Comment survivre à ton fils

Bonjour Jeanne de 2015,

Tu viens d’avoir un bébé, toutes mes congratulations, GG, c’était chiant mais beau boulot.

Il y a plusieurs choses que personne ne t’avait dites, des choses qui vont tellement de soi que le reste du monde pense que c’est l’épiphanie de l’ocytocine du package de la nouvelle maman. T’accouches, BIM, l’instinct prend le pas.

Bon, déjà l’instinct tu sais ce que ça vaut, à part le « fuir ou combattre » des surrénales ou « pleurer en même temps que bébé » c’est le chaos absolu dans ta vie, là. Tu ne sais pas si tu dois t’extasier ou fuir en courant devant ce petit être de moins de 4kg qui repose (pour le moment) dans son berceau. Alors, faute d’avoir pu te donner ces conseils à temps, je les écris pour d’autres qui me liront peut-être.

 

1. Après l’accouchement, t’es seule

Je sais, ça fait bizarre après 9 mois d’encadrement strict, à contrôler tout ce que tu manges, tout ce que tu ne bois pas, ta température, ton poids, à être tellement à l’écoute de ton corps que le moindre tiraillement dans le bassin entraîne la mise en place d’un dispositif d’urgence « pour être sûre que tout va bien ».

Là, tu as accouché, et tu es seule dans ta chambre avec ton enfant. Les sages femmes ne viendront pas rapidement si tu les sonnes, ton mari, épuisé par l’accouchement, dort du sommeil du juste dans votre nid, et ton corps fait des trucs que tu ne comprends pas. Alors non, ton ventre ne va pas redevenir comme avant immédiatement, il va falloir attendre quelques semaines. Tu vas perdre énormément de sang, c’est normal, ça va s’arrêter, promis. Si tu allaites, l’allaitement te provoquera des contractions (douleurs de tranchée) très pénibles (c’est sans doute l’euphémisme le plus immense que j’aie jamais émis) et si tu as subi une épisiotomie : bon courage. D’ici 3 mois, tu perdras beaucoup de cheveux, tous ceux que tu n’as pas perdu durant ta grossesse et qui te donnaient la flamboyance radieuse de la nana enceinte épanouie. La fatigue que tu ne ressens pas pour le moment va purement t’abattre les trois premiers mois, et ce dès le retour à la maison. L’épuisement sera total et absolu. C’est normal.

Ton bébé n’est pas livré avec le mode d’emploi, c’est pas non plus la peine de chercher le ticket de caisse pour un retour au SAV, il n’y a pas de ticket de caisse, il n’y en a jamais eu (désolée). Tu as acheté 8 tonnes de livres et c’est bien, mais tu n’auras pas le temps de les lire. Franchement, tu aurais mieux fait de prévoir une manucure post-accouchement, ça t’aurait fait plus de bien que de contempler tristement ta bibliothèque. De toutes façons, tu souffres encore du SNU (Syndrome du Neurone Unique) pour un petit moment, ne te fais pas de mal inutilement.

Mais c’est pas si grave, tout ça, parce que tu as des amies formidables, mamans ou pas, qui vont te soutenir. Parce que ce dont tu as le plus besoin, c’est pas que ton enfant cesse de pleurer, c’est de te sentir entourée et écoutée.

2. Ton enfant ne cessera pas de pleurer

Nope.

Un nourrisson pleure en moyenne, si tu as de la chance, 2h par jour. Les hurlements sont son seul moyen de communiquer faim, sommeil, peur, amour et nécessité d’écouter du Korn un petit moment pour s’apaiser. Tu n’y peux rien, et ça passera.

Si il ne se calme pas dès que tu le prends dans tes bras, c’est normal. Tu peux tenter de le promener en écharpe si tu veux, tu peux essayer de le bercer, de lui chanter des chansons, de lui masser le ventre doucement, de lui faire écouter autre chose que du Black Metal si tu veux, dans 80% des cas il va juste continuer à hurler jusqu’à ce que tu envisages sérieusement un séjour prolongé au Pérou. Et là, juste à ce moment, il se calme.

Non, je plaisante, ça n’arrivera pas. Mais ça ne fait pas de toi une mauvaise mère pour autant. Tu as le droit d’en avoir marre, tu as le droit de faire ta demande de visa pour le Pérou, tu as le droit de vouloir tuer le reste du monde pour ne pas t’avoir prévenue de ce qui t’attendait.

 

3. N’écoute aucun conseil

…pas même les miens.

