Des fois il y a des choses qui tombent à pic.
En ce moment, je finis ma lecture de « Les Femmes de Droite » d’Andrea Dworkin. Si je ne conseillerais pas forcément ce livre avec chaleur et enthousiasme à toutes les féministes de la troisième vague (le texte, publié en 1983, est très radical de la deuxième vague) il a le mérite de m’avoir apporté un éclairage passionnant sur les motivations de ces femmes qui se rangent du côté des agresseurs et du patriarcat.
Je trouvais ça assez difficile d’aborder ces notions de but en blanc, et là, paf, je vois ça dans le Monde :
Alors bon, du coup je sors de ma léthargie pour vous en parler parce que si c’est pas un cas d’école alors moi je ne suis pas en train de manger des biscuits miel châtaigne avec un latte (oui j’ai appris à faire de la mousse de lait cet été, si j’avais un blog cuisine je vous en parlerais des heures et des heures).
Avant tout, voici la liste des signataires du texte :
Rédactrices :
Peggy Sastre, oh, Peggy. Psycho-évolutionniste, qui défend ici et là les arguments évolutionnistes qui avancent entres autres que les violeurs ont juste plus de testostérone. Valérie Crèpe Georgette fait une bonne critique d’un de ses livres avec l’angle féministe, Charpi fait une très bonne critique sur sa sortie appuyant l’auteur du Google Memo (et je dis pas ça parce que c’est un copain mais il écrit super bien, Charpi), Kumokun en parle également ici sur l’angle spécifique de la scientificité appliquée au féminisme, thèmes que j’aborde entres autres ici dans mon article sur la zététique et le féminisme.
Brigitte Lahaie, que je ne connais qu’à travers sa filmographie (que je n’ai pas vue, évidemment, jamais JAMAIS je ne regarde de films pornos, je suis chas…et merde) et plusieurs saillies anti-haine-anti-hommes (« Le féminisme a-t-il encore du sens aujourd’hui ? » – tiens, l’article a maintenant disparu du blog…)
Elisabeth Lévy, dont Usul fait un portrait assez complet en vidéo, qui bosse chez Causeur, pas trop un magazine d’extrême gauche on va dire.
Sophie de Menthon, qui « trouve plutôt sympa de se faire siffler dans la rue«
(Ce sont celles qui m’ont sauté aux yeux immédiatement, si vous avez d’autres liens à partager ici, j’éditerai l’article en conséquence)
On a donc un panel de femmes de droite. Qu’elles soient conservatrices, anti-féministes ou « féministes oui mais », cela rejoint sur les faits le portrait qu’en fait Dworkin.
Les femmes de droite : qui sont-elles ? Quels sont leurs réseaux ?
On va faire un petit point rapide dès à présent. Si vous pensez que le patriarcat n’existe pas, que le féminisme n’est qu’un moyen commercial de rester dans le système ou de diviser la révolution prolétarienne, vous pouvez directement cesser de lire cet article. Faites moi plaisir. Fermez cette page, parce que déjà je ne répondrai pas à vos commentaires ou, pire, j’y répondrai. Gagnons du temps toi et moi, la vie est courte et j’ai pas des masses de temps dans ma vie.
Je pars de quelques principes simples sur lesquels je ne reviens pas ici, soit car j’en ai déjà parlé (dans ce blog, dans la catégorie féminisme, j’vous jure c’est pas dur à trouver) soit j’en parlerai plus tard soit ce sont des concepts assez évidents à mon sens unilatéral et arbitraire.
- La domination masculine existe, est systémique et organisée : nous vivons dans un système où le patriarcat fait en sorte de donner le pouvoir aux hommes au détriment des femmes, que ce soit par la discrimination au travail (embauche, salaire, précarité), par les contraintes liées à la parentalité (contrôle de l’IVG, de la contraception, violences obstétricales, injonctions faites aux mères),par la dissymétrie au sein du couple (précarité financière, partage des tâches, charge mentale), par le contrôle de l’espace public (harcèlement de rue, agressions), par le contrôle de l’intégrité physique des femmes (viol, violences conjugales, féminicide).
