C’est quoi la dépression ?

Allez, histoire de me divertir un peu après un (trop) long moment d’étude de textes anthroposophes, je vous propose de vous dérider un peu avec cet article joyeux et chamarré au sujet de la dépression.

Pour pallier au désespoir profond entraîné par l’écriture de cet article, je vous propose donc des licornes. Oui bah on fait c’qu’on peut. Avant de commencer, je précise donc s’il le fallait que je suis dépressive depuis une bonne vingtaine d’années maintenant. J’ai la chance d’avoir pu trouver du soutien et de bien gérer ma dépression malgré des phases assez hardcore.

La dépression est une maladie mentale.

Tout comme l’homosexualité était une maladie mentale jusqu’en 1990, et le transsexualisme jusqu’en 2010. Je me permets ce petit rappel car le concept de maladie mentale est encore aujourd’hui associée à de nombreux préjugés. On le constate encore aujourd’hui en prenant connaissance des démarches de changecment de genre/sexe3ffc7cc59c38a76eeb98def935bbf925, que cela doit au niveau traitement hormonal ou chirurgical. Mais je m’égare, et je ne suis pas la personne la mieux placée pour en parler ici (vous trouverez quelques liens sur le côté de cette page).

La notion de maladie est cruciale, car on confond souvent “déprime” et dépression. La déprime, c’est le coup de blues hivernal, la tristesse suite à un évènement éprouvant. La dépression c’est une maladie qui se développe sur le long terme, et de laquelle on n’est jamais réellement guéri.

Concrètement, la dépression est souvent décrite comme un ralentissement de la vie de la personne atteinte. Moins de patate, moins envie, découragement… Être dépressif, c’est se sentir submergé en permanence, noyé, étouffé. C’est ne plus avoir la force de continuer à se lever, à agir, ou même à penser. C’est aussi devoir rassembler beaucoup plus d’énergie pour accomplir les tâches quotidiennes. Chaque journée est un peu comme une longue route interminable dans un paysage morne et plat. On marche, on avance, on sait qu’on avance, mais chaque pas est plus difficile que le précédent.

La dépression peut être accompagnée d’autres trucs sympas comme entres autres l’anxiété ou la phobie sociale.

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La dépression est multi-factorielle

D’une part la chimie cérébrale peut-être modifiée avec une configuration déficitaire en sérotonine, en dopamine et en noradrénaline. En gros les récepteurs de ces différentes molécules ne fonctionnent pas de manière optimale. C’est pour ça qu’on parle de médicaments « inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine » par exemple pour le Prozac.

Je voulais vous faire des schémas et des petits dessins mais je pense que l’explication complète nécessiterait un article bien à part (“ajouter un brouillon aux 24 déjà présents sur le blog” = check).

Cet état cérébral peut avoir plusieurs causes, dont l’hérédité ou des traumatismes. Dans tous les cas, le cerveau se « configure » de cette manière-là, et fonctionne avec ce déficit.

Les traitements

On peut traiter de deux manières, séparément ou ensemble, par les médicaments et les thérapies « par la parole » (psychiatrie, psychothérapie, mais aussi thérapies cognitives).

Les traitements médicamenteux ne sont pas une panacée. Ils permettent de donner un coup de pouce à notre chimie cérébrale et de l’aider à retrouver un fonctionnement normal. Ils ne règlent pas les problèmes de fond, notamment ceux liés à des traumatismes. Les antidépresseurs permettent en revanche d’atteindre un état d’esprit parfois utile lors des autres thérapies en émoussant les émotions. Pour ma part, les médicaments m’ont permis de libérer ma parole, d’évoquer des souvenirs parfois extrêmement douloureux mais dont l’expression était nécessaire. Croire que les antidépresseurs sont comme des antibiotiques est une idée reçue malheureusement encore très répandue.

