Vous reprendrez bien un peu de train ?

(MAJ le 22/11/2014)

J’aime mes amis Parisiens. Même si il faut les appâter avec de l’alcool et des gâteaux pour (péniblement) les inciter à franchir le périphérique, je les trouve marrants.  Ah, les joies de la centralisation…et cette idée mystérieuse qu’en dehors des murs de la capitale l’univers connu se constitue de vaches, de champs et de gens à sabots, cette fascination pour des territoires lointains où ils daigneront peut-être passer deux semaines de vacances nous honorer de leur présence. C’est beau.

Donc oui, je suis née en province (dans le département le moins peuplé de France d’ailleurs), et puis la vie a fait que j’ai migré d’abord dans le Grand Est Polaire puis vers le centre, sans doute attirée par le joli dôme de pollution, ou un je ne sais quoi qui m’a attiré en ces lieux maudits. Cela dit j’habite en banlieue donc ça compte pas vraiment, mais je vous zutte.

Le premier truc qui a frappé la paysanne que je suis, c’est le flou artistique qui existe entre train, RER et métro (non, pas le bus, le bus il a des roues en vraies roues, c’est tout de suite plus explicite !).

Certes, je sais faire la différence quand même

– Le TER va loin, les quais sont numérotés, et les quais découverts quand on est sorti de la gare. Avantage : la lumière du jour, prendre le train – Inconvénient : les sièges en bois style troisième classe, le fait de s’éloigner de la capitale (valable pour nos amis Parisiens uniquement).

Le RER va un peu moins loin, les wagons sont pas si différents de certains TER, il roule sous terre, il pue un peu plus, les lignes vont de A à E, et les rames portent des noms parfois amusants (OPLAT, TROLL, NEMO, QBIK). Avantage : le RER va dedans Paris – Inconvénient : le RER va dedans Paris.

Le Métro est vert ! Il est plus petit, y’a un lapin qui nous prévient de pas laisser traîner ses doigts près des portes, il pue encore plus (sauf à ma connaissance sur la ligne 14 ou la 1. Ça doit être les lignes de démo pour les touristes.), il s’arrête parfois en pleine voie et il est bondé à toute heure du jour ou de la nuit.

Les zones

Que du bonheur. Et oui, l’Ile de France c’est grand, sans doute dans le but de perdre ces imbéciles de provinciaux, tout un système a été pensé (sans doute par les mêmes ingénieurs qui ont pensé le périph’) afin de “faciliter” notre accès au vaisseau mère. Les zones vont de 1 à 5, suivant notre degré d’éloignement de la tour Eiffel. Attention, c’est piégé, Vincennes par exemple étant à la fois en zone 1 ET 2. La Défense est en zone 3. Vous êtes à Charles de Gaulle-Étoile, zone 1, et 5 mn plus tard, BIM, vous êtes en zone 3. Normal. Et vachement rentable j’imagine pour la RATP qui draine chaque jour des milliers de travailleurs dans ces si beaux immeubles vitrés chers à mon cœur.

Les prix sont en effet soumis à un système relativement incompréhensible pour celui qui ne connaît pas les Arcanes Mystérieuses de la Transmogrification Stellaire. Ainsi, pour un trajet qui vous prend 15 mn en voiture, vous paierez le voyage Maison – Paris – Destination. Logique : dehors, y’a rien, les gens ne méritent pas d’y vivre, ce sont des paysans, donc pourquoi aller de banlieue à banlieue ? Quelle idée !

Comme tout est centralisé sur Paris, la seule alternative au bus de banlieue est…

La correspondance maudite.

Ces tunnels sans fin au cœur des sous-terrains de la ville. Des fois, je me dis que les plans du métro et des correspondances ont été pensés par des ingénieurs sous acide…non, sérieusement…

Je crois qu’une des pires est sans contexte Montparnasse…

Pour prendre une correspondance à la gare Montparnasse, faut de l’entraînement, de la patience, du self-control, avoir passé trois ans à s’entraîner dans l’Himalaya, rester des jours sous des cascades d’eau glacées, et avoir une réserve de 5kg de Valium. Au moins.

Si on survit à Montparnasse, on peut affronter le reste monde, l’infini et au-delà. Non, sérieusement.

