tu es juste jalouse des belles femmes. »
« Si tu veux qu’on te respecte, comporte-toi comme une vraie femme. »
« C’est normal si tu trouves pas de chum (mec) si tu es si agressive que ça. »
« Tu es tellement sexy quand tu es en colère. »
« Vous, les féministes, vous avez besoin de vous faire baiser. »

Ici, pas de place aux revendications qui sont automatiquement balayées d’un revers de manche.

« Je…
-Ta gueule, femme, retourne à ta cuisine et après attends moi à poil à quatre pattes sur le lit, tu seras mignonne. »

Ce type de réplique illustre plusieurs concepts si chers à nos misogynes adorés :

  • La femme n’est rien sans l’Homme
  • La Sainte Bite a un Pouvoir Ancestral Absolu (il change les laides en baisables et les lesbiennes en hétéros par exemple.)
  • Une femme qui revendique est sous l’influence de ses hormones, ses humeurs, enfin des trucs de nanas incompréhensibles qui obscurcissent son jugement.
  • Mais les femmes sont avant tout destinées à la procréation et au plaisir, il est indispensables qu’elles restent à leur place.

Ces contre-arguments sont les plus faciles à repérer étant donné que vu le bestiau en phase terminale de gangrecrétinerie, tout est (presque) foutu. Ne vous embêtez donc pas avec ces gens-là, sauf si vous aimez lutter contre des moulins à vent (et je respecte ça, d’autant plus que j’ai jamais la patience). Eventuellement, faites des réflexions sur sa grosse voiture pour l’embêter.

2. Le pseudo-humanisme

« Les féministes se plantent, il faut être humaniste. »
« On vous a déjà donné le droit de vote, que voulez-vous de plus ? »
« Le vrai combat c’est la lutte des classes. Il faut arrêter de créer plein d’autres luttes. »

Celui-là est assez taquin.

« Oui, d’abord, moi je suis humaniste, je lutte pour transcender l’idée même de genre, de classe, de race, et j’aime les poneys ! D’ailleurs grâce à nous le racisme n’existe plus depuis l’abolition de l’esclavage. Merci qui ? » peut résumer ça en quelques mots.

QUAND l’humanisme aura triomphé du Mal, vous verrez les filles, les inégalités, toutes les inégalités, disparaîtront par magie, pouf pouf.

Ce type de discours est assez pervers dans le sens où on oblitère complètement un combat, une lutte, au profit d’une nébuleuse de quelque chose qui a juste un nom qui claque.

Sous-entendu : « Moi j’aime tous les humains, tous, sans exceptions, toi tu ne défends que les femmes, immonde égotiste que tu es. »

En réalité, le pseudo-humaniste se garde bien d’exprimer un avis, quel qu’il soit. Souvent « colorblind » c’est celui qui te dit qu’il ne voit pas les couleurs ni les différences des gens, que nous sommes tous des enfants du monde, joie joie youpi Tequila. En plus d’être parfaitement hypocrite (Personne ne « voit pas les différences », c’est faux. Percevoir l’autre dans sa propre différence est une posture à mon sens plus honnête permettant une réflexion sur les systèmes oppressifs beaucoup plus réaliste.), il laisse glisser sur son plumage toutes les autres formes d’oppression qui n’existent simplement plus.

Comme chacun est égal conceptuellement, nul besoin de lutte.

Problème réglé !

3. Le naturalisme-opportuniste

« Les femmes savent naturellement mieux faire ces choses-là. »
« Toi, tu as tes règles en ce moment. »

Aussi appelé « le prof de bio qui s’ignore ».
Celui-ci vous ressortira des arguments tels que :

  • Les hommes et les femmes sont biologiquement différents (2 pts)
  • D’ailleurs les hommes des cavernes allaient chasser pendant que mesdames vous tressiez des paniers (3 pts)
  • Les femmes sont plus faibles physiquement, c’est la Nature (5 pts)
  • Les femmes peuvent porter la Vie (580 145 pts)

Et par glissement, on arrive à : « C’est ton rôle de femme ». Oh bah oui tiens.