- L’intérêt du patriarcat est, tout comme celui du capitalisme (qui sont très intimement liés) de s’auto-entretenir grâce aux éléments cités dans le point 1. On crée une domination et un système pour que cette domination dure dans le temps. Dans les faits, elle dure depuis le néolithique, ce qui est un score que je qualifierait de « plutôt pas mal ».
- Les femmes qui se révoltent sont réduites au silence. Que ce soit physiquement dans la sphère privée (meurtres conjugaux), politiquement (discrédit, travail de sape) ou médiatiquement (écrire des tribunes dans le Monde pour hurler à la misandrie).
Dès lors, les femmes ont trois possibilités :
- Se soumettre dans le silence et la rage
- Se révolter, au risque d’être victimes de violence
- Pactiser avec l’ennemi pour être tranquilles
Concrètement, nos femmes de droites ont choisi la troisième voie. Devant le constat de ces violences existantes, c’est une stratégie somme toute assez logique :
Les hommes exercent une violence. Si je me révolte je subirai encore plus de violence. Je choisis donc de me mettre sous la protection du patriarcat pour ne pas subir cette violence. Et je fais en sorte de permettre que ce système perdure.
[Dworkin] De la maison du père à la maison du mari et jusqu’à la tombe qui risque encore de ne pas être la sienne, une femme acquiesce à l’autorité masculine, dans l’espoir d’une certaine protection contre la violence masculine. Elle se conforme, pour se mettre à l’abri dans la mesure du possible. C’est parfois une conformité léthargique, en quel cas les exigences masculines la circonviennent progressivement, comme une enterrée vive dans un conte d’Edgar Allan Poe. Et c’est parfois une conformité militante. Elle sauvera sa peau en se démontrant loyale, obéissante, utile et même fanatique au service des hommes qui l’entourent. […]. Quelles que soient les valeurs ambiantes, elle les incarnera avec une fidélité sans faille.
Les hommes respectent rarement leur part du marché tel qu’elle l’entend : la protéger contre la violence masculine.
[Dworkin] Les femmes de droite ont examiné le monde ; elles trouvent que c’est un endroit dangereux. Elles voient que le travail les expose à davantage de danger de la part de plus d’hommes ; il accroît le risque d’exploitation sexuelle.[…] Elles voient que le mariage traditionnel signifie se vendre à un homme, plutôt qu’à des centaines : c’est le marché le plus avantageux. […]. Elles savent également que la gauche n’a rien de mieux à offrir : les hommes de gauche veulent eux aussi des épouses et des putains ; les hommes de gauche estiment trop les putains et pas assez les épouses. Les femmes de droite n’ont pas tort. Elles craignent que la gauche, qui élève le sexe impersonnel et la promiscuité au rang de valeurs, les rendra plus vulnérables à l’agression sexuelle masculine, et qu’elles seront méprisées de ne pas aimer ça. Elles n’ont pas tort. Les femmes de droite voient que, dans le système où elles vivent, si elles ne peuvent s’approprier leur corps, elles peu-vent consentir à devenir une propriété masculine privatisée : s’en tenir à un contre un, en quelque sorte.
Aussi il n’est pas étonnant du tout que le backlash (c’es à dire les stratégies visant à faire taire les féministes) survienne de la part même de personnes victimes de cette domination. Parce qu’elles, elles ont décidé de ne pas être victimes. Ce genre de décision à mon sens est identique au gimmick « faut de la volonté pour perdre du poids ». Non. On peut choisir de décider de ne pas être victime, pourquoi pas. Mais dans les faits, on reste victime. Choisir d’ignorer ce statut pour ne pas se « victimiser » est aussi efficace que les incantations chamaniques contre les piqûres de moustique en été ou pour faire dormir un enfant qui sort de sa sieste.
Se déclarer « non victime » n’est pas cesser la souffrance. Je me déclare toujours victime ou survivante, les années et les soins ont fait en sorte que cette souffrance soit apaisée, je vis avec et plus malgré, je peux parler de viol ou de violences avec d’autres victimes, envisager même de les écouter, de les aider avec mes moyens. Concrètement, je vis ce statut de victime plutôt sereinement, mais cela ne fait pas de moi une non-victime. La marque, le traumatisme, n’ont pas soudainement disparus par magie. La subtilité me semble ici essentielle.