On citera aussi Châtelet, en travaux depuis 1998, ou Auber/Haussmann Saint Lazare qui me tire encore des larmes de rage (Oh un tunnel. Oh un autre tunnel. Oh un embranchement non fléché, on tire à pile ou face ? Mais que foutent ces portillons au milieu de nulle part ?), malgré le marquage au sol sensé “faciliter” les voyageurs perdus. La gare de la Défense est elle aussi incroyable, tout comme la Garde de Lyon. Toutes ces stations sont situées dans/en dessous de centres commerciaux. Pour trouver le Mac Do le plus proche, vous n’aurez aucun souci. Pour trouver votre précieux RER, en revanche, armez-vous d’une boussole (non, pas de réseau, nice try !).

Vous avez à peu près compris les différents moyens de transport, les zones et vous vous sentez prêts à faire le grand saut dans l’inconnu ? C’est sans compter sur…

Les incidents

Si la RATP/SNCF n’est pas en grève, vous aurez forcément droit un jour ou l’autre à l’incident maudit. Je vous conseille d’ailleurs cet excellent blog d’un conducteur de RER A qui vous fera je l’espère comprendre un peu mieux ce système obscur et impénétrable. Issue d’une longue lignée de cheminots et soutenant de tout cœur les grévistes (car les conditions de travail sont vraiment, vraiment pas évidentes), je vais en rester aux incidents divers et variés.

Le colis suspect : depuis Vigipirate, le moindre sac à main laissé sans surveillance plus de 13 secondes sera soit volé (cas normal), soit déminé (cas “suspect”). En gros, la police arrive sur les lieux, sécurise le périmètre et attend l’équipe de déminage. Pour savoir comment un déminage fonctionne, c’est par ici. Oui, c’est long, oui, c’est chiant.

Les incidents d’exploitation : j’ai pu le vivre en mars 2013 d’une manière assez spectaculaire. Suite à des pluies verglaçantes, un caténaire a gelé. Plus de courant, plus de RER, l’incident a duré 4h.

Les incidents de signalisation sont également monnaie courante. En cause, la vétusté des équipements ou des dégradations volontaires. Genre voler des câbles. Bonne idée, tiens, bloquons l’aiguillage de cette portion du réseau. Nice.

Les incidents d’exploitation ne sont pas tous liés aux intempéries ou aux pannes, mais aussi des usagers. On en a marre d’attendre ? Et si on descendant sur les voies, tiens ?

Parce que pour assurer la sécurité des voyageurs, les choses sont de préférence pas faites à l’arrache…moultes procédures de sécurité existent et sont appliquées tous les jours. Un petit retard d’un train retarde le suivant, qui retarde l’autre, qui…et voilà, il est 20h30, vous êtes encore dans le RER.

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Scène surréaliste à Gare du Nord.
Trois voies pour aller chez moi. Aucun train affiché, on tente la chance, on jette un D100, on y va à pile-pile ou face…Après 1h d’attente, un train est annoncé, voie 34 ! Youhou !
Et là, deux jeunes ont simplement…traversé les voies, aussitôt suivi par les 3/4 des gens. Impressionnant…et assez effrayant en même temps. L’espace d’un instant, je me suis imaginée un train arrivant sur la voie, réduisant en pâtée pour chat tous ces gens, choses, trucs et leurs accessoires. Brr…

Les incidents de personnes : le moins drôle de tous évidemment. Il s’agit parfois réellement d’un suicide (et là tout le monde se dit “et merde, pourquoi un matin en heure pointe sous un train ?” sauf qu’on ne peut pas juger des choix d’une personne suicidaire.), mais aussi de comportements dangereux, cf. plus haut. Ça, c’est l’incident grave de voyageur. En 2011, 23 personnes ont trouvé la mort sur le réseau, 7738 ont été blessées. Non, sortir du train en panne en plein tunnel ne le fera non seulement pas repartir plus vite, mais bloquera encore plus le trafic.

On a aussi le “voyageur malade”. Pourquoi ne pas le sortir du train et juste repartir, merde ? Parce qu’on ne déplace pas une personne qui a fait un malaise, première leçon de sauveteur amateur. Il peut s’agir d’un AVC, d’un malaise cardiaque ou d’une hypoglycémie. Et dans le doute, on ne déplace pas, on met la personne en PLS (Position Latérale de Sécurité) et on attend les secours. Si la personne peut se relever, effectivement, on lui conseillera d’attendre les secours sur le quai. Mais si elle est inconsciente, on touche pas. C’est tout. C’est chiant mais c’est comme ça.