Dans tous les cas, chaque personne est unique, un traitement n’entraînera pas les mêmes effets (et effets secondaires). J’ai encore en mémoire les effets plutôt funky du Deroxat sur mon humeur, entre fous rires incontrôlables et insomnies créatives, ce fut fun mais assez fatiguant pour moi (et mon entourage) à ce moment-là. Ah, et si j’ai un seul conseil à donner sur le sujet : si vous prenez un antidépresseur, n’arrêtez pas brutalement. Sérieusement. C’est assez brutal comme descente (j’utilise ce terme spécifique car il s’agit bel et bien d’une descente comme quand on revient d’une soirée et heu…bon, vous avez compris)(pour ceux qui n’ont pas compris on reprendra les cours “les drogues dures ne sont pas toujours mes amis” après la classe si vous voulez). Ahum.

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On observe aussi, à contrario, un rejet de ces “pilules du bonheur” par certains, souvent dans l’entourage. Il est donc bon de rappeler les points ci-dessus : le traitement aide, mais ne guérit pas, pour la simple et bonne raison qu’aucune pilule magique ne soignera définitivement une personne dépressive (pour le moment).

Au niveau des traitements, on continue rapidement avec :

La psychiatrie est la seule discipline dont les praticiens sont obligatoirement diplômés en médecine. Les psychiatres ont la capacité de prescrire des antidépresseurs. Ils peuvent si nécessaire proposer ou imposer une hospitalisation. La consultation d’un psychiatre est utile, au moins dans un premier temps.

La psychologie est une discipline protégée dépendant des sciences humaines. La plupart du temps, quand vous allez consulter, vous rencontrerez un-e psychologue clinicien-ne. La durée des études en psychologie en France est de 5 ans et la pratique de la psychologie est très encadrée.

La psychanalyse est à prendre avec plus de précautions. En effet, le titre de “psychanalyste” n’est pas protégé. Aujourd’hui, n’importe qui peut se prétendre psychanalyste. Un-e psychiatre ou psychologue peut choisir de pratiquer la psychanalyse, mais les cursus diplômants sont ouverts à tous.

S’il existe d’excellents praticiens, une certaine vigilance reste de mise et je ne saurai que trop vous conseiller de consulter ce site avant de décider quel type de pratique vous souhaitez utiliser.

Les thérapies comportementales et cognitives agissent, elles sur…le comportement. Pour résumer grossièrement, on rééduque notre perception du monde et des évènements extérieurs afin de pouvoir réagir autrement. Ces thérapies sont utiles en cas de troubles obsessionnels compulsifs et d’anxiété, ou de phobie sociale, qui sont parfois corrélées avec la dépression (cumuler des fois c’est plus amusant, vous savez bien !).

D’autres voies existent et peuvent être empruntées parallèlement à un traitement. Il peut s’agir de relaxation, de sport, de physiothérapie, de balades dans les champs, ou pourquoi pas de religion. Là encore, vigilance, beaucoup de cercles de parole ou de communautés bienveillantes ne sont pas ce que vous croyez.

Chaque personnalité est forgée par une multiplicité de facteurs, que ce soient l’éducation, les expériences, les traumatismes…ainsi, il n’y a aucun remède miracle pour traiter la dépression.

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La récidive

La dépression, c’est un peu comme une entorse ou une tendinite. On se remet petit à petit, et puis on gambade dans les nuages comme un-e petit-e licorne sous kétamine et BIM, on se re-foule juste au même endroit, comme par hasard !

En fait je ne sais pas si on peut s’en sortir de manière définitive. Cela fait plusieurs années que je suis stabilisée émotionnellement, mais il m’arrive encore régulièrement d’avoir des phases de détresse intense, sans pour autant avoir envie de me foutre sous le RER. J’ai appris à gérer, vivre avec, comme je vis avec la maladie en général, et je suis consciente que j’ai de la chance de « bien » le vivre (je suis une privilégiée de la dépression, j’imagine).