On va donc dépiauter un peu cette tribune si vous le voulez bien. Je vais tenter de faire en sorte que la lecture soit la moins désagréable possible en ajoutant des images amusantes comme ce charmant petit lapin :
Pour cette réponse, je mets le texte original en citation et mes commentaires en violet. Vous avez de la chance que la balise <blink> ait disparu en 2013.
Let’s pwn
Tribune. Le viol est un crime. Mais la drague insistante ou maladroite n’est pas un délit, ni la galanterie une agression machiste.
A la suite de l’affaire Weinstein a eu lieu une légitime prise de conscience des violences sexuelles exercées sur les femmes, notamment dans le cadre professionnel, où certains hommes abusent de leur pouvoir. Elle était nécessaire. Mais cette libération de la parole se retourne aujourd’hui en son contraire : on nous intime de parler comme il faut, de taire ce qui fâche, et celles qui refusent de se plier à de telles injonctions sont regardées comme des traîtresses, des complices !
Or c’est là le propre du puritanisme que d’emprunter, au nom d’un prétendu bien général, les arguments de la protection des femmes et de leur émancipation pour mieux les enchaîner à un statut d’éternelles victimes, de pauvres petites choses sous l’emprise de phallocrates démons, comme au bon vieux temps de la sorcellerie.
J’ai bien suivi le mouvement #metoo et je suis assez étonnée de voir qu’on accuse des femmes de traîtrise. Soit. Pareil pour « taire ce qui fâche », je ne vois pas trop. J’ai dû rater un train ou deux.
On retrouve ici l’argument du « puritanisme » si cher à nos amis masculinistes ou aux fervents défenseurs de la liberté d’oppr…d’expression. On peut plus rien dire, on peut plus harceler tranquille, le monde va mal. Si t’aime pas le sexe au point de ne pas voir d’inconvénient à ce que je te tripote un peu le cul, tu es une sale prude (mais si tu te laisses tripoter tu es une salope). Jusqu’ici on est dans du classique backlash.
Edit : Emi a trouvé un article très juste de Clémentine Autain que je vous livre ici sur l’emploi du mot puritainisme.
Délations et mises en accusation
De fait, #metoo a entraîné dans la presse et sur les réseaux sociaux une campagne de délations et de mises en accusation publiques d’individus qui, sans qu’on leur laisse la possibilité ni de répondre ni de se défendre, ont été mis exactement sur le même plan que des agresseurs sexuels. Cette justice expéditive a déjà ses victimes, des hommes sanctionnés dans l’exercice de leur métier, contraints à la démission, etc., alors qu’ils n’ont eu pour seul tort que d’avoir touché un genou, tenté de voler un baiser, parlé de choses « intimes » lors d’un dîner professionnel ou d’avoir envoyé des messages à connotation sexuelle à une femme chez qui l’attirance n’était pas réciproque.
Cette fièvre à envoyer les « porcs » à l’abattoir, loin d’aider les femmes à s’autonomiser, sert en réalité les intérêts des ennemis de la liberté sexuelle, des extrémistes religieux, des pires réactionnaires et de ceux qui estiment, au nom d’une conception substantielle du bien et de la morale victorienne qui va avec, que les femmes sont des êtres « à part », des enfants à visage d’adulte, réclamant d’être protégées.
La revue The Nib a un excellent comic sur la prétendue « Chasse aux Sorcières » qu’on a dénoncée lors du mouvement.
Le triste constat que nous avons pu faire avec « me too » et « #balancetonporc » c’est surtout que la parole des victimes a été remise en doute. Souvent. On leur a demandé de nommer leurs agresseurs, on les a enjoint à porter plainte. Lorsqu’elles nommaient, c’était de la délation, lorsqu’elles ne nommaient pas, de la lâcheté.
Je vous en parlais dans un article sur les fausses accusations de viol, porter plainte c’est la croix et la bannière. Je l’ai fait. Je ne le referai pas. Un article de France Inter en parle, et vous pourrez trouver pléthore d’autres articles sur le sujet.
La chasse aux sorcières s’est, encore une fois, faite au détriment des victimes.