Je sais, je t’ai dit plus haut que l’instinct c’était une histoire qu’on te racontait pour te rassurer, je le pense toujours. Mais entre être paumée dans le zion et être paumée parce qu’on te dit mille choses contradictoires, franchement : fais comme tu le sens.

On va te dire de le nourrir toutes les x heures avec x quantité. C’est faux. Ne calcule pas. Ton enfant a faim, il mangera. Une seule règle : si il vide son biberon, prévois une dosette supplémentaire sur le suivant. Oui parce que tu ne pourras pas allaiter, j’avais oublié de te le dire. Tu vas essayer, mais une double mastectomie ça aide pas des masses à ce niveau-là.

Ton enfant grandit, grossit ? C’est bien. Le reste on s’en fout. Il va avoir des phases de poussée de croissance, tellement qu’à un moment tu vas te demander quand il ne grandit PAS.

C’est d’ailleurs valable que tu allaites ou pas. Tu seras culpabilisée dans l’un ou l’autre des cas. Si tu avais pu allaiter on t’aurait jugée si tu allaitais en public, on t’aurait jugée passé les 6 mois recommandés par l’OMS. Tu sais ce qui est le meilleur pour ton bébé en terme de lait, lui aussi, tout va bien.

 

4. Tu seras bientôt spécialiste en RGO et en coliques

Et c’est un skill que tu maîtriseras parfaitement dès qu’il n’en fera plus (après le début de la diversification alimentaire).

Du coup je te remets ces liens que tu as trouvés dans un moment de désespoir et qui t’ont super aidée :

Galère phénicienne

5. Un jour tu pourras dormir, mais pas tout de suite

La question que tu détesteras le plus au monde sera « Il fait ses nuits ? ». Spoiler : qu’il fasse ses nuits ou pas ne changera pas les tiennes. Les premières semaines tu te réveilleras en sursaut au moindre mouvement du bébé, tu vérifieras toutes les 15 mn qu’il est bordé, qu’il a assez chaud, pas trop chaud, qu’il a bien la tête surélevée. Le reste du temps, tu essaieras en vain de trouver une solution au chaos qu’est devenu ton appartement, tu laveras des bodies et des langes pleins de vomi, et des fois tu pourras te doucher. « Dormir en même temps que bébé » est une fable.

De temps en temps, tu tomberas d’épuisement et tu t’octroiera le luxe suprême de dormir 2h d’affilée. Ne culpabilise pas pour autant : cet enfant a un père, il ne craint rien si tu baisses ta garde un moment. Il ne te fera pas de procès si tu ne cours pas après la perfection en permanence, ou si il le fait c’est qu’en effet, t’as foiré un truc quelque part dans son éducation.

 

6. Rien n’est parfait. RIEN.

Au début il est mignon, parfait, sa peau souple et douce est…tachée ? C’est quoi ce caca d’ovni  (indice : cherche méconium sur Google) ? C’est quoi ces ongles tout bizarres ? Mais il est fripé ! Il est où mon bébé de catalogue ? Comment ça tout n’était que mensonge ?

Non, tu ne seras pas non plus une maman de catalogue. Tu pourras refaire des biscuits à peu près à sa majorité, avant tu seras trop occupée à survivre à ta progéniture, tu vas t’énerver bien souvent, tu vas pleurer et te flageller dès son premier rhume. Ton enfant va préférer les jouets bruyants VTech aux cubes Montessori en bois à 18€ qui n’auront qu’une fonction utile : détruire ton parquet. Tu es un modèle de patience mais un enfant arrivera à te faire atteindre ce que tes clients du support technique n’ont jamais réussi en 10 ans : un état de fureur pure, brute, aliénante que tu détourneras en hurlant dans un oreiller ou en écoutant du Soilwork très fort (l’effet de bord intéressant sera que ton enfant adorera Soilwork).

Tu baveras devant les mamans à brioche qui jonglent facilement avec leurs 11 enfants souriants, bien peignés et ravissants. T’en a qu’un, mais tu vas galérer (elles aussi en fait, mais ça passe moins bien sur Instagram les traînées de mascara). Et c’est pas grave, en fait. Rappelle-toi : l’objectif premier est de survivre sans recourir à la violence. Hurle dans ton oreiller tant que tu veux, jette des trucs si tu en as besoin, mais ne fais pas de mal ni à toi ni au bébé. C’est ce qui compte le plus les premiers mois. Pas de réussir à lui faire réciter son alphabet cyrillique à 14 mois, pas de réussir à le faire marcher à 8, ça, ça viendra quand ça viendra. Chacun son rythme.

