Hier, après la parution de mon précédent article, Gildas P. faisait remarquer que « Mouais, on parle pas trop du père là dedans, la description de la maternité est super triste, moi ma femme elle a eu deux enfants et ça s’est pas passé comme ça, j’étais là, MOI ».
Bon, déjà, merci et bravo Gildas pour avoir été présent. C’est cool.
C’est cool mais tu vois, j’ai créé il y a bientôt 3 ans un groupe de parent-e-s féministes, nous sommes pas loin de 1000 maintenant. A la louche, 97% de personnes qui ont porté elles mêmes un enfant, qui ont un souhait d’enfant, qui se questionnent sur les parcours PMA. Et moins de 10 mecs cis qui interviennent dans les discussions.
[aparté] Je binarise mon texte par défaut car je n’ai pas une grande connaissance ou expérience des cas de figures à deux papas/deux mamans/deux NB/etc. Sachez que je pense à vous mais qu’il est difficile de trouver une formulation à la fois complète et exhaustive.Comme on est méga chanceuses, ils se montrent respectueux, à l’écoute, comprennent et, je l’espère, sont touchés par nos difficultés. Je les en remercie, d’ailleurs, on a toujours un peu d’appréhension vis à vis des mecs se disant féministes, les nôtres sont à priori de vrais alliés.
Maintenant, Gildas, je vais t’expliquer un truc.
Le privé est politique.
Si je n’évoque pas mon mari, époux par ailleurs formidable sinon je l’aurai pas épousé (Fais une capture d’écran, imprime là en A3 et encadre-là, chaton, c’est cadeau), c’est qu’il n’était absolument pas prêt à vivre une grossesse et un nourrisson. Il était physiquement présent mais, par exemple, quand Alix s’est mis à vomir ses biberons, il était bien emmerdé, et il m’a laissée gérer. Quand la nuit le petit se réveillait, j’y allais. Je demandais pas, j’y allais. J’ai gérer seule mon stress, il se sentait incompétent parce que…TADAM
On a été éduqué-e-s comme ça.
Mon article est à destination de toutes ces jeunes mamans complètement larguées qui, au début, pensent ne pouvoir compter que sur elles-mêmes. Pour moi, cette communauté de parent-e-s a été cruciale, aidante, ces personnes m’ont écoutée et aimée, et c’était QUE des femmes (on avait encore moins de mecs au moment où j’ai accouché, c’est un tout petit peu moins vrai aujourd’hui). Celles qui venaient prendre de mes nouvelles, qui on cerné immédiatement que j’allais mal malgré le masque de maman épanouie, c’étaient que des femmes qui avaient traversé la même chose.
Mon article n’est pas à destination des papas qui « sont là ». Pour une fois, je ne parle pas de vous, je sais que ça fait bizarre mais, hey, dites vous que 90% des médias et de la pop culture ne parlent pas de moi, et j’y survis.
Le privé est politique, je disais, et je fais de cet article un exemple pour introduire un peu cette notion.
Durant la préparation à l’accouchement, sur les 7 séances, il y en avait une sur « la place du papa ». Pour les suivantes, aucun papa ne s’est montré. J’aurais pu lui demander de venir mais franchement, c’est pas lui qui va apprendre à pousser et à reconnaître les signes d’une perte des eaux.
Du coup quand on a eu un enfant, il était absolument largué de chez largué. Si ce n’est pas ton cas, Gildas, chapeau. Très bien, je suis contente pour ta femme, sincèrement. Mais le mien, et celui d’à peu près toutes les personnes accouchant (qui ont un mec à proximité, ce qui n’est pas toujours le cas) a été dans le vent.
Lui, il a été éduqué pour vivre hors du foyer, tabasser du mammouth et ramener à manger. Personne n’a jugé bon dès son plus jeune âge de lui apprendre à jouer à la poupée, à faire des biscuits, puis à coudre, à repasser, à faire à manger. Personne ne l’a préparé toute sa vie à l’accomplissement ultime de toute fâme qui se respecte : donner la vie </sarcasm>
Alors moi, là, j’écris aux personnes qui ont accouché, qui ont un tout petit vagissant sur leurs genoux, qui se sentent seules. On est nombreuses, on est tellement nombreuses que l’inverse est comme une anomalie. Quand l’une d’entre nous dit « mon mec était là » wow, meuf, la chance, qu’on lui répond.
C’est anormal, on est bien d’accord. C’est là que ça devient politique.
Je pourrais faire un article spécial sur la place du père, et ça m’obligerait encore à prendre la responsabilité de vous éduquer. Je ne le fais pas parce que dans l’immédiat, c’est Pauline, la maman pour qui j’ai écrit le texte, qui m’intéresse. Éduquez-vous vous-mêmes. Vous êtes adultes, vous êtes grands, cette place prenez-là, n’attendez pas qu’on vous borde le truc aux petits oignons EN PLUS de survivre à nos enfants. On a pas le temps, on a plus la place, on arrive à peine à être nous et il faudrait en plus assumer la charge mentale de votre éducation ? Nope.
Et maintenant, on fait quoi du coup, Gildas ?
Bah on se bat, avec ses moyens. J’écris des articles pour ces personnes-là parce que la maladie m’empêche d’aller en manif péter des trucs et tout cramer, je milite avec mes moyens. J’apporte soutien et réconfort comme je le peux à qui je peux. Je râle, je gueule, je parle à mon entourage de ces problématiques là, je les tanne, souvent. J’ai, soyons honnêtes, des moyens d’action plutôt limités. Mais j’y vais. J’essaie d’être dans le concret, de soutenir celles et ceux qui me sont proches, de sensibiliser s’il le faut à des problématiques politiques.
C’est pour ceux là que j’écris, Gildas. C’est pas pour toi.