Dénoncer, selon cette tribune, c’est donc « loin d’aider les femmes à s’autonomiser, sert en réalité les intérêts des ennemis de la liberté sexuelle, des extrémistes religieux, des pires réactionnaires et de ceux qui estiment, au nom d’une conception substantielle du bien et de la morale victorienne qui va avec, que les femmes sont des êtres « à part », des enfants à visage d’adulte, réclamant d’être protégées. »
Je pense nécessiter très prochainement l’image d’un bébé chat, je vous préviens.
On peut dénoncer, mais pas comme ça. Mais pas non plus comme avant, mais autrement, mais genre, en silence. Le passage sur les ennemis de la liberté sexuelle et des extrémistes religieux me ferait beaucoup rire si je n’étais présentement en train de me retenir de retourner mon bureau. On retrouve ici l’idée que Dworkin développe sur l’image de la baise telle qu’elle est voulue par le patriarcat.
[Dworkin] Norman Mailer a noté, durant les années soixante, que le problème de la révolution sexuelle était d’être tombée entre les mauvaises mains. Il avait raison. Elle était entre les mains des hommes.
[Dworkin] L’idée à la mode était que la baise était une bonne chose, tellement bonne que plus il y en avait, mieux c’était. L’idée à la mode était que les gens devaient baiser qui ils voulaient : traduite à l’intention des filles, cela signifiait qu’elles devaient vouloir être baisées – aussi continuellement qu’il était humainement possible. Pour les femmes, hélas, continuellement s’avère humainement possible s’il y a suffisamment de nouveaux partenaires. Les hommes pensent la fréquence en fonction de leurs propres rythmes d’érection et d’éjaculation. Les femmes se firent baiser bien plus que les hommes ne baisèrent.
[…]L’idéologie de la libération sexuelle, dans sa version populaire ou de gauche intello traditionnelle, n’a formulé aucune critique, analyse ou rejet du sexe forcé, ni revendiqué la fin de la subordination sexuelle et sociale des femmes aux hommes : ces deux réalités lui demeuraient étrangères. Elle postulait plutôt que la liberté pour les femmes consistait à être baisée plus souvent et par plus d’hommes, une sorte de mobilité latérale au sein de la même sphère inférieure. Personne n’était tenu responsable du sexe imposé, des viols, des raclées infligées aux femmes, sauf quand on en blâmait les femmes elles-mêmes – habituellement pour leur manque de soumission. En général, les femmes voulaient se soumettre – elles voulaient la terre promise de la liberté sexuelle –, mais elles avaient tout de même des limites, des préférences, des goûts, des désirs d’intimité avec certains hommes et pas d’autres, des humeurs pas nécessairement liées à leurs règles ou aux quartiers de la Lune, il y avait des journées où elles préféraient travailler ou lire ; et elles étaient punies pour tous ces épisodes de répression puritaine, ces accès petit-bourgeois, ces minuscules exercices de volonté encore plus minuscule qui n’étaient pas conformes aux volontés de leurs frères-amants : souvent la force était exercée contre elles, ou elles étaient menacées ou humiliées ou jetées à la porte. Les valeurs du flower power, de paix, de liberté, de rectitude politique ou de justice n’ont jamais semblé contredites par l’usage de la contrainte, sous une forme ou une autre, pour imposer la soumission sexuelle.
Liberté sexuelle, c’est à dire liberté de SE faire baiser. Si la personne dit non, elle est prude ou intégriste. L’exercice du consentement est ici complètement oblitéré. On aime le sexe ou ou est puritaine. Ce qui est notable c’est qu’on retrouve, 35 ans après, une espèce de glissement entre les valeurs de droite et de gauche autres que celles qu’admises en 1983. La liberté sexuelle défendue dans le contexte d’objectification n’est désormais plus l’apanage des gauchistes, au sens où les gauchistes de 83 sont devenus les Macronistes d’aujourd’hui. C’en serait presque drôle (non).
En face, les hommes sont sommés de battre leur coulpe et de dénicher, au fin fond de leur conscience rétrospective, un « comportement déplacé » qu’ils auraient pu avoir voici dix, vingt ou trente ans, et dont ils devraient se repentir. La confession publique, l’incursion de procureurs autoproclamés dans la sphère privée, voilà qui installe comme un climat de société totalitaire.