Je me souviens d’un jour où suite à un gros retard dû à une panne de signalisation, les quais étaient particulièrement bondés. 45 mn d’attente plus tard, les gens se massent comme des gros bourrins dans les wagons. J’ai pour ma part pété un câble et suis sortie du wagon. J’ai bien fait, car 10 mn après, une personne a fait un malaise. Re-retard. Journée gagnée, merci les bourrins.

Ah, et s’il vous plaît. Vous êtes en retard, moi aussi, le conducteur du train aussi. En rajouter, insulter, hurler n’y changera rien et ne fera pas avancer plus vite la manœuvre. Sachez également que le comportement des gens est à l’origine de beaucoup d’incidents (signal d’alarme tiré, agression, abandon de sac de courses en pleine station), donc non, les gens de la RATP ne sont pas à l’origine des retards, pas plus que de la faim dans le monde.

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Petit guide de survie en transport

Toi aussi, prends les transports en commun en toute sérénité !

Vous l’aurez compris, ce qui m’agace un million de fois plus que les incidents techniques, ce sont vraiment les gens. Les transports en commun sont un lieu anxiogène en puissance. Être ochlophobe, même à un niveau relativement facile à gérer rend mes trajets pénibles et nécessite une certaines préparation matérielle et psychologique.

Voici donc un petit guide de survie.

Matériel nécessaire :

  • Un bon livre.
  • Un portable chargé, des écouteurs et du bourrin à un volume indécent.
  • Une bouteille d’eau, un éventail. Pour vous hydrater ou pouvoir prendre vos anxiolytiques au besoin. L’éventail vous permettra de respirer et rendra verts de jalousie les autres passagers.
  • Du sucre ou un petit paquet de gâteaux, des chewing-gum.
  • Respirer, fermer les yeux, se calmer.
  • Oublier les gens tout en faisant gaffe à son sac et aux mains baladeuses. Garder son portable et son portefeuille sous les autres effets perso, pas dans une poche extérieure.
  • Avoir un gros sac et la canne pliante pour repousser les boulets (un léger coup de coude dans le ventre du malotru qui prend votre cul pour un essuie-main fonctionne également).
  • Maintenant, vous savez pourquoi mon sac est aussi gros…

En cas d’incident ou de retard important :

  • Laisser passer une rame ou deux pour ne pas se retrouver étouffé par nos congénères qui trouvent bien malin de chercher à entrer à tout prix dans un wagon déjà bondé.
  • Optionnel : déplugguer ses écouteurs pour ne pas rater les annonces et pouvoir profiter des râleries environnantes (“Rhàlàlà la RATP, tous des bons à rien, de mon temps c’était pas comme ça, ah non”).
  • Garder un œil sur l’affichage des horaires.
  • Si le retard est très important et uniquement sur une ligne, considérer un plan B (correspondance, bus…)
  • Si le retard est très important, qu’il n’y a pas de plan B et que vous avez déjà envie de mourir, sortir de la station et respirer à l’air libre.
  • Garder ceci en tête : vous êtes déjà en retard. C’est un fait. Prévenez au boulot, ou prenez votre mal en patience en allant boire un café. Vouloir entrer à tout prix dans cette satanée rame ne fera que vous angoisser encore plus.

En cas d’incivilité ou d’agression :

  • Tactique du sac décrite plus haut.
  • Prendre les autres passagers à témoin : “Oui, monsieur, VOUS avez bien vu, et VOUS restez là sans réagir ?”
  • Répondre ne sert pas à grand chose, mais ça peut défouler.
  • La fuite reste une option.
  • Consultez cette page du projet Crocodiles qui est pleine de bons conseils.

Voilà, mes petits lapins roses, et surtout, ne vous coincez la les doigts dans les portes, ça fait très mal !

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Commentaires

  • Ho merci, je me sens moins seule provinciale à Paris où aller de l autre côté du périf’ est tellement loin et sortir de « Paris » est toute une expédition, limite dans un pays étranger et non civilisé, peuplé de paysans, pecnos, ploucs, bouseux, … Alors qu’il y a tellement d’avantage et de bien-être à vivre hors Paris et sa région. Bon courage pour la suite et à une autre fois à la Cantada pour un KARA-K.O.

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