[Sciences] Pas. trop. vite

Depuis quelque temps, on voit émerger la tendance de la « slow attitude »; Slow food, par exemple, qui nous invite à choisir-commander-manger en 5mn douche comprise. Prendre son temps, profiter de chaque moment, au calme. Je dois reconnaître que je suis très enthousiaste à cette idée, et furieuse pratiquante depuis longtemps sans le savoir. Enfin on va dire que je suis une convaincue modérée de la modération et que je suis une adepte zen de la slow attitude, même si parfois le stress ou la connerie humaine parviennent à me faire sortir de mes gonds. Je conviens d’ailleurs que ce qui peut être perçu comme de la nonchalance peut être assez perturbant de prime abord. Bref.

La mode est au slow, à l’anté-consommation, à la contemplation, et c’est pas un mal. Chaque jour par exemple je m’offre un moment de zen absolu avant de m’endormir, en me relaxant totalement et en laissant mes idées vagabonder à leur convenance dans mon cerveau fatigué. Si pas le temps, ou trop fatiguée, 5 mn de vidage de neurones quotidien me sont indispensables. Soit à la maison, assise, fermer les yeux en silence en ayant l’impression d’avoir tout le temps du monde, ou au travail, l’astuce étant de se poser aux toilettes dans le noir la tête dans les mains, en respirant calmement. La pratique de la respiration abdominale est aussi un excellent moyen de décompresser. Gratuitement en plus. (Si vous voulez en savoir plus sur la respiration abdominale…sinon Google est votre ami !)

A consulter pour en savoir plus sur la slow attitude : The world institute of Slowness

Le lent devient parfois aussi un art, et pour accompagner cet article je vous propose ceci (vous avez échappé de pas loin à une vidéo chiante de 5h sur le bruit de la mer, mais je me suis dit que vous ne méritiez pas qu’on vous inflige une telle punition) :

Au delà des considérations humanistes, la lenteur a également un tout autre intérêt, notamment en science. Là où beaucoup de chercheurs font la course à la publication, d’autres choisissent au contraire de débuter des expériences…qui ne se termineront que bien après leur mort. Observer des phénomènes naturels ne se réalise pas obligatoirement en quelques semaines, quelques années, la nature aime à prendre son temps. Un arbre devient adulte après de longues années de croissance, et la plupart continuent de grandir bien après notre disparition (l’arbre unique le plus ancien est d’ailleurs âgé de 9550 ans, et la population d’arbre « clonal » la plus ancienne date de près de 80 000 ans !).

Voici quelques exemples d’expériences au long cours fascinantes.

L’Horloge Beverly

Fabriquée en 1864 par Arthur Beverly, cette horloge a la particularité de n’avoir été remontée qu’une seule fois, à sa mise en route. Elle fonctionne depuis, son énergie provenant des variations de la température ou de la pression. Même si elle s’est déjà arrêtée, et a été réparée, elle n’a été remontée qu’une seule fois et est toujours repartie !

Dans le même registre, notons l’expérience de l’Oxford Electric Bell, mise en route en 1840 dans le département de physique du laboratoire Clarendon. Elle fonctionne toujours, même si son carillonement est maintenant difficilement audible à cause du système de protection mis en place.

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Livermore’s Centenial Light

Certes, ce n’est pas une expérience à proprement parler. Cette simple ampoule a été installée en 1901 dans une caserne de pompiers, elle fonctionne encore aujourd’hui. L’ampoule centenaire a été déplacée plusieurs fois, et n’a été interrompue dans sa tâche que lors des coupures de courant. Elle a été déclarée par le Guiness Book la lampe la plus ancienne encore en fonctionnement ! Elle est filmée en permanence…et a survécu à plusieurs caméras.

Impressionnant mais…pas très écolo, non ?

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L’expérience Broadbalk

Cette expérience en agriculture a pour but de tester l’action de fertilisants naturels ou chimiques sur des terres. Elle a débuté en Angleterre en 1843.

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Les résultats sont régulièrement publiés (ici) mais je dois bien vous avouer qu’avec mes connaissances très limitées en agriculture et en engrais, je serai bien en peine de vous donner un résumé clair et concis ! Dans tous les cas, l’étude sur l’impact des engrais à long terme sur la composition des sols a apporté énormément à l’agriculture (au début) et à la compréhension de la dégradation des sols par l’agriculture intensive et chimique.

Germination Experiment

Cette expérience qui a débuté en 1879 et menée par le botaniste américain Wiliam James Beal, consiste à enterrer dans 20 bouteilles en verre hermétiquement fermées un mélange de sable et de semences (50 graines de 20 espèces différentes), puis à les déterrer régulièrement et de les planter, puis de voir ce qui pousse (ou pas !). Jusqu’en 1920, on déterra 1 bouteilles tous les 5 ans, puis les chercheurs sont passés de 1 par décennie, pour finir en 1980 au rythme effréné de 1 tous les 20 ans, repoussant l’exhumation de la dernière bouteille à l’an 2100. A l’heure actuelle, la seule plante qui continue toujours de germer est la « Molène blattaire » ou Verbascum blattaria.