Cette forme d’anti-féminisme est assez tordue dans le sens où on exploite des faits souvent avérés et évidents (les femmes portent les enfants dans leur utérus, les hommes ont un zizi) pour en tirer des conclusions culturelles. Les femmes ont un utérus, elles DOIVENT donc l’utiliser à bon escient. C’est comme ça, c’est la vie, circulez y’a rien à voir.

Or (fort heureusement) la Biologie ne nous dirige pas sur nos comportements culturels, du moins pas totalement. C’est ce qui nous empêche de nous bouffer entre nous, et c’est ce qui conduit aussi les gens à faire des trucs complètement inutiles comme l’Art.

Que les hormones aient un rôle, oui, et c’est même tant mieux car elles régulent notre corps face aux changements extérieurs (homéostasie) : elles régulent notre température corporelle, notre métabolisme, engendre le stress et l’instinct de fuite ou de lutte face au prédateur, et permettent aux caractères sexuels secondaires de s’exprimer, permettant ainsi la perpétuation de l’espèce.

Mais avancer que nos pulsions, comportements en société, cultures et interactions avec notre environnement découlent uniquement du bon vouloir de Mère Nature est une aberration.

Pire, ces arguments servent souvent de paravent bien utile autorisant certains à avancer des arguments complètement sexistes.

« Les hommes des cavernes faisaient ça. » Ok. Doit-on pour autant revenir à ces temps bénis où les gens étaient super contents s’ils dépassaient la trentaine sans se faire arracher un bras par un animal ou sans mourir d’une infection ?

4. Les « males-tears »

« Le patriarcat fait aussi souffrir les hommes. »
« Et la cause des hommes, elle ? »
« Vous vous posez toujours en victimes. »
« C’est vous les femmes qui avez le pouvoir maintenant. »
« Vous, les féministes, vous détestez les hommes. »
« Moi je suis un homme correct, je suis pas sexiste. »

Oui parce que eux aussi sont opprimés. Par rapport à un système patriarcal méchant crée par leurs pairs qui favorise uniquement les plus fort et moi je me sens pas si fort que ça j’ai peur.

Donc non, ne faisons rien, ne touchons pas non plus à ce sacro-saint système qui nous permet quand même de bénéficier de privilèges en terme d’emploi, de richesse, de pouvoir, et j’en passe, mais allons un peu réclamer des cookies aux féministes là-bas, parce qu’on est gentils, on est victimes nous aussi.

« Moi j’ai jamais violé personne tuvoi » : un comportement somme toute normal se doit d’être applaudi avec conviction et enthousiasme. Et si l’Homme n’est pas congratulé chaleureusement, il se plaint que personne ne l’aime et devient agressif.

5. Le « vrai » militantisme à la papa

« Vous feriez mieux de… »

« Arrêtez de perdre votre temps là où il y a déjà l’égalité et allez libérer les femmes afghanes. »

« Tu donnes une mauvaise image des féministes. »

« Moi je vais te dire ce qui ne va pas dans le féminisme. »

Ou « mansplaining« .

Aka « Moi je t’explique comment organiser correctement ta lutte, fillette. » ou « Laisse-moi t’expliquer la vie, je sais mieux que toi ».

Ici, l’homme se pose en tuteur d’une femme idiote, faible, inférieure.

Le vrai militant à la papa oublie juste un petit détail : n’étant pas opprimé par le patriarcat, il n’est pas vraiment le mieux placé pour en parler.

C’est un peu comme quand de grands pays colonisateurs viennent « aider » leurs anciennes colonies en s’appropriant leur lutte. On envoie deux trois tonnes de riz et BHL (Pitié, mais gardez-le, arrêtez de nous le renvoyer à la maison !), on prend des photos souvenir comme au safari, et on se rachète une conscience. Parce que les pays « nécessiteux » sont obligatoirement incapables de s’en sortir seuls, le colon occidental va devoir aller leur apprendre la démocratie à grand renfort de soldats armés (Tu la sens, ma grosse Démocratie ?)(Pardon je m’égare). Je ne compare absolument pas ces deux situations données, attention, simplement le comportement paternaliste affligeant qui en découle.