Si jamais tu crains un retard de croissance, t’inquiète, le reste du monde est là à te scruter pour te prendre en défaut.

 

7. Le reste du monde peut bien aller se faire foutre

Dis toi que quoi que tu fasses, les gens arriveront à te dire des horreurs. Tu auras des injonctions complètement contradictoires, en permanence, tout le temps. Choisis plusieurs personnes en qui tu as confiance, écoute-les, et prend ce que tu veux.

Normalement tu devrais être habituée, tu es une femme. On t’a déjà fait le coup de « belle mais pas trop, intelligente mais pas arrogante » etc.

« Fuck les régimes ! » de Chloé Hollings

Donc voilà, tu prends ça, tu multiplie par mille et tu auras une idée de ce que tu vas subir. Du coup autant prendre de bonnes habitudes dès le départ, dire « oui oui » l’air concerné et ne rien écouter. Perso je préfère les solutions pacifiques comme le lance-flammes ou la hache, mais chacun son truc.

Ton enfant grandit bien ? Il fait ses 10 rhumes par an (je vous jure ce sont de vrais chiffres), il a des épisodes de fièvre inexpliquée ? C’est normal.

 

8. Ton enfant t’inquiétera toute ta vie.

TOUTE.

TA.

VIE.

 

9. C’est les dents

C’est toujours les dents. D’ailleurs pourquoi autant de dents ? Mystère. Je suis contre les dents à titre personnel. Ok ça permet de mâcher et ça retient la bave, mais ça fait chier toute la vie, les dents. Entre manger à vie de la bouillie et subir des poussées dentaires, plus ça va plus je me pose sérieusement la question.

EN MÊME TEMPS…

…tu peux aussi utiliser cet argument pour esquiver des trucs. « Ah non je ne peux pas j’ai pas dormi de la nuit…les dents », « Rholàlà non j’ai pas la gueule de bois, pas du tout, c’est les dents, tu sais ce que c’est », « Oui, oui, d’habitude il est charmant, je t’assure, là c’est ses dents, le pauvre ».

Attention toutefois à ne pas en abuser : non, la politique néo-libérale actuelle n’est pas due aux dents de notre cher président (insérer ici joke sur les « sans dents », je sais pas, je trouve pas là)

Unicorn Mythical Fantasy Animal Magic Horse

10. Troubleshooting guide

Tu as eu quelques trucs utiles au dessus pour le reflux, voici quelques trucs intéressants à savoir…

  • Les 3 premiers mois sont infernaux mais, promis, après ça va mieux. Ça n’ira que mieux avec l’autonomie. Promis promis.
  • Fais attention à toi, tu risques de déprimer. C’est normal et tes amies t’aiment fort. N’hésite pas à consulter si tu te sens dériver vers les eaux troubles de la dépression post-partum.
  • Tu as le droit d’aller mal, tu as le droit de vouloir aller mieux et de te faire plaisir. Personne ne t’en voudra de te faire du bien, juste toi.
  • Tu peux appeler SOS Médecins à toute heure du jour ou de la nuit si cela peut te rassurer. Et oui, même si c’est « rien ». C’est leur boulot, tes clients à toi ne se répandent pas en excuse avec leurs demandes farfelues.
  • Le rhume et la grippe chez l’enfant: reconnaître, soigner et prévenir
  • Premiers soins
  • Si tu ne laves pas entièrement ton bébé chaque jour ce n’est pas grave, tu as le droit d’être fatiguée et il ne passe pas non plus sa vie à se rouler dans la boue (pas encore).
  • Les chats ne sont pas dangereux pour les bébés même s’il faut évidemment rester attentive. Les chats n’étouffent pas les bébés, c’est un mythe.
  • Commence dès à présent à te renseigner sur les dessins animés et films pour tout petits, it can save your live.
  • Un enfant de moins de 25 ans a beaucoup de mal à gérer la frustration, âge auquel le cortex préfrontal achève sa croissance (sisi). Demander à un enfant de 2 ans de faire preuve de patience est un leurre.
  • Le but secret de ton enfant est de tester les limites de ta résistance mentale. Un conseil : pète tout de suite un plomb, au moins ce sera fait.
  • (je vous laisse la place pour ajouter vos trucs, j’éditerai l’article au fur et à mesure 🙂 )

 

Voilà.

T’es maman.

Et le moi d’octobre 2017 avec un fils de 2 ans en pleine santé te dit : tu fais les choses correctement, regarde, il est super ton fils !

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