Ça peut être une chanson, un film, une image, ou, pire, RIEN, et j’ai les larmes aux yeux. Même si on évite les triggers (les éléments pouvant potentiellement provoquer des réactions émotionnelles fortes, ici des phases dépressives), on n’est jamais à l’abri de tout, même en s’enfermant dans son coin jour et nuit. Ma manière de m’en sortir a été de me confronter directement à mes traumas, de rentrer dans le tas, mais je ne suis pas sûre que ça aie été la meilleure stratégie. Evidemment, ça a plutôt pas mal fonctionné mais ça a aussi été une période plutôt violente.

Là encore, chacun-e a sa méthode, son plan de bataille.

Personnellement, je ne connais aucun cas de guérison totale et complète, mais si ça se trouve ça existe. Techniquement, ce n’est pas impossible.

Vivre avec une personne dépressive

Bon, les enfants, je vous le dis tout de suite, c’est pas facile. On ne vous demande pas non plus de devenir un Saint Bernard (quoique, le rhum peut être utile en certaines occasion), mais il y a plusieurs choses à savoir.

Ces quelques conseils sont loin d’être exhaustifs, et tirés essentiellement de mon expérience perso. Si vous avez d’autres conseils à ajouter, n’hésitez pas à m’en faire part afin que j’allonge cette liste.

  1. Renseignez-vous sur la dépression, ses symptômes, ses effets. Mettez-vous à la place de l’autre.
  2. Vous aurez forcément un moment où vous allez vous sentir à votre tour submergé-e. C’est normal. Si cela devient trop lourd, n’hésitez pas à en parler aussi à votre entourage proche. La position d’accompagnant-e ou d’aidant-e est délicate.
  3. Respectez les choix de votre ami-e, tout en veillant à ce que sa pathologie soit prise en charge correctement. Elle/il ne veut pas prendre de médicaments ? C’est son choix. Psychothérapie ou pas ? Pareil. Renseignez-vous sur les traitements envisagés, afin de pouvoir en parler avec l’intéressé-e de manière intelligente. Bonus : votre investissement, s’il ne tombe pas dans le paternalisme, sera bien reçu.
  4. Si votre dépressif/ve de compagnie ne veut pas parler et se renferme, n’insistez pas ! Restez disponible, mais n’allez pas la/le poker toutes les trente secondes en disant “ça va pas ?” “hey, tu veux un truc ?” “ça va mieux ou pas, là ?”. Au mieux, vous risquez de vous prendre un coup de patte, au pire, vous allez aggraver la situation.
  5. Certaines phases peuvent être déconcertantes. Aussi, on peut être super joyeux et souriant et cacher un gouffre intérieur tellement insondable qu’un seul regard vous perdrait à tout jamais dans les limbes du désespoir absolu. Ne vous fiez pas aux apparences, jamais.
  6. Quand elle/il veut parler, écoutez la/le. Oui, même si c’est du rabâchage, même si ça fait 100 000 fois que vous entendez dire que décidément, votre boulangère est une psychopathe du croissant au beurre. Hey, ça va, plus haut vous avez eu une personne pleine d’humour et de joyeuseté, vous plaignez pas !
  7. Restez vigilant-e et présent-e. N’oubliez pas que le suicide reste une option chez votre alter-ego. On ne peut pas quantifier les risques…jamais.
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http://www.smbc-comics.com/

Les trucs à ne pas dire à quelqu’un souffrant de dépression

“Tu devrais sortir, te changer d’air ! Bouge, un peu !”

En quoi ça n’aide pas ? Simplement car la personne se sent encore plus mal. “Je ne peux pas me bouger car je suis un-e incapable, de toutes façons j’ai jamais rien été foutu-e de faire, je suis nul-le, raté-e, la preuve, là, on me dit de me secouer un peu et j’ai juste envie de me mettre sous ma couette toute la journée et de pleurer.”

“Tu devrais faire du sport”

En quoi ça n’aide pas ? Même si le sport est effectivement une bonne idée, ça revient au même que les injonctions à se bouger. Corollaire : “tu devrais manger ceci ou cela” ou “STOP AU GLUTEN”. Non, sérieusement, arrêtez avec ça.