E. coli Long-term Experimental Evolution

Cette expérience est assez récente (1988) mais tout aussi impressionnante. Richard Lenski en est le créateur. Le but du jeu ? Produire des générations de bactéries (ici E.coli) afin d’observer les évolutions et mutations de ces organismes ou « observer l’évolution alors qu’elle se produit ». En février 2010, le laboratoire fêtait ses 50 000 générations de bactéries.

12 échantillons ont été ainsi isolés, et se sont reproduits. La question était de savoir si l’évolution serait la même, ou si chaque branche donnerait des résultats différents et aléatoires.

Les 12 premières branches de l'expérience
Les 12 premières branches de l’expérience

Cette bactérie a été choisie car résistant à une congélation (qui permet l’archivage), et hyper-efficace en terme de reproduction.

For the first decade of his experiment, the bacteria in each flask mostly changed in similar ways. For example, they all were producing larger cells.

Then things got kind of boring for a while because the changes started coming more slowly. Lenski had other projects going on in his lab, and figured that maybe he’d learned all he could from this one.

« And so I was sort of thinking, ‘OK, maybe it’s time to stop the experiment,’  » he says, recalling that he asked a few colleagues what they thought of that idea. « And they basically said, ‘Nope, you can’t stop it, it’s gone on too long.’  »

So he stuck with it. And a few years later, in 2003, something happened. The liquid in one flask looked strange. « This flask was considerably more cloudy, » says Lenski. « I was suspicious that we had a contaminant. »

It turns out that the bacteria in that one flask had actually changed in a dramatic way. After 30,000 generations, they had suddenly gained the ability to consume citrate, a chemical that had always been in the flasks — but that was never intended to be a food, since laboratory E. colinormally can’t eat it.

(Source)

L’expérience a récemment été entamée avec des « organismes digitaux » générés virtuellement par ordinateur. Amazing !

Les fantômes de Yosemite

Joseph Grinnell était un zoologiste américain reconnu, très talentueux, et surtout visionnaire. Entre 1904 et 1930, Joseph Grinnell répertoria plus de 20 000 espèces de mamifères, reptiles, oiseaux et amphibiens.

Il consacra sa vie non seulement à la collecte d’informations et au référencement d’animaux, mais s’astreint également à étudier l’ensemble de leur environnement afin de comprendre ces espèces animales. De son propre aveu, son travail n’aurait de valeur qu’une fois des tableaux de comparaison établis afin de valider et confirmer ses observations, et, à terme, observer l’évolution de l’habitat naturel de ces créatures. Il souhaitait que plus tard, ses 700 points de référence fassent l’objet de nouvelles observations et référencements.

Ce travail est actuellement toujours en cours, et la nouvelle génération de zoologistes fait de nombreuses découvertes sur le terrain.

(Lire le récit ici, c’est en anglais mais ça vaut le coup)

Ochotona princeps : une des espèces observées et qui a été amenée à modifier ses habitudes de vie au fil des décennies...
Ochotona princeps : une des espèces observées et qui a été amenée à modifier ses habitudes de vie au fil des décennies…

L’expérience de la goutte de poix

(Site officiel ici)

[…] Lancée en 1927 à l’université du Queensland de Brisbane (Australie). Il y a 84 ans, donc, Thomas Parnell (1881-1948), professeur de physique dans cette université, imagina une expérience pour déterminer si certaines matières (comme la poix, que l’on croit solide à température ambiante puisqu’on la casse avec un marteau) sont solides ou liquides. Pour ce faire, il fit fondre une espèce de bitume et le fit couler dans un entonnoir en verre bouché à son extrémité. C’était en 1927. Pendant trois ans, il laissa reposer : quand on prépare une expérience censée durer un ou deux siècles, on n’est pas à cela près. En 1930, il déboucha l’entonnoir et attendit.

Comme l’expliqua plus tard John Mainstone, un des successeurs de Thomas Parnell, l’expérience exige beaucoup de patience : “C’est bien pire que de regarder l’herbe pousser, ou la peinture sécher.” Et, au bout de quelque temps, une goutte commença à se former, très lentement, au bas de l’entonnoir. Elle finit par tomber en décembre 1938. Les sept gouttes suivantes se détachèrent respectivement en 1947, 1954, 1962, 1970, 1979, 1988 et 2000 […]

(Source)

Je ne saurais dire ce qui réjouit tant cette personne…?

Cette expérience est la plus connue des expériences sur le long terme, et je peux comprendre que le principe d’un solide qui fait des gouttes est surprenant. Est-ce la nature de l’expérience ou la manière dont elle est menée, c’est à dire avec un dispositif extrêmement simple (un entonnoir) et un protocole qui consiste à…attendre et observer ?

N’empêche qu’à l’heure actuelle PERSONNE n’a jamais vu la goutte de poix tomber, pas même en webcam car celle-ci était en panne au moment où. On est sensés pouvoir accéder à la webcam mais il semblerait que cette dernière n’ayant pas été fabriquée en poix je..bon, pardon rhooo.

Vous pouvez néanmoins accéder à la page consacrée à cette expérience en suivant ce lien.

 


Bon, je m’arrête là pour aujourd’hui, je n’ai pas fait le tour car il reste encore pas mal d’expériences « longues » réalisée et toujours en cours, notamment sur des populations animales et humaines. Mais là mes chats m’appellent, si vous voulez bien m’excuser !

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