Au contraire. J’ai vu plusieurs agresseurs se faire recadrer lorsqu’ils se sont accusés. Ce qui a explicitement été demandé, c’est de nous laisser parler sans remettre notre parole en doute. Pas d’obliger de pauvres mâles effarés de se dénoncer pour éviter la vindicte populaire de féministes hystériques, couteau entre les dents. Certains se sont sentis obligés de le faire, certains l’ont fait avec pudeur et respect sans confisquer la parole aux victimes. Pour une fois, je vais dire « not all men ». Non, on a pas demandé leur intervention, ça va.
La vague purificatoire ne semble connaître aucune limite. Là, on censure un nu d’Egon Schiele sur une affiche ; ici, on appelle au retrait d’un tableau de Balthus d’un musée au motif qu’il serait une apologie de la pédophilie ; dans la confusion de l’homme et de l’œuvre, on demande l’interdiction de la rétrospective Roman Polanski à la Cinémathèque et on obtient le report de celle consacrée à Jean-Claude Brisseau. Une universitaire juge le film Blow-Up, de Michelangelo Antonioni, « misogyne » et « inacceptable ». A la lumière de ce révisionnisme, John Ford (La Prisonnière du désert) et même Nicolas Poussin (L’Enlèvement des Sabines) n’en mènent pas large.
OH MON DIEU Jésus Marie José Pérec, leave Polanski alone ! *facepalm*
Confusion homme/oeuvre. C’est tellement le cas pour ces pauvres hommes victimes que Bertrand Cantat faisait récemment la couv des Inrock.
Déjà, des éditeurs demandent à certaines d’entre nous de rendre nos personnages masculins moins « sexistes », de parler de sexualité et d’amour avec moins de démesure ou encore de faire en sorte que les « traumatismes subis par les personnages féminins » soient rendus plus évidents ! Au bord du ridicule, un projet de loi en Suède veut imposer un consentement explicitement notifié à tout candidat à un rapport sexuel ! Encore un effort et deux adultes qui auront envie de coucher ensemble devront au préalable cocher via une « appli » de leur téléphone un document dans lequel les pratiques qu’ils acceptent et celles qu’ils refusent seront dûment listées.
Par la Sainte Crèpe, on voudrait…oh je n’ose le dire…on voudrait faire en sorte que les œuvres culturelles diffusent un peu moins de clichés sexistes qui contribuent à perpétuer la culture du viol ? Le cinéma serait, par exemple…politique ? Afficher sans cesse les mêmes clichés sensibiliserait donc le public à des rôles sociaux formatés au bon plaisir des producteurs de contenu qui sont en majorité des hommes blancs ? </sarcasm>
Je vous recommande ici cet article de Mirion Malle (et tous les autres, et le livre qui va avec, allez) qui explique cette impunité des hommes celèbres, et celui sur les personnages féminins dans la pop culture. Moi en tout cas je le relis maintenant histoire de faire une pause dans ce panier de bullshit, faites-en de même, il y va de notre santé mentale.
Edit : j’ajoute ici une partie de ma réponse à une personne qui parle de « révisionnisme culturel »
Le problème de fond n’est pas l’atteinte à la liberté de création. Le problème de fond c’est que des femmes défendent une vision patriarcale de la création. Elles font perdurer les clichés. « On » leur demande d’altérer leurs personnages ? Qui ? Quand ? Comment ? On oserait demander à Catherine Millet de cesser de dire qu’elle regrette de ne pas avoir été violée « pour voir ce que ça fait » ? Franchement, qu’elles continuent à écrire leurs trucs, j’en ai rien à faire. Mais à un moment, forcément, ça se vendra moins. « On » leur demande ça parce qu’à un moment, la violence à l’encontre des femmes fera moins vendre. Qu’elles continuent à produire leurs créations sexistes si elles le souhaitent, personne ne les en empêche. La société évoluera sans elles, j’ai pas besoin d’une Deneuve pour continuer à me cultiver, merci.