C’est bien connu, les femmes sont incapables de s’organiser et de lutter seules, il leur faut l’aide de la Sainte Bite pour avancer.

Ouf, l’honneur est sauf, regardez comment on est des gens biens, nous.

Bonus : « Allez plutôt sauvez les femmes du Trétréloinhistan et foutez-nous la paix ! »

6. Le sexisme peureux

« C’était juste une blague, t’as vraiment pas le sens de l’humour. »

« Je n’ai aucun problème avec le féministe, sauf quand il va trop loin. »

« Tu es trop sensible à propos de ça. »

 Celui-ci se planque derrière son rocher dès que Chthulu fait une apparition. « Non mais t’as pas compris olilolll » « Je plaisantais mdr ».

Sans vouloir assumer ou même débuter un semblant de réflexion sur le féministe sur lequel, bien souvent, il n’a « pas vraiment d’avis », le sexiste peureux marche en crabe vers des contrées bien plus rassurantes.

Il avance souvent masqué, rampant, et fuit dès qu’il est un tant soit peu découvert, balançant sa Pokeball « Desproginou » dans sa course.

Pour lui, les féministes sont aigries, belliqueuses, irrationnelles, et surtout dépourvues d’humour. Puis faut pas en faire tout un plat non plus, les inégalités, peuh, ça va hein, y’a longtemps que c’est fini ces choses-là. Allez, on se fait un bisou et on n’en parle plus.

Pour finir

Et oui, encore un article pas marrant sur des sujets qui vous gonflent, je sais. Le pire c’est qu’il y a tellement matière à articles dans l’interwebZ que j’en ai encore pour 10 ans à vous rabâcher la même chose !

Sur ce, je vous laisse, Flappy m’attend.

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Commentaires

  • Je suis bien entendu d’accord avec l’essentiel de ce que vous dites. Qu’on me permette cependant de revenir sur le terme de « males tears ».

    D’abord, admettons que c’est en-soi une expression quelque peu sexiste. Les hommes ne doivent pas pleurer, laissons ça aux femmes – enfin je ne vous fais pas un dessin, voilà une représentation normative du genre tout ce qu’il y a de plus réactionnaire.

    Au delà de ça, si le féminisme veut effectivement être un humanisme, il faut qu’il intègre le « masculinisme ». Non tel qu’il existe actuellement, mais tel qu’il devrait exister, c’est-à-dire en tant que corollaire logique du féminisme. On ne naît pas homme, on le devient. Ce n’est en rien remettre en cause le patriarcat comme matrice historique régissant les rapports de genre. C’est au contraire en pousser la critique plus loin. Certains universitaires commence d’ailleurs à se pencher dessus, voyez « Les coûts de la domination sociale » (2012, Presses Universitaires de Rennes).

    Prenons un homme de 45 ans, père de famille, sans emploi, dans un milieu très pauvre. Que signifie « soit un homme ! » dans son cas ? Cela signifie : prends soin de ta femme, de tes femmes. Soit capable de subvenir à leurs besoins. Ne laisse pas ta femme travailler à ta place : c’est ton rôle. Fais en sorte que tes enfants ne soient pas des pouilleux. Enfin, ne soit pas triste, dépressif du fait de ta situation ; reprends-la en main ; ne chiale pas comme une gonzesse. Autant d’impératifs qu’il est incapable de tenir. Il n’est pas riche, il n’a pas réussi sur le plan social, il n’est pas un homme. Il intériorise, mois après mois, l’humiliation de ne pas être un homme. Dominant dans le système, il n’en est pas moins perdant., et ce n’est pas dire que sa femme est gagnante (elle ne l’est pas non plus).

    Le féminisme ne doit pas s’enfermer dans un dogmatisme étroit. Pensez les pleurs des hommes au lieu de les moquer, amiEs féministes, vous avez tout à y gagner — ca

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