“Oh ça va, moi aussi des fois j’ai des coups de blues”

En quoi ça n’aide pas ? VOUS avez des moments de déprime, soit. Mais quiconque connaissant la dépression ne dira jamais ça à un-e autre dépressif/ve. Jamais. Parce qu’on sait qu’un coup de blues ça passe, ça guérit. Et un coup de blues n’entraîne pas toujours des pulsions de mort.

“Les antidépresseurs ça t’empoisonne !”

En quoi ça n’aide pas ? Une personne qui prend des antidépresseurs ne le fait pas la joie au cœur. Les effets secondaires sont présents, parfois difficiles à vivre. Personne ne prend de médicaments just for fun. La décision de la prescription a été faite en commun accord avec un médecin au cours du suivi. Vous diriez, vous “ne prends pas ta Ventoline, ça te fait du mal” à un-e asthmatique ? (Si oui, sortez tout de suite de ce blog, vous serez bien mignon, merci.).

“Tu devrais prendre des antidépresseurs”

En quoi ça n’aide pas ? Inversement, la décision de ne pas prendre d’antidépresseurs est à la discrétion de chacun-e. Considérant les effets secondaires et l’accoutumance, ce n’est pas anodin. N’oubliez pas non plus que les antidépresseurs ne sont pas une magie vaudou miraculeuse.

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“C’est quoi ton problème au juste ?”

En quoi ça n’aide pas ? Si votre ami-e a besoin d’en parler, elle/il vous en parlera. Vous iriez demander, vous, à un cancéreux comment il est tombé malade ? (Si oui, vous devriez être déjà loin après le coup de la Ventoline). En plus, est-ce que vous tenez vraiment à savoir ? Et…assumer après ? Non parce qu’une fois que les mots sont là, vous allez vous sentir bête, je vous assure.

“Tu as besoin d’attention, c’est ça ?”

En quoi ça n’aide pas ? Aaaaah le mythe de l’attention-whore. C’est sûr que la détresse profonde liée à l’état dépressif est une méthode bien connue pour attirer l’attention, avec si peu de dégâts…

“C’est pas comme si tu allais en mourir, ça va”

En quoi ça n’aide pas ? Heu vous avez déjà entendu parler du suicide ? Voilà.

“Mais tu as tout pour être heureuse ! Prends la vie du bon côté et suis ces 13 conseils qui ont changé ma vie !”

En quoi ça n’aide pas ? On m’a souvent dit ça. Ok, je suis pas spécialement gâtée par la vie, donc seulement quelques fois. Mais merde. C’est horrible à dire, ça, ça revient à nier complètement la souffrance de l’autre. Hé ouais, des fois les gens ont “tout pour être heureux” (c’est quoi au juste d’ailleurs, tout pour être heureux ?), et ont quand même envie de passer leurs journées à pleurer. Et les “10 conseils pour être zen” ou “les 25 points à suivre pour une vie heureuse et épanouie” sont pire que tout.

“Tout ça c’est que dans ta tête”

En quoi ça n’aide pas ? Heu…oui, en effet, la dépression c’est dans la tête. Mais la dépression peut aussi entraîner des maux de dos, des douleurs articulaires, des maladies à répétition. Oui, c’est dans nos caboches que ça se passe, mais dire ça n’apporte rien au problème que de pointer une évidence.

“C’est vrai que tu as une vie de merde, en fait…”

En quoi ça n’aide pas ? Si vous ne donnez pas de tabouret et de corde en même temps, abstenez-vous. Juste, abstenez-vous.

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http://purplemerkle.deviantart.com/

Ouais bah on peut rien dire, quoi, en gros.

Mais si. Vous pouvez dire que vous êtes là, que vous ne comprendrez jamais sa souffrance, mais que vous êtes et serez là pour l’écouter, la soutenir, la faire sourire quand elle en a besoin. Et oui, vous ne pouvez rien faire d’autre qu’être présent-e, mais ça représente énormément pour l’autre.

Le sujet est vaste et je suis loin d’en avoir fait le tour, mais j’espère que cet article aura permis d’y voir un peu plus clair. Keur keur keur sur vous <3

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