Je pense que ce « cri du cœur » pour la liberté d’expression et de création est du même tonneau que les mecs du KKK qui chouinent parce qu’on leur dit qu’ils sont un gros tas de fiente de pigeon nourri au KFC. Ils disposent de leur liberté de dire de la merde, nous disposons à notre tour de notre liberté de leur dire qu’ils disent de la merde.
Indispensable liberté d’offenser
Le philosophe Ruwen Ogien défendait une liberté d’offenser indispensable à la création artistique. De même, nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle. Nous sommes aujourd’hui suffisamment averties pour admettre que la pulsion sexuelle est par nature offensive et sauvage, mais nous sommes aussi suffisamment clairvoyantes pour ne pas confondre drague maladroite et agression sexuelle.
C’est moi où on nage dans l’essentialisme le plus basique ? Alors quoi ? « C’est comme ça life is life les hommes sont des agresseurs en puissance faut t’y faire ma fille ». Agresseur puni par la loi lorsqu’il viole en privé, agresseur oscarisé lorsqu’il utilise des moyens de coercition et d’humiliation pour diriger ses actrices.
« La pulsion sexuelle est par nature offensive et sauvage » Ah là je reconnais Peggy. Cette même Peggy qui affirmait récemment que le viol était une stratégie évolutionniste. Tout. Va. Bien.
Les hommes sont des animaux en rut permanent incapables de se contrôler. Mais attention, des fois ils essayent de te baiser sans ton consentement mais gentiment. What the fuck ? Ok, je fais une autre pause sinon je vais réellement retourner mon bureau. On respire.
Bon.
Il y a une toute petite différence en effet entre la « drague maladroite » et l’agression sexuelle. Cela n’a strictement aucun rapport dans le cadre du débat sur le « me too » mais bon.
Un soir, un type bégayant et rouge pivoine me tend un petit mot avant de s’enfuir. Sur ce mot « je vous ai trouvé très belle, voici mon numéro ». Il ne m’a pas agressée, n’a pas envahi ma sphère privée de personne-crevée-qui-rentre-du-boulot et n’a pas fait le gros relou. On va catégoriser ça dans « drague maladroite ». Un autre jour comme des centaines d’autres, un type vient s’asseoir à côté de moi, m’oblige à retirer mes écouteurs et fermer mon livre, pour me faire le plan du « vous habitez chez vos parents ». Techniquement, ce n’est pas une agression car il n’y a pas eu contact physique. Mais cet événement m’a suivie toute la journée.
C’est marrant mais le mec pivoine, en 35 ans de vie, j’en ai connu un seul. Des mecs intrusifs voire violents tellement que je ne sais même plus les compter.
Me dire que je confond tout et que je prend chaque mec pour un agresseur me fait aussi penser à cette métaphore du bol de M&M’s. Ça n’a toujours rien à voir avec le propos, mais je me permets aussi une digression.
Surtout, nous sommes conscientes que la personne humaine n’est pas monolithe : une femme peut, dans la même journée, diriger une équipe professionnelle et jouir d’être l’objet sexuel d’un homme, sans être une « salope » ni une vile complice du patriarcat. Elle peut veiller à ce que son salaire soit égal à celui d’un homme, mais ne pas se sentir traumatisée à jamais par un frotteur dans le métro, même si cela est considéré comme un délit. Elle peut même l’envisager comme l’expression d’une grande misère sexuelle, voire comme un non-événement.
Je ne vois pas le rapport entre les deux situations données. De nombreuses féministes ont des fantasmes de soumission qui leur appartiennent, c’est assez grave d’ignorer à ce point la notion de CONSENTEMENT en bold italique blink bon sang.
On en revient à ce que je disais plus haut sur le statut de « non-victime ».
En tant que femmes, nous ne nous reconnaissons pas dans ce féminisme qui, au-delà de la dénonciation des abus de pouvoir, prend le visage d’une haine des hommes et de la sexualité. Nous pensons que la liberté de dire non à une proposition sexuelle ne va pas sans la liberté d’importuner. Et nous considérons qu’il faut savoir répondre à cette liberté d’importuner autrement qu’en s’enfermant dans le rôle de la proie.
On en arrive donc au credo masculiniste sur « la haine des hommes ». Ce n’est pas franchement une surprise après tout ce pavé de merde. Encore une fois on confond tout. Pire, on reste dans cette posture du mâle en rut, son sexe turgescent dressé à la face du monde, toujours en demande, initiateur de la relation sexuelle.
Et on nie la réalité de la culture du viol en considérant cet enfermement dans le rôle de la proie. Bravo.
Pour celles d’entre nous qui ont choisi d’avoir des enfants, nous estimons qu’il est plus judicieux d’élever nos filles de sorte qu’elles soient suffisamment informées et conscientes pour pouvoir vivre pleinement leur vie sans se laisser intimider ni culpabiliser.
Culture du viol encore. Apprendre aux filles à se défendre, pas aux garçons à ne pas devenir des violeurs. Le sens de ce qui est dit ici, ce qui est gravissime, c’est qu’on reporte la faute du viol sur la victime. Elle ne s’est pas suffisamment défendue. Elle était habillée. Lui n’est qu’un animal, il répond à l’appel de la nature.
Quelle horreur.
Les accidents qui peuvent toucher le corps d’une femme n’atteignent pas nécessairement sa dignité et ne doivent pas, si durs soient-ils parfois, nécessairement faire d’elle une victime perpétuelle. Car nous ne sommes pas réductibles à notre corps. Notre liberté intérieure est inviolable. Et cette liberté que nous chérissons ne va pas sans risques ni sans responsabilités.
Un viol, une agression, un accident ? Un accident, nous dit le Larousse c’est ça :
accident. Événement fortuit qui a des effets plus ou moins dommageables pour les personnes ou pour les choses : Accident de la route. Événement inattendu, non conforme à ce qu’on pouvait raisonnablement prévoir, mais qui ne le modifie pas fondamentalement : Un échec qui n’est qu’un accident dans une brillante carrière.
Un accident est un événement fortuit. Excusez-moi, mais pour moi une agression sexuelle c’est pas « oups j’ai glissé hihihi ». Une agression, un viol, c’est une relation de domination dans son sens le plus brutal. Violer une personne c’est lui ôter son consentement, sa volonté, son être même. Violer, c’est nier à la personne une existence propre pour son propre plaisir sadique. C’est pas « juste » une intrusion dans le physique, c’est également un désir d’anihilation.
Cela ne signifie pas forcément qu’une victime est monolitique, pour reprendre vos mots, mesdames. Une victime peut garder une trace indélébile de cette agression et ne jamais réussir à surmonter ce traumatisme, tout comme elle peut y répondre différemment. Ce petit paragraphe de la perfidie nous dit à nous, victimes « ta gueule et continue à vivre avec, n’en fais pas tout un plat ».
Conclusion
La culture du viol, c’est ça. Ce texte dans son ensemble valide les comportements des agresseurs. On nous dit ici qu’être victime, c’est la vie. Les mâles sont comme ça, on ne peut pas les changer, jamais (même en faisant évoluer la culture, puisqu’on vous dit que ça sert à rien !). Le viol, l’agression, est un risque, tout comme celui de se péter une jambe en descendant les escaliers. Ça va t’arriver, alors prépare-toi et ferme ton clapet.
La subtilité, ici, c’est que ce sont des femmes qui nous posent ce discours de victimes consentantes. C’est gravissime. Et en même temps, on est en plein dans les femmes de droite.
La misogynie intériorisée à de beaux jours devant elle.
Un très bel article pour parler d’une lettre aberrante.
Tout est très bien dit, ce qui est le plus rageant, c’est qu’elles se permettent de parler au nom de toutes les femmes.
A la limite, qu’elles disent « Nous, nous acceptons d’être importunées » serait plus juste et beaucoup moins égoïste et égocentrique, et si c’est ce qui les fait fantasmer tant mieux pour elles.
Mais dire à toutes les femmes de se taire, c’est inadmissible !
Enfin oui, ce sont bien là des idées de la droite puritaine et conservatrice, tout le monde doit penser comme elles même si tout le monde n’est pas d’accord.
Ne nous taisons pas, nous ne voulons pas nous soumettre et nous ne voulons pas d’un monde comme ça. Nous voulons être respectées et nous